Mise en place des institutions représentatives du personnel 

Les critères retenus pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements relèvent de la seule liberté des partenaires sociaux

Les signataires d’un accord collectif (accord classique ou accord CSE) déterminent librement les critères permettant la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts au sein de l’entreprise, à la condition toutefois, eu égard au principe de participation consacré par la Constitution du 27 octobre 1946, qu’ils soient de nature à permettre la représentation de l’ensemble des salariés.

Tel est en substance l’apport de l’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 1er février 2023.

Critères de définition des établissements distincts : l’affaire Air France

Dans cette affaire, un syndicat non signataire de l’accord collectif sur le dialogue social signé par les autres syndicats majoritaires au sein de la compagnie Air France avait saisi le Juge compétent en annulation de cet accord collectif en sollicitant la reconnaissance d’un établissement distinct ne comprenant que le personnel navigant technique ainsi que la mise en place d’un Comité social et économique propres aux pilotes de ligne.

Au soutien de ses prétentions, le syndicat faisait valoir pour l’essentiel que les règles qui régissent la détermination des établissements distincts sont d’ordre public ; que, pour déterminer, par accord d’entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d’établissement, les partenaires sociaux ont l’obligation de tenir compte :

  • de la mission de la délégation du personnel consistant à présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives à l’application des conventions et accords applicables dans l’entreprise ;
  • des différentes attributions de ces comités, et notamment des deux missions de la délégation du personnel consistant, pour la première, à présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou collectives des salariés, et, pour la seconde, à promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise, afin de favoriser l’exercice efficace de ces missions ;
  • de la mission de la délégation du personnel consistant à exercer le droit d’alerte en situation de danger grave et imminent, afin de favoriser l’exercice efficace de cette mission ;
  • de l’existence ou non d’un chef d’établissement doté d’une autonomie de gestion.

Le raisonnement développé par le syndicat n’a pas été suivi par la Cour d’appel, ni par la Cour de cassation.

La décision de la Cour de cassation et de la Cours d’appel vis-à-vis de l’arrêt

La Cour de cassation a retenu par cet arrêt que reconnaître en l’espèce un contrôle du juge alors même que le législateur n’a défini aucun critère serait en contradiction avec la Directive 2002/14/CE du Parlement Européen établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, qui dans son article 5 prévoit expressément que : « les États membres peuvent confier aux partenaires sociaux au niveau approprié, y compris au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, le soin de définir librement et à tout moment par voie d’accord négocié les modalités d’information et de consultation des travailleurs.

Ces accords, et les accords existant à la date figurant à l’article 11, ainsi que les éventuelles prorogations ultérieures de ces accords, peuvent prévoir, dans le respect des principes énoncés à l’article 1er et dans des conditions et limites fixées par les États membres, des dispositions différentes de celles visées à l’article 4. »

La Cour de cassation conclu en ce sens :

  • « Ayant d’abord exactement énoncé que les critères retenus pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements relèvent de la seule liberté des partenaires sociaux, la cour d’appel n’encourt pas le grief invoqué par la première branche. »
  • « Ayant ensuite constaté que la représentation des pilotes au sein du comité social et économique « Exploitation aérienne » est assurée, d’une part, par l’élection de délégués dans un collège propre constitué de 20 sièges sur les sièges de titulaires soit une représentativité de 34 % alors même qu’ils ne constituent que 22 % des effectifs de l’exploitation aérienne et, d’autre part, par l’existence dans ce comité d’une commission « santé, sécurité et conditions de travail » pour chaque catégorie de personnel dont les pilotes, et rappelé que chaque représentant du personnel au sein du comité social et économique dispose de la faculté d’exercer un droit d’alerte, la Cour d’appel, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la septième branche, a légalement justifié sa décision. »

Ainsi donc, les partenaires sociaux ont un rôle prépondérant, conférant au dialogue social une place entière, comme en la matière s’agissant de la liberté de fixer le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein d’une entreprise, à condition que l’ensemble des salariés soient effectivement représentés.

Cass. Soc, 1er février 2023, n°21-15371

Une procédure d’alerte facilitée

Depuis le 1er septembre 2022, l’employeur ne saurait exiger du lanceur d’alerte qu’il effectue son signalement au sein de l’entreprise avant de pouvoir faire un signalement externe, auprès d’une des autorités compétentes listées par décret (voir annexe du texte).

La loi impose la mise en place au sein des entreprises de plus de 50 salariés (effectif apprécié en moyenne au cours de 2 exercices consécutifs) d’une procédure de signalement interne qui permette le recueil et le traitement des alertes. Le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 ne précise pas les modalités de cette procédure (règlement intérieur, note de service ou accord d’entreprise), qui reste à définir par chaque entreprise ou groupe (et qui peut même être mutualisée entre plusieurs entités).

En revanche, le décret précise que la procédure doit être soumise à la consultation des instances de dialogue social, ce qui suppose un avis préalable du CSE, et qu’elle doit être diffusée par tout moyen pour assurer une publicité suffisante. L’objectif est de permettre une meilleure détection des dysfonctionnements au sein d’une entreprise.

Dans ce but, le règlement intérieur doit mentionner l’existence d’un dispositif de protection des lanceurs d’alerte.

La procédure doit mentionner les personnes en charge du recueil et du traitement des alertes, sachant que le canal de réception des signalements peut être géré pour le compte de l’entreprise par une personne physique ou morale extérieure. De nombreuses plateformes dématérialisées proposent ce service.

Le décret précise que la procédure peut recueillir des signalements par oral, avec la nécessité de consigner les informations ainsi données sur des supports durables.

La procédure doit également prévoir les suites données aux signalements qui ne respectent pas les conditions légales et aux signalements anonymes.

En tout état de cause, l’entreprise devra assurer le traitement des signalements et mener une véritable enquête dans un délai de 3 mois à compter de l’accusé de réception du signalement, dans le respect de la confidentialité, de l’impartialité et des règles en matière de protection des données personnelles, notamment des durées de conservation proportionnées à la situation (RGPD).

L’obligation de mise en place de cette procédure interne n’est pas assortie de sanction mais son absence pourrait être considérée comme un préjudice générant l’attribution de dommages-intérêts en cas de contentieux mené par un lanceur d’alerte évoquant la perte d’une chance de faire cesser un dommage.

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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