Actualité sociale du 21 juillet 2023
Nullité des conventions de forfait en jours dans 2 conventions collectives.
La Cour de Cassation épingle régulièrement des conventions collectives qui ne respectent pas selon elle les dispositions légales en matière de forfait en jours.
2 nouvelles conventions collectives subissent ce sort :
1.CCN du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire
L’article 2.8.3. de l’accord du 11 avril 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail, attaché à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999, qui se borne à prévoir que l’employeur est tenu de mettre en place des modalités de contrôle du nombre des journées ou demi-journées travaillées par l’établissement d’un document récapitulatif faisant en outre apparaître la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels ou jours de réduction du temps de travail, ce document pouvant être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur, et que les cadres concernés par un forfait jours bénéficient chaque année d’un entretien avec leur supérieur hiérarchique, au cours duquel il sera évoqué :
- l’organisation du travail,
- l’amplitude des journées d’activité
- et de la charge de travail en résultant,
sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n’est pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.
Cass. soc., 5 juillet 2023, n°21-23.387, FS-B
2. CC du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle
Les dispositions des articles 1.09 f et 4.06 de la convention collective du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, étendue par arrêté du 30 octobre 1981, dans leur rédaction issue de l’avenant du 3 juillet 2014, qui se bornent à prévoir que la charge quotidienne de travail doit être répartie dans le temps de façon à assurer la compatibilité des responsabilités professionnelles avec la vie personnelle du salarié, que les entreprises sont tenues d’assurer un suivi individuel régulier des salariés concernés et sont invitées à mettre en place des indicateurs appropriés de la charge de travail, que compte tenu de la spécificité du dispositif des conventions de forfait en jours, le respect des dispositions contractuelles et légales sera assuré au moyen d’un système déclaratif, chaque salarié en forfait jours devant renseigner le document de suivi du forfait mis à sa disposition à cet effet, que ce document de suivi du forfait fait apparaître :
- le nombre et la date des journées travaillées
- ainsi que le positionnement
- la qualification des jours non travaillés
et rappelle la nécessité de respecter une amplitude et une charge de travail raisonnables, que le salarié bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique dont l’objectif est notamment de vérifier l’adéquation de la charge de travail au nombre de jours prévu par la convention de forfait et de mettre en oeuvre les actions correctives en cas d’inadéquation avérée, en ce qu’elles ne permettent pas à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
Cass. soc., 5 juillet 2023, n°21-23.222, FS-B
A l’inverse dans la CCN des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment, les forfaits jours sont jugés licites :
L’article 4.2.9 de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006, dans sa version issue de l’avenant n°3 étendu du 11 décembre 2012, qui prévoit notamment que l’organisation du travail des salariés soumis à une convention de forfait en jours fait l’objet d’un suivi régulier par la hiérarchie qui veille notamment aux éventuelles surcharges de travail et au respect des durées minimales de repos, qu’un document individuel de suivi :
- des journées,
- des demi-journées travaillées,
- des jours de repos,
- et jours de congés (en précisant la qualification du repos : hebdomadaire, congés payés, etc.)
est tenu par l’employeur ou par le salarié sous la responsabilité de l’employeur, que ce document individuel de suivi permet un point régulier et cumulé des jours de travail et des jours de repos afin de favoriser la prise de l’ensemble des jours de repos dans le courant de l’exercice et que la situation du salarié sera examinée lors d’un entretien au moins annuel avec son supérieur hiérarchique, qui portera sur la charge de travail du salarié, l’amplitude de ses journées d’activité, qui doivent rester dans des limites raisonnables, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que la rémunération du salarié, en ce qu’il impose à l’employeur de veiller au risque de surcharge de travail du salarié et d’y remédier, répond aux exigences relatives au droit à la santé et au repos et assure ainsi le contrôle de la durée raisonnable de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Cass. soc., 5 juillet 2023, n°21-23.294, FS-B
Point de départ de l’obligation de reclassement
L’obligation qui pèse sur l’employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail.
Les dispositions issues de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 (notamment relatives aux recherches de reclassement dans le groupe) ne sont pas applicables aux salariés déclarés inaptes avant son entrée en vigueur.
Classement en invalidité 2ème catégorie : visite de reprise même si le salarié fournit des arrêts
Il résulte des textes du Code du travail que, dès lors que le salarié informe son employeur de son classement en invalidité deuxième catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, il appartient à celui-ci de prendre l’initiative de faire procéder à une visite de reprise, laquelle met fin à la suspension du contrat de travail.
En l’espèce, le juge du fond avait décidé que l’employeur n’était pas tenu d’organiser une visite de reprise, car le salarié a adressé à son employeur son classement en invalidité deuxième catégorie, et sans discontinuer des arrêts de travail. Le juge en avait déduit que le contrat de travail se trouvait toujours suspendu et que le salarié avait par là-même, manifesté sa volonté de ne pas reprendre le travail.
A tort selon la Cour de cassation : ces motifs sont impropres à caractériser la volonté du salarié de ne pas reprendre le travail.