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IA & RSE : Révolution technologique ou menace durable pour les RH ?

L’intelligence artificielle s’impose chaque jour davantage dans le paysage professionnel. Des tâches automatisées, des processus optimisés, des prises de décision accélérées… son potentiel semble infini. Parallèlement, la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) n’a jamais été aussi centrale, exigeant des organisations qu’elles soient exemplaires sur le plan social, environnemental et éthique.
Mais que se passe-t-il quand ces deux dynamiques se croisent ? Est-ce une rencontre bénéfique, ou le début d’un paradoxe complexe à gérer ? Comment les Ressources Humaines peuvent-elles se positionner entre la pression technologique et les impératifs de durabilité ? 

IA et RSE : Deux leviers, une tension commune

D’un côté, l’intelligence artificielle est capable d’imiter des tâches traditionnellement humaines : analyser des données, générer du langage, prendre des décisions. Pourtant, derrière cette sophistication, elle ne « comprend » rien ; elle prédit, elle simule, mais elle n’a ni conscience ni éthique intrinsèque.
De l’autre, la RSE repose sur des valeurs humaines : respect des personnes, transparence, réduction de l’impact environnemental, équité sociale. Elle suppose une intention, une responsabilité collective.
Deux concepts en apparence compatibles, mais qui peuvent aussi entrer en tension.   

    Pourquoi l’IA devient un sujet RH majeur 

    Les RH sont souvent en première ligne sur les sujets RSE. Ce sont elles qui définissent les politiques internes, qui s’assurent du respect des valeurs de l’entreprise, qui veillent au bien-être des collaborateurs et à la culture d’entreprise. Dès lors, l’arrivée massive d’outils basés sur l’IA les interpelle directement. 

    Trois axes majeurs à surveiller : 

    1. Culture et valeurs d’entreprise 
    La culture d’une organisation est façonnée par ses pratiques quotidiennes. Introduire des outils d’intelligence artificielle sans réflexion peut entraîner des effets pervers : perte de transparence, déshumanisation des process, biais algorithmiques non détectés.
    À l’inverse, une IA bien encadrée peut devenir un levier pour renforcer une culture fondée sur l’équité, l’inclusion et la responsabilité.   

    2. Attentes des collaborateurs et marque employeur   
    Les jeunes générations, comme les talents expérimentés, sont de plus en plus sensibles aux engagements environnementaux et sociétaux des entreprises. Une adoption irréfléchie de l’IA peut brouiller le message et donner l’impression d’une course à la productivité au détriment des valeurs humaines.
    Les RH ont un rôle clé : utiliser la technologie pour renforcer l’engagement collaborateur, sans sacrifier le sens.

    3. Conformité éthique et légale

    L’usage de l’IA dans les processus RH pose des défis : confidentialité des données, conformité RGPD, transparence des décisions automatisées. Qui est responsable si un outil d’IA introduit des biais discriminants ? Les RH doivent s’assurer que chaque usage respecte la réglementation… mais aussi l’éthique de l’entreprise.

    Les idées reçues sur IA & RSE : décryptage  

    Plusieurs idées reçues circulent sur l’impact réel de l’IA, notamment sur le plan écologique et social. Voici quelques-unes des plus courantes, confrontées aux faits :

      Idée reçue Réalité
      L’IA est forcément bénéfique pour la planète ❌ Mythe ! Elle est énergivore, son impact dépend du cadre fixé.
      Une requête IA = chauffer un litre d’eau ❌ Mythe ! Une requête consomme environ 0,3 Wh (source : Epoch AI).
      L’IA accélère la transition écologique ✅ Réalité : Oui, elle aide sur la prédiction climatique, l’efficacité énergétique, etc.
      Sobriété numérique = arrêter totalement l’IA ❌ Mythe ! Il s’agit de limiter les usages superflus, pas de l’interdire.
      L’IA menace forcément les emplois verts ❌ Mythe ! Elle transforme les métiers, mais en crée aussi, notamment dans les domaines verts.
      Les petites entreprises n’ont aucun intérêt à intégrer l’IA à leur politique RSE ❌ Mythe ! L’IA est accessible à toutes tailles d’entreprises.
      L’IA est neutre ❌ Mythe ! Elle reflète les biais présents dans ses données d’apprentissage.
      Plus une IA est grande, mieux c’est pour la transition écologique ❌ Mythe ! Parfois, une IA plus légère est plus efficace écologiquement.
      L’IA remplacera obligatoirement les métiers liés à la transition écologique ❌ Mythe ! Elle vient compléter ou transformer ces métiers, pas les remplacer.
      L’IA est transparente et simple à auditer ❌ Mythe ! La plupart sont des « boîtes noires », difficiles à auditer.
      Utiliser l’IA consomme systématiquement plus qu’une recherche classique ❌ Mythe ! Les modèles récents, comme GPT-4o, sont comparables voire inférieurs en consommation.
      L’IA suffit à rendre une entreprise RSE ❌ Mythe ! L’IA est un outil, pas une stratégie. La responsabilité humaine reste centrale.

      Reprendre la main sur l’usage de l’IA : une mission RH

      Face à ces constats, le rôle des RH est fondamental pour reprendre la main sur l’intelligence artificielle et s’assurer qu’elle reste au service de l’humain.
      Voici quelques leviers concrets pour un usage raisonné et stratégique :

      1. Fixer un cadre d’utilisation clair 

      Qui peut utiliser l’IA dans l’entreprise ? Pour quelles tâches précises ? Quels outils sont validés ? Quel encadrement des usages externes (chatbots publics, outils de génération de contenu) ?
      Poser ces règles dès le départ permet de prévenir les dérives.  

      2. Former au-delà du « prompting »

      Trop souvent, les formations IA se concentrent uniquement sur la maîtrise technique (comment bien rédiger une requête). Mais comprendre les impacts environnementaux, les biais algorithmiques, les enjeux éthiques et réglementaires est tout aussi crucial.
      Les RH peuvent intégrer ces éléments dans leurs parcours de formation.  

      3. Sensibiliser à la sobriété numérique

      L’idée n’est pas d’interdire l’IA, mais d’apprendre à l’utiliser à bon escient. Pourquoi mobiliser une IA énergivore pour une tâche qui pourrait être accomplie plus simplement ? Instaurer cette réflexion au sein des équipes est essentiel.

      4. Collaborer étroitement avec la DSI   

      Les usages IA touchent à la fois aux infrastructures techniques et aux process humains. Une collaboration renforcée entre RH et DSI est indispensable pour garantir une gouvernance cohérente.   

      5. S’assurer de la conformité légale 

      Données personnelles, RGPD, confidentialité : les données RH sont sensibles par nature. Tout recours à une IA externe ou interne doit passer par un audit rigoureux des conditions d’utilisation et de stockage des données.  

      Intégrer l’IA dans la stratégie RSE : est-ce possible ?

      La question se pose souvent : l’IA peut-elle être intégrée dans la stratégie RSE d’une entreprise ?
      La réponse est nuancée. Aujourd’hui, mesurer précisément l’impact carbone ou énergétique de l’IA reste difficile, faute de transparence totale des grands acteurs technologiques. Toutefois, les entreprises peuvent agir sur plusieurs plans :
      • Choisir des partenaires technologiques transparents et engagés sur la réduction de leur empreinte environnementale.
      • Intégrer des objectifs de sobriété numérique dans leur politique RSE.
      • Former les équipes à des usages responsables.
      • Anticiper les futures évolutions réglementaires sur le numérique responsable.
      La vigilance est de mise. Ce n’est pas parce que l’impact précis n’est pas toujours mesurable qu’il est inexistant.  

       L’IA est un outil. C’est à vous d’en fixer les règles. 

      L’intelligence artificielle n’est ni un eldorado technologique, ni une catastrophe inévitable. Elle est un levier puissant. Mais comme tout levier, son impact dépend de la manière dont il est utilisé.
      Les RH, en tant que garants de la culture et des engagements de l’entreprise, ont un rôle central. Fixer les règles du jeu, poser les bonnes questions, former les équipes, surveiller les impacts réels… autant d’actions pour faire de l’IA un levier de progrès, et non un facteur de dérive.
      C’est une responsabilité, mais aussi une formidable opportunité : celle de remettre l’humain, l’éthique et la durabilité au cœur des choix technologiques.