Rémunération du salarié : focus

La rémunération du salarié constitue un élément de la sphère contractuelle. Cela signifie notamment que l’employeur ne peut pas la modifier sans recueillir au préalable l’accord du salarié.
Avec une parfaite constance, la Cour de cassation réaffirme une nouvelle fois ce principe dans deux arrêts récents (Cass. soc., 21 juin 2023, n°22-12.930 ; Cass. soc., 21 juin 2023, n°21-21.572). Décryptage des faits et des solutions apportées par la Cour de cassation dans ces arrêts du 21 juin dernier.

Pas de modification du montant ni de la structure sans accord

Dans la première affaire, un salarié percevait depuis 2005 une rémunération comprenant une somme fixe mensuelle de 2820 euros, et une somme variable annuelle maximale de 48 960 euros. Sa rémunération fixe avait progressivement augmenté et atteignait 5000 euros en 2016. En revanche, le montant maximal de sa rémunération variable annuelle avait été ramené à 22 000 euros.
En 2018, le salarié saisit le Conseil de prud’hommes pour obtenir le paiement de sa rémunération variable pour les années 2016 à 2018 aux conditions antérieures au motif qu’il n’avait jamais accepté que celle-ci soit modifiée.

La Cour d’appel relève qu’à aucun moment, le salarié n’a contesté tant l’augmentation de sa rémunération fixe que le montant de rémunération variable annuelle, et en déduit qu’il a consenti à une modification qui, selon les juges du fond, s’avère de surcroit plus favorable. En conséquence, la Cour d’appel déboute le salarié qui décide alors de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en rappelant que « la rémunération contractuelle constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant, ni dans sa structure sans son accord, peu important que le nouveau montant soit plus avantageux » (Cass. soc., 21 juin 2023, n°22-12.930).
Cette position s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation qui avait déjà eu l’occasion de préciser que :

  • le montant de la rémunération ne peut être modifié, même à la hausse, sans l’accord du salarié (Cass. soc., 28 janvier 1998, n°95-40.275 ; Cass. soc., 25 janvier 2017, n°15-21.352) ;
  • l’impossibilité pour l’employeur de modifier la rémunération concerne également sa composition (salaire de base, parts variables, taux horaire etc.) ou encore le mode de calcul de chacun de ces éléments (Cass. soc., 25 avril 2001, n°99-43.009 ; Cass. soc., 15 septembre 2021, n°19-15.732), et ce peu important que le nouveau mode de rémunération n’ait aucune incidence sur le montant global de la rémunération (Cass. soc., 5 octobre 1999, n°97-41.123 ; Cass. soc., 18 mai 2011, n°09-69.175) voire même qu’il soit plus favorable pour le salarié (Cass. soc., 5 mai 2010, n°07-45.409).

Acceptation expresse de la modification de la rémunération

Dans la seconde affaire, un salarié avait perçu un bonus de 2008 à 2011 sur le fondement d’un accord collectif.
En décembre 2009, un nouvel accord est négocié pour la période de 2010 à 2013 et établit un nouveau système de rémunération à compter de 2011, lequel se substitue au précédent. Le 2 janvier 2012, le salarié signe un avenant à son contrat de travail lequel ne fait pas état du bonus.
Par la signature de cet avenant, la Cour d’appel considère que le salarié a dûment accepté la suppression de cet élément de rémunération et le déboute, par conséquent, de sa demande de rappel de salaire au titre du bonus pour l’exercice 2012/2013.
À nouveau, la Cour de cassation censure le raisonnement de la Cour d’appel en rappelant que la suppression d’un élément de la rémunération ne peut résulter que d’un accord exprès (et non tacite) du salarié. Dès lors, la signature de l’avenant par le salarié ne saurait caractériser sa volonté claire et non équivoque d’accepter la suppression de son bonus (Cass. soc., 21 juin 2023, n°21-21.572).
La « volonté claire et non équivoque » du salarié ne peut davantage résulter :

  • de la seule poursuite du travail aux nouvelles conditions (Cass. soc., 16 novembre 2005, n°03-47.560), même si le contrat s’est poursuivi sans que le salarié n’émette de protestation (Cass.soc., 29 novembre 2011, n°10-19.435) ;
  • ou encore de son acceptation sans protestation ni réserve des bulletins de salaire (Cass. soc., 1 mars 2000, n°97-45.702).

À retenir

  • Pas de modification unilatérale par l’employeur de la rémunération, que ce soit le montant, la structure, le fixe, le variable, le mode de calcul, etc., même à la hausse.
  • L’acceptation du salarié doit impérativement être claire et non équivoque, et matérialisée de façon expresse.
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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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