Droit à la formation en entreprise : quelles sont vos obligations légales en 2025 ?
Le paysage de la formation professionnelle a considérablement évolué ces dernières années, plaçant les entreprises face à des responsabilités précises.
Entre obligations légales et enjeux stratégiques, les employeurs doivent naviguer dans un cadre réglementaire complexe mais essentiel pour le développement de leurs collaborateurs. Les dispositifs se sont multipliés, tout comme les sanctions en cas de manquement.
Mais au-delà de la contrainte, la formation représente un véritable levier de performance et de fidélisation des talents.
Les fondements des obligations de formation en entreprise
Le Code du travail encadre strictement les responsabilités des employeurs en matière de formation professionnelle. L’article L. 6321-1 constitue la pierre angulaire de ce dispositif, imposant à l’employeur une obligation fondamentale : assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi.
Cette obligation se décline en plusieurs volets :
- Former les salariés pour qu’ils puissent s’adapter à l’évolution de leur poste
- Maintenir leur employabilité face aux évolutions technologiques et organisationnelles
- Proposer des formations en cas de menace sur l’emploi
- Respecter les engagements pris lors de la signature du contrat de travail
Au-delà de ces principes généraux, l’entreprise doit se conformer aux dispositions spécifiques prévues dans les conventions collectives et accords de branche, qui peuvent imposer des formations particulières selon les secteurs d’activité.
Les formations obligatoires : un impératif de sécurité et de conformité
Certaines formations revêtent un caractère obligatoire, indépendamment de la taille ou du secteur de l’entreprise. Ces formations concernent principalement :
- La sécurité au travail : manipulation d’équipements dangereux, travail en hauteur, exposition à des risques spécifiques
- L’hygiène : notamment dans les secteurs de l’alimentation et de la santé
- Les habilitations professionnelles : électricité, conduite d’engins, etc.
- La lutte contre les discriminations et le harcèlement pour les entreprises de plus de 250 salariés
Ces formations doivent être renouvelées selon une périodicité définie par la réglementation. Le non-respect de ces obligations expose l’employeur à des sanctions pénales, particulièrement en cas d’accident lié à un défaut de formation.
Les dispositifs de formation accessibles aux salariés
Pour répondre à leurs obligations, les entreprises peuvent s’appuyer sur différents dispositifs de formation :
Le Compte Personnel de Formation (CPF)
Bien que le CPF soit un droit individuel du salarié, l’entreprise peut l’abonder pour financer des formations plus coûteuses ou plus longues. Depuis 2023, l’abondement est d’ailleurs devenu obligatoire dans certaines situations, notamment en cas de non-respect des obligations liées à l’entretien professionnel.
La reconversion ou promotion par alternance (Pro-A)
Ce dispositif permet aux salariés en CDI de suivre une formation en alternance pour changer de métier ou bénéficier d’une promotion. L’employeur maintient la rémunération et peut bénéficier d’une prise en charge par son OPCO (Opérateur de Compétences).
La Validation des Acquis de l’Expérience (VAE)
L’entreprise doit faciliter l’accès à la VAE pour les salariés qui souhaitent faire reconnaître leur expérience professionnelle par un diplôme ou une certification. Un congé spécifique peut être accordé à cette fin.
L’apprentissage et les contrats de professionnalisation
Ces dispositifs d’alternance permettent à l’entreprise de former de futurs collaborateurs tout en bénéficiant d’aides financières. Ils contribuent à remplir les obligations en matière d’insertion professionnelle.
L’entretien professionnel : une obligation biennale incontournable
Instauré par la loi du 5 mars 2014 et renforcé par les réformes successives, l’entretien professionnel constitue une obligation majeure pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.
Cet entretien doit être organisé tous les deux ans et permet :
- D’échanger avec le salarié sur ses perspectives d’évolution professionnelle
- D’identifier ses besoins de formation
- De faire le point sur ses compétences acquises
Tous les six ans, un bilan approfondi doit être réalisé pour vérifier que le salarié a bien bénéficié :
- Des entretiens professionnels obligatoires
- D’au moins une action de formation
- D’une progression salariale ou professionnelle
Le non-respect de ces obligations expose l’entreprise à un abondement correctif du CPF du salarié concerné, à hauteur de 3000 euros pour les entreprises de 50 salariés et plus.
Le plan de développement des compétences : outil stratégique de formation
Anciennement appelé « plan de formation », le plan de développement des compétences regroupe l’ensemble des actions de formation mises en œuvre par l’employeur pour ses salariés. Il distingue deux catégories :
- Les formations obligatoires, qui doivent être réalisées sur le temps de travail avec maintien intégral de la rémunération
- Les formations non obligatoires, qui peuvent, sous certaines conditions, être suivies en dehors du temps de travail (dans la limite de 30 heures par an)
L’élaboration de ce plan relève de la responsabilité de l’employeur, mais sa pertinence repose sur une analyse fine des besoins de l’entreprise et des attentes des salariés. Le comité social et économique (CSE) doit être consulté sur son contenu et sa mise en œuvre.
Le financement de la formation : contributions obligatoires
Depuis la loi « Avenir professionnel » de 2018, le système de financement de la formation professionnelle a été profondément remanié. Les entreprises doivent désormais s’acquitter d’une Contribution Unique à la Formation Professionnelle et à l’Alternance (CUFPA), dont le taux varie selon la taille de l’entreprise :
Taille de l’entreprise | Taux de contribution |
---|---|
Moins de 11 salariés | 0,55% de la masse salariale |
11 salariés et plus | 1% de la masse salariale |
À cette contribution s’ajoute la taxe d’apprentissage (0,68% de la masse salariale) pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés.
Ces contributions sont collectées par l’URSSAF et redistribuées aux OPCO (Opérateurs de Compétences) qui financent les actions de formation. Depuis 2022, seules les formations dispensées par des organismes certifiés QUALIOPI peuvent bénéficier de ces financements, ce qui impose aux entreprises de vérifier cette certification lors du choix de leurs prestataires.
Les sanctions en cas de non-respect des obligations
Le législateur a prévu plusieurs mécanismes de sanction pour garantir le respect des obligations de formation :
Sanctions financières
L’entreprise de 50 salariés et plus qui ne respecte pas ses obligations liées à l’entretien professionnel doit verser un abondement correctif de 3000 euros sur le CPF de chaque salarié concerné.
Sanctions pénales
L’absence de formation à la sécurité peut être qualifiée de faute inexcusable en cas d’accident du travail, entraînant une majoration significative des indemnités versées à la victime.
Risques juridiques
Le manquement aux obligations de formation peut être invoqué par le salarié :
- Dans le cadre d’un licenciement pour insuffisance professionnelle
- Pour obtenir des dommages et intérêts en cas de perte d’employabilité
- Pour contester une sanction disciplinaire liée à une incompétence
La formation comme levier stratégique pour l’entreprise
Au-delà des obligations légales, la formation professionnelle constitue un investissement stratégique pour l’entreprise. Elle permet de :
- Développer le capital humain et fidéliser les talents
- Anticiper les évolutions technologiques et organisationnelles
- Améliorer la performance collective et individuelle
- Renforcer l’attractivité de l’entreprise auprès des candidats
- Créer une culture d’apprentissage favorable à l’innovation
Les entreprises les plus performantes sont souvent celles qui dépassent le cadre strict des obligations légales pour faire de la formation un axe majeur de leur politique de ressources humaines.
Vers une gestion prévisionnelle des compétences
Face aux mutations rapides du monde du travail, les entreprises ont tout intérêt à adopter une approche proactive de la formation, en mettant en place une véritable Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC).
Cette démarche permet d’identifier les compétences qui seront nécessaires à moyen terme et d’anticiper les besoins de formation. Elle s’appuie sur :
- Une cartographie des compétences existantes
- Une analyse des évolutions prévisibles des métiers
- Un plan d’action pour combler les écarts identifiés
Les entreprises de plus de 300 salariés sont d’ailleurs tenues d’engager tous les trois ans une négociation sur la GPEC, qui doit inclure un volet formation.
En 2025, la formation professionnelle s’affirme plus que jamais comme un enjeu majeur pour les entreprises françaises. Entre cadre légal contraignant et impératif de compétitivité, l’employeur doit trouver le juste équilibre pour transformer ses obligations en opportunités. Les entreprises qui sauront intégrer la formation dans leur stratégie globale en feront un véritable levier de performance et d’adaptation aux défis futurs. Car au-delà des textes et des dispositifs, c’est bien le développement du capital humain qui reste au cœur des enjeux de la formation professionnelle.