Droit à l’expertise du CSE d’établissement
Focus sur les conditions et les limites
Quelles sont les attributions du CSE d’établissement ?
Le Comité social et économique d’établissement (CSE d’établissement) a les mêmes attributions que le Comité social et économique d’entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef d’établissement, et est consulté sur les décisions arrêtées au niveau de l’entreprise spécifiques à l’établissement, et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement (article L.2316-20 du Code du travail).
Le Code du travail prévoit également expressément que le CSE d’établissement peut faire appel à un expert lorsqu’il est compétent conformément aux dispositions du Code du travail (article L.2316-21 du Code du travail).
Concrètement, le CSE d’établissement peut décider de recourir à un expert-comptable ou à un expert habilité tant dans le cadre des consultations récurrentes que ponctuelles du CSE.
En outre, l’article L.2316-22 du Code du travail prévoit que lorsqu’il y a lieu de consulter à la fois le CSE central et un ou plusieurs CSE d’établissement, un accord peut définir l’ordre et les délais dans lesquels le CSE central et le ou les CSE d’établissement rendent et transmettent leur avis.
A défaut d’accord, l’avis de chaque CSE d’établissement est rendu et transmis au CSE central et l’avis du CSE central et rendu dans les délais fixés par Décret en Conseil d’Etat.
Assistance du CSE d’établissement par un expert
Quelles sont les obligations ?
Plusieurs arrêts récents de la Haute juridiction offrent un éclairage sur l’assistance du CSE d’établissement par un expert dans le cadre le cadre ses consultations.
La Cour de cassation rappelle de manière stricte les règles précitées dans un arrêt du 16 février 2022 (Cass. Soc, 16.02.2022, n°20-17622), et donne une illustration de leur application s’agissant d’une expertise pour projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail (laquelle relève des consultations dites ponctuelles du CSE).
Dans cette affaire, une expertise avait été réalisée au niveau du CSE central consulté sur un projet de mise en location-gérance de certains magasins visant à sauvegarder la compétitivité des hypermarchés et plus largement celle du Groupe.
Le CSE de l’un des établissements concernés était simplement informé de ce projet lors d’une réunion, mais pas consulté, à l’issue de laquelle il avait été voté le recours à un expert agréé pour projet important modifiant les conditions de travail et de sécurité ou les conditions de travail.
L’employeur a saisi le Tribunal Judiciaire de Moulins et lui demandait, d’une part, de constater l’absence de projet important, et d’autre part, d’annuler la délibération dont s’agit. Il obtint gain de cause.
La Cour de cassation a donné raison à l’employeur, en rappelant tout d’abord qu’il n’existe pas un droit général à expertise, laquelle ne peut être décidée que lorsque les conditions visées à l’article L.2315-94 du Code du travail sont réunies, à savoir :
« 1° Lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ;
2° En cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévus au 4° du II de l’article L. 2312-8 ;
3° Dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle. »
Ensuite, elle précise que le CSE d’établissement ne démontrait pas que le projet de mise en location-gérance du magasin aurait des incidences sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail qui lui seraient propres et ainsi que l’expertise décidée était relative à un domaine pour lequel il était compétent.
En conséquence, le CSE d’établissement ne pouvait pas avoir recours à un expert habilité.
Quelles sont les conditions ?
Ainsi, si le CSE d’établissement a bien la possibilité de désigner un expert lorsque les conditions sont remplies, c’est-à-dire qu’il existe des mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement, cette expertise sera limitée à l’analyse des incidences de ces mesures sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail dans l’établissement concerné.
Il est à noter encore que la Cour de cassation, par cet arrêt, s’inscrit dans la lignée d’une précédence décision en date du 26 février 2020 dans laquelle elle avait considéré qu’une expertise ne peut être votée au niveau de l’établissement que s’il n’y a pas eu d’expertise au niveau de l’entreprise (Cass. Soc, 26.02.2020, n°18-23590).
Par ailleurs, et toujours sur cette thématique, il convient de souligner que la Chambre sociale s’est prononcée sur l’expertise votée par le CSE d’établissement concernant la consultation récurrente relative à la politique sociale, dans une décision du même jour.
En l’espèce, le Tribunal Judiciaire de Dijon saisi de l’affaire avait relevé, pour débouter l’employeur de sa demande d’annulation de la délibération de recourir à une expertise, que l’établissement en question avait été reconnu comme établissement distinct compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, ce qui était, ajoute-t-il, de nature à faire présumer l’existence d’une politique sociale en son sein, et, d’autre part, qu’il existait des mesures d’adaptations spécifiques à cet établissement en matière de politique sociale.
La Cour de cassation a finalement confirmé à la lettre ce raisonnement, et a relevé que le CSE d’établissement avait été consulté sur l’ordre des départs en congés, ainsi que sur un plan de formation des salariés de l’établissement, mais également que les délégués syndicaux de l’établissement avaient été conviés à la négociation d’un avenant relatif à l’intéressement propre à l’établissement en question, concluant au fait qu’en l’état le droit à consultation et dès lors à expertise étaient justifiés (Cass. Soc, 16.02.2022, n°20-20373).