Focus sur le temps partiel

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Aménagement du temps partiel : décryptage des décisions de la Cour de cassation  

1. L’aménagement du temps de travail sur l’année : quelles sont les conséquences d’un dépassement horaire hebdomadaire ?

La modulation du temps de travail sur l’année

La modulation du temps de travail est une modalité d’aménagement du temps de travail sur l’année. Il s’agit d’un dispositif permettant de faire varier la durée hebdomadaire de travail sur tout ou partie de l’année mais à condition que la durée annuelle du travail n’excède pas 1 607 heures.
La modulation permet de ne pas considérer les heures effectuées au-delà de 35 heures comme des heures supplémentaires dès lors qu’à la fin de l’année de référence, la durée de travail n’excède pas 1 607 heures (ou plafond fixé par l’accord collectif). L’idée est de compenser les semaines où la durée hebdomadaire est élevée par des semaines où la durée du travail est plus faible.
Ce dispositif est ouvert au temps partiel autour de la durée contractuelle du travail qui sera alors annualisée.

Précisions de la Cour de cassation

Dans un récent arrêt du 7 février 2024, la Chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser que, en cas d’aménagement du temps de travail sur l’année, un dépassement horaire hebdomadaire n’entraine pas la requalification en temps complet.
En effet, aux termes du Code du travail, les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.
En cas d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures complémentaires ne peuvent pas avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau du seuil de la durée légale du travail correspondant à la période de référence, ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.
En l’espèce l’accord d’entreprise aménageait la durée du travail sur l’année et prévoyait des variations des horaires de travail de 0 à 20 % par rapport à l’horaire mensuel de référence et que la durée de travail des salariés à temps partiel était inférieure à 1 600 heures.
Le dépassement horaire hebdomadaire relevé par la salariée était ponctuel, mais il n’était pas démontré que la durée annuelle de travail de 1 600 heures avait été dépassée, par conséquent la demande en requalification en contrat de travail à temps complet devait être rejetée.

Cass. soc, 7 février 2024, n°22-17.696

2. L’accord qui ne respecte pas les prescriptions légales est-il opposable ?

Dispositions légales et accords collectifs

Autre interrogation intéressant le travail à temps partiel, celle de savoir si un accord temps partiel modulé qui ne respecte pas les prescriptions légales est inopposable ou pas.

Position de la Chambre sociale

La Chambre sociale y répond dans une autre décision du 7 février 2024, en indiquant que l’accord de temps partiel modulé ne respectant pas les prescriptions légales est inopposable.
Par suite, la Chambre sociale énonce les conséquences sur le décompte du temps de travail et sur la rémunération.

Selon l’article L. 212-8 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l’année à condition que, sur un an, cette durée n’excède pas un plafond de 1 607 heures.

Ces conventions et accords doivent fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail. Ils fixent en outre les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés.

En l’espèce, l’accord d’entreprise interne prévoit :

« Afin de tenir compte des spécificités régionales influant sur les variations de l’activité des magasins, ceux-ci peuvent retenir une programmation indicative différente de celle mentionnée ci-dessous.
Dans ce cas, les organisations syndicales signataires du présent Accord sont associées, et le Comité d’Etablissement est consulté sur cette programmation qui sera affichée au moins 15 jours avant le début de la période de modulation.
Le programme indicatif concernant la mise en œuvre de la modulation s’établit de la façon suivante, et conformément à l’article 17.4 :

  • Durée hebdomadaire du travail généralement supérieure ou égale à l’horaire contractuel au cours du premier tertial (de septembre à décembre).
  • Durée hebdomadaire du travail généralement inférieure ou égale à l’horaire contractuel au cours du deuxième et troisième tertial (de janvier à août).

Le planning des horaires hebdomadaires de travail est établi pour chaque unité de travail (magasin, département, service ou rayon) et pour chaque période, par le responsable. Il est communiqué aux salariés concernés, au moins 15 jours avant le début de la période, et affiché. Les horaires hebdomadaires et le planning indicatif ci-dessus, pourront varier d’un établissement à l’autre et au sein d’un même établissement d’un service ou rayon à l’autre, compte tenu des manifestations locales, des activités commerciales du magasin qui peuvent entraîner des surcroîts d’activité au cours de périodes réputées creuses.
Il est entendu que la journée de travail ne doit pas comporter de coupure. Est considérée comme une coupure, toute interruption de travail prévue au planning d’une durée supérieure à 1 heure et 15 minutes. »

Il en ressort que l’accord collectif d’entreprise, qui, en l’absence, notamment, de toute précision de limite de la variation horaire hebdomadaire, ne fixe pas le programme indicatif de la répartition de la durée du travail ni les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés, ne répond pas aux exigences légales alors applicable.

Par conséquent, le décompte de la durée du travail dans un cadre autre qu’hebdomadaire était inapplicable.

Par ailleurs, selon le même accord, pour accompagner la modulation de leur temps de travail, les salariés à temps partiel modulé se verront attribuer une prime mensuelle qui correspond à 2,5 % de leur salaire de base mensuel.
Il en résulte que cette majoration, destinée à compenser les sujétions du salarié à temps partiel soumis à un régime de modulation, lui reste acquise, nonobstant une reconnaissance ultérieure de l’inopposabilité de l’accord collectif instituant cette modulation.

Cass. soc., 7 février 2024, n°22-18.940

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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