FOCUS : Grève et Statut collectif
Cette semaine, décryptage de trois principales décisions qui ont été rendues par la Cour de cassation, en matière de grève et de statut collectif.
1/ Entreprises gérant un service public de transport : seules les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise peuvent déposer un préavis de grève
La Cour de cassation rappelle dans une décision du 5 février 2025 (pourvoi n°22-24.601), qu’iIl résulte de la combinaison des textes du code du travail et du code des transports que dans les entreprises de transport gérant les services publics de transport terrestre régulier de personnes, le dépôt d’un préavis de grève ne pouvant intervenir qu’après une négociation préalable entre l’employeur et la ou les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer le préavis, cette négociation ayant pour objet de tenter de parvenir à un accord et d’éviter le déclenchement de la grève envisagée dans l’entreprise, seules les organisations syndicales représentatives au sein de cette entreprise peuvent procéder au dépôt d’un préavis de grève.
En l’espèce, la fédération CGT, a invoqué un trouble manifestement illicite constitué par une entrave au droit de grève à raison de l’opposition exprimée par la société Keolis à son préavis. C’est à juste titre que la Cour d’appel a constaté que la fédération CGT étant seulement représentative au niveau national, le préavis de grève n’était pas valide, de sorte que le trouble manifestement illicite invoqué à raison d’une entrave au droit de grève n’était pas caractérisé.
2/ Dans un autre cas d’espèce, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser dans une décision du 5 février 2025, (pourvoi n°23-21.250) que :
– (a) L’absence du salarié résultant d’un temps de repos postérieur à la fin d’un mouvement de grève doit être rémunérée
– (b) L’entrave au droit de grève résultant d’une retenue sur salaire illicite cause un préjudice à l’intérêt collectif de la profession
(a) L’exercice du droit de grève suspend l’exécution du contrat de travail pendant toute la durée de l’arrêt de travail résultant de l’exercice de ce droit, en sorte que l’employeur est délivré de l’obligation de payer le salaire, peu important que, pendant cette période, le salarié n’ait eu normalement aucun service à assurer.
Selon la loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales, les personnels de cette entreprise sont soumis aux dispositions de l’article L. 2512-5 du code du travail qui dispose que l’absence de service fait par suite de cessation concertée du travail entraîne pour chaque journée une retenue du traitement ou du salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille. Il s’en déduit que l’absence du salarié résultant d’un temps de repos postérieur à la fin d’un mouvement de grève ne constitue pas une absence de service fait par suite de la cessation concertée du travail et doit être rémunérée.
(b) L’entrave à l’exercice du droit de grève résultant d’une retenue sur salaire illicite faite à un salarié porte atteinte à la communauté de travail au sein de l’entreprise et cause un préjudice à l’intérêt collectif de la profession.
3/ La différence de traitement résultant du maintien par accord de substitution de l’indemnisation des frais de transport domicile/ travail n’est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle
Les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise opérées par un accord de substitution négocié et signé, en application du code du travail, par les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l’ensemble de cette entreprise et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées, de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
En l’espèce, pour les juges du fond, la différence est étrangère à toute considération de nature professionnelle dès lors qu’elle concerne le coût des déplacements domicile-travail, lesquels sont exclus du champ du temps de travail effectif, outre que le montant de l’avantage consenti varie selon le lieu de domicile choisi librement par le salarié et qu’elle repose ainsi entièrement sur des caractéristiques personnelles du salarié, relevant de sa vie privée, en sorte qu’elle porte atteinte au principe d’égalité de traitement. Le maintien d’un avantage résultant d’un accord d’entreprise antérieur à la fusion au profit des seuls salariés présents dans l’établissement avant cette fusion, et le refus subséquent de cet avantage à un salarié, qui était déjà présent dans l’entreprise mais employé sur un autre site, ne constituent pas une raison objective et pertinente de nature à la justifier.
A tort selon la Cour de cassation : la différence de traitement résultant du maintien, par l’accord de substitution, au profit des seuls anciens salariés du site de la société absorbée qui bénéficiaient de cet avantage à la date d’effet de cet accord ou qui en avaient bénéficié antérieurement, de l’indemnisation de leurs frais de transport entre leur domicile et leur lieu de travail, n’était pas étrangère à toute considération de nature professionnelle.
Tel est l’apport de cette troisième décision (Cass. soc., 5 février 2025, n°22-24.000).