FOCUS : état de santé
Synthèse des dernières décisions rendues par la Cour de cassation
Parlons état de santé du salarié : entre obligation de l’employeur, et recours exercé par le salarié contre un avis rendu par le médecin du travail.
Décryptons deux décisions importantes rendues par la Chambre sociale de la Cour de cassation en la matière.
1. Visite de reprise après une absence pour maladie : à quelles conditions l’employeur doit-il prendre l’initiative ?
Selon l’arrêt rendu le 27 janvier 2023 par la Cour d’appel de DOUAI, le salarié, engagé en qualité de guichetier, a été à plusieurs reprises en arrêt de travail pour maladie, et il a sollicité de l’employeur l’organisation d’une visite de reprise.
Il a saisi le Conseil de prud’hommes d’une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul et de demandes de rappel de salaires et dommages et intérêts au titre notamment d’un manquement à l’obligation de sécurité.
Le salarié a été déclaré inapte au poste par avis du 12 octobre 2021 du médecin du travail. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 31 décembre 2021.
Pour soutenir ses demandes, les arguments du salarié étaient les suivants :
- l’employeur doit, dès qu’il a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, saisir le service de santé au travail afin qu’il organise l’examen de reprise.
- le salarié remplissant les conditions de l’article R. 4624-31 du code du travail et qui demande à l’employeur d’organiser la visite de reprise, n’est pas tenu, pour bénéficier de cet examen médical, de reprendre effectivement le travail ni de manifester, autrement que par cette demande, sa volonté de reprendre son activité.
- lorsqu’elle est obligatoire, seule la visite de reprise met fin à la période de suspension du contrat de travail ; que tant qu’elle n’a pas eu lieu, le salarié demeure en période de suspension de son contrat et ne saurait, par conséquent, être astreint à travailler ni même à se présenter dans l’entreprise.
La réponse de la Cour de cassation
En réponse, la Cour de cassation précise que selon le code du travail (art. R. 4624-31 dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016), le salarié bénéficie d’un examen de reprise après une absence d’au moins 30 jours pour cause de maladie non professionnelle, et dès que l’employeur a la connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise dans un délai de 8 jours à compter de la reprise du travail par le salarié.
Il en résulte que l’initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l’employeur, dès que le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier de cet examen, en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu’il y soit procédé.
2. Avis d’inaptitude : la mention selon laquelle tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi peut être contestée
Selon l’arrêt attaqué en date du 22 février 2023 (Cour d’appel de Lyon), la salarié, en arrêt de travail pour maladie à compter du 7 septembre 2021, a été déclarée inapte à son poste lors de la visite de reprise du 4 avril 2022, l’avis du médecin du travail précisant que « l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
La salariée saisi le Conseil de Prud’hommes d’un recours contre l’avis d’inaptitude.
En réponse, l’employeur faisait valoir que :
- la contestation du droit d’un salarié de saisir le juge prud’homal pour contester un avis du médecin du travail en ce qu’il exclut toute possibilité de reclassement concerne le droit d’agir du salarié et non le bien-fondé de son action,
- le salarié n’est pas recevable à contester devant le juge prud’homal un avis du médecin du travail en ce qu’il mentionne une dispense de reclassement.
La Cour de cassation statuait en ce sens
Selon l’article L.4624-7 du code du travail, la contestation dont peut être saisi le juge doit porter sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4.
Il résulte de la combinaison des articles du même code (L. 4624-4 et R. 4624-42) que le médecin du travail peut assortir l’avis d’inaptitude d’indications relatives au reclassement du travailleur et mentionner notamment que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Une telle mention constitue une indication émise par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale, de sorte que la contestation portant sur cette mention est recevable.
Cass. soc., 3 juillet 2024, n°23-14.227