Contentieux de la Sécurité sociale : Analyse des dernières décisions rendues par la Cour de cassation 

Action en inopposabilité de la prise en charge d’un accident au titre de la législation professionnelle, contestation du taux d’incapacité permanente, et contrôle URSSAF… décryptage des trois décisions rendues par la Cour de cassation le 25 avril 2024.

1. Inopposabilité de la prise en charge et prescription

L’exercice par l’employeur d’une action en inopposabilité de la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle n’interrompt pas le délai de la prescription de l’action du salarié en reconnaissance de la faute inexcusable.

Selon l’article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale (dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2004-329 du 15 avril 2004 et L. 452-1) qu’en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la prescription biennale opposable aux demandes d’indemnisation complémentaire de la victime ou de ses ayants droit commence à courir à compter de la date de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière.

Le délai de prescription est interrompu par l’exercice de l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident et ne recommence à courir qu’à compter de la date de la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident.
En raison de l’indépendance des rapports entre la caisse et la victime, d’une part, et de ceux entre la caisse et l’employeur, d’autre part, l’exercice par ce dernier d’une action aux fins d’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle, qui est sans incidence sur la décision de reconnaissance de son caractère professionnel à l’égard de la victime, n’interrompt pas le délai de la prescription biennale de l’action exercée par la victime en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
En l’espèce, la contestation par l’employeur du caractère professionnel de l’accident était sans incidence sur la prise en charge dont bénéficiait la victime depuis le 30 mars 2012. Le juge du fond a exactement retenu que le délai de prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur n’avait pas été interrompu, de sorte que cette action, engagée par la victime le 2 mars 2016, plus de deux ans après la cessation du paiement des indemnités journalières du 12 novembre 2012, était prescrite.

Cass. civ., 2e, 25 avril 2024, n°22-16.197

2. Contestation du taux d’incapacité permanente

Pas de forclusion du recours contentieux en l’absence d’accusé de réception du recours préalable mentionnant les délais et voies de recours en cas de décision implicite de rejet de la CRA.
Aux termes de l’article R. 142-1-A, III du code de la sécurité sociale (dans sa rédaction issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018) s’il n’en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de 2 mois à compter de la notification de la décision contestée.

Ces délais ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l’accusé de réception de la demande.
Il en résulte qu’en l’absence d’un accusé de réception du recours préalable mentionnant les délais et voies de recours, la forclusion de son recours contentieux ne peut être opposée au requérant dont le recours préalable, qui constitue une demande au sens du texte susvisé, a fait l’objet d’une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Ces dispositions sont applicables au recours de l’employeur qui conteste la décision d’une caisse attribuant un taux d’incapacité permanente à la victime d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle ou d’une rechute.

En l’espèce, le recours de l’employeur en contestation du taux d’incapacité permanente attribué par la caisse à la victime est déclaré irrecevable Pour le juge, introduit plus de deux mois après l’expiration du délai d’acquisition de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, il est atteint par la forclusion. A tort selon la Cour de cassation : le juge aurait dû vérifier que l’accusé de réception du recours préalable de l’employeur mentionnait les délais et voies de recours en cas de décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Cass. civ., 2e, 25 avril 2024, n°22-15.393

3. Gestion des contrôles URSSAF multiples

Les mises en demeure et contraintes décernées au titre de chaque établissement font l’objet de procédures distinctes et le désistement de l’une n’a pas d’incidence sur les autres.

Une cotisante est jugé irrecevable à contester la régularité de la procédure de contrôle. Le juge retient que l’URSSAF a procédé à un contrôle qui a porté sur l’ensemble des établissements de la société, que le TASS a rendu 5 jugements concernant ces différents établissements, et a par 5 fois validé ces opérations de contrôle. Il relève que ces jugements ont tous été frappés d’appel, mais que la société s’est désistée de ses appels concernant les établissements de [Adresse 5] et de [Adresse 4], de sorte que la régularité des opérations de contrôle, contestée dans les 5 affaires, a fait l’objet d’un jugement définitif au sens du code civil (art. 1355) . Il ajoute que la chose demandée était la même, l’annulation des opérations de contrôle, que les moyens de nullité soulevés étaient les mêmes et que les demandes opposaient bien les mêmes parties, et que l’existence de 5 établissements, dépourvus de la personnalité morale et dotés seulement d’un numéro SIRET, ne limite en rien l’autorité de la chose jugée.

A tort selon la Cour de cassation : le juge d’appel était saisi de la contestation du redressement notifié à la cotisante à la suite du contrôle de son établissement de [Adresse 6], ayant donné lieu, à la suite d’une lettre d’observations concernant les chefs de redressement afférents à cet établissement, à une mise en demeure et à une contrainte, objet des instances jointes, ayant donné lieu au jugement qui lui était déféré, de sorte que cette contestation avait un objet distinct des jugements devenus définitifs à la suite du désistement de la cotisante, concernant des mises en demeure et des contraintes décernées au titre d’autres établissements.

Cass. civ., 2e, 25 avril 2024, n°21-16.779

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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