FOCUS : statut collectif
Synthèse des dernières décisions rendues par la Cour de cassation
Le CSE a-t-il qualité à agir par voie d’action en nullité d’un accord collectif ?
Un syndicat peut-il agir en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession lorsqu’un salarié titulaire d’un mandat syndical se dit victime d’un harcèlement moral ?
Décryptage de deux décisions importantes rendues par la Chambre sociale de la Cour de cassation en la matière.
1. 1. Le CSE peut avoir qualité à agir par voie d’action en nullité d’un accord collectif
Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de cassation qu’un comité social et économique est irrecevable à invoquer par voie d’action la nullité d’un accord collectif aux motifs que cet accord viole ses droits propres.
Eu égard aux effets de l’action en nullité d’un accord collectif, il y a lieu de juger que seule l’institution représentative du personnel, dont le périmètre couvre dans son intégralité le champ d’application de l’accord collectif contesté, a qualité à agir par voie d’action en nullité d’un accord collectif aux motifs qu’il viole ses droits propres résultant de l’exercice des prérogatives qui lui sont reconnues par des dispositions légales d’ordre public.
En l’espèce, deux comités sociaux et économiques d’établissement contestent la légalité de l’accord portant sur la gestion de l’ASC de restauration au sein de l’UES Orange, conclu au sein de cette UES par les organisations syndicales représentatives dans ce même périmètre de l’unité économique et sociale.
Or le périmètre de chacun des deux comités sociaux et économiques d’établissement ne couvrant pas l’intégralité du champ d’application de cet accord collectif, leur action en nullité est irrecevable.
Par ailleurs, la contribution versée chaque année par l’employeur pour financer des institutions sociales du CSE est fixée par accord d’entreprise.
Les activités sociales et culturelles ne sont pas exclues du champ de la négociation collective, et l’employeur, à qui le CSE choisit de déléguer une des activités sociales et culturelles que constitue la restauration des salariés, et les organisations syndicales représentatives de l’entreprise ont compétence pour négocier et conclure un accord collectif d’entreprise précisant les modalités d’exercice de la gestion de la restauration déléguée à l’employeur qui reste responsable devant le CSE.
En l’espèce, en l’absence de violation de règles d’ordre public et d’atteinte aux prérogatives des comités sociaux et économiques d’établissement, la demande de nullité de l’accord collectif du 31 mai 2019 devait être rejetée.
2. Harcèlement moral en lien avec le mandat : le syndicat peut agir en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession
Selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2022), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 10 juillet 2019, pourvoi n° 18-10.137), le salarié en question a été engagé le 1er décembre 2001 en qualité d’ingénieur maintenance industrielle et ingénieur en froid et climatisation. Il a ensuite occupé le poste de chef de projet confirmé spécialisé.
Invoquant un harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes. Le syndicat national CFTC spectacles-communication-sports et loisirs est intervenu volontairement à l’instance.
Le salarié a été désigné représentant syndical au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en juillet 2013 puis représentant syndical au comité d’entreprise en janvier 2014.
L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à verser au syndicat une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession, alors « que l’action en justice des syndicats professionnels est limitée aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ; que le constat d’une situation de harcèlement moral au préjudice d’un salarié ne porte pas atteinte à l’intérêt collectif de la profession ».
Réponse de la Cour
Un syndicat, lorsque les éléments invoqués par un salarié titulaire d’un mandat syndical ou représentatif comme laissant supposer un harcèlement moral sont en lien avec l’exercice des fonctions syndicales ou représentatives de ce salarié, est recevable à agir en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession.
En l’espèce, les faits allégués par le salarié au soutien de sa demande au titre d’un harcèlement moral étaient en lien avec son mandat, par conséquent le syndicat était recevable en son action en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession.
Cass. soc., 10 juillet 2024, n°22-22.803