Focus RH et obligations légales

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Droit à l’image du salarié

Pourquoi est-il nécessaire de recueillir le consentement écrit du salarié ?

Que dit le Code Civil en matière de droit à l’image ?

Dans de nombreuses situations, les entreprises souhaitent utiliser l’image de leurs collaborateurs – photographiée ou filmée – à des fins de communication interne ou externe : site web, réseaux sociaux, plaquettes, événements…

Pourtant, même si aucune loi n’impose formellement de recueillir un consentement écrit, la jurisprudence est stricte : l’employeur doit être en mesure de justifier une autorisation écrite pour toute diffusion de l’image d’un salarié.

En effet, l’image d’une personne – en tant que représentation physique identifiable – constitue un élément de sa vie privée, protégée par l’article 9 du Code civil, qui stipule :

« Chacun a droit au respect de sa vie privée« .

Les juges peuvent ordonner toutes mesures nécessaires (séquestre, saisie, retrait) pour faire cesser une atteinte à l’intimité de la personne, même sans preuve d’un préjudice financier. En cas d’abus, l’entreprise s’expose donc à des sanctions civiles et à une obligation de réparation du dommage subi.

Le salarié doit-il apporter la preuve du préjudice subi dans son droit à l’image ?

S’il est constant que le fait d’avoir publié des photographies de salariés dans un but commercial sans solliciter leur autorisation préalable et de maintenir celles-ci postérieurement à la rupture de leur contrat de travail expose à un risque de condamnation à des dommages et intérêts, la question s’est posée de savoir s’il appartient aux salariés qui invoque une atteinte à leur vie privée de rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice.

Droit à l’image : les salariés ne sont pas tenus de s’expliquer sur la nature du préjudice qui en résulte !

Un arrêt de la Cour de cassation en date du 19 janvier 2022 (Chambre sociale, pourvoi n° 20-12.420) est venu rappeler avec force l’importance du respect du droit à l’image dans le cadre professionnel.

La Haute juridiction, se fondant sur l’article 9 du Code civil, précise que le droit à l’image couvre l’ensemble du cycle de traitement de celle-ci : de sa captation à sa conservation, en passant par sa reproduction et son utilisation.

Elle affirme surtout un point essentiel : La seule constatation d’une atteinte au droit à l’image suffit à ouvrir droit à réparation, même sans démonstration d’un préjudice matériel.

Cet arrêt souligne à quel point il est crucial, pour les employeurs, de recueillir une autorisation écrite claire et préalable de la part du salarié, avant toute utilisation de son image.

Exemple de procédure de défense du droit à l’image dans le cadre d’un licenciement économique

En l’espèce, dans le cadre d’une procédure de licenciement pour motif économique plusieurs salariés avaient adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle. Chacun des salariés avaient été photographié pour apparaître sur le site internet de l’entreprise. Ils avaient, après la rupture de leur contrat de travail, adressé un courrier à leur employeur pour manifester leur volonté de voir leur photographie supprimée.

L’employeur ne s’est pas immédiatement conformé à cette demande, et n’a supprimé la photographie litigieuse que postérieurement à la communication par les salariés de leurs conclusions de première instance.

Les salariés avaient fait grief aux arrêts (Cour d’appel de Toulouse) de confirmer les jugements en ce qu’ils ont dit que leur demande relative au droit à l’image était sans fondement au motif pris qu’ils ne démontraient pas l’existence d’un préjudice personnel, direct et certain, en faisant valoir que le seul constat de l’atteinte au droit de chacun à s’opposer à la publication de son image ouvre droit à réparation sans qu’il y ait lieu de s’expliquer davantage sur la nature du préjudice qui en est résulté.

La Cour de cassation a finalement donné raison aux salariés.

Défense du Droit à l’image : un arrêt de la Cour de cassation en rupture avec l’article 9 du Code civil et sa jurisprudence de 2016

Il est à noter que la Cour de cassation par cet arrêt s’inscrit en rupture tant avec l’article 9 du Code civil qui conditionne explicitement la réparation à l’existence d’un dommage subi, qu’avec sa jurisprudence constante depuis 2016 consistant à dire qu’il appartient au salarié qui sollicite des dommages et intérêt en réparation d’un préjudice subi de rapporter la preuve du préjudice allégué en démontrant, d’une part, la réalité de celui-ci et, d’autre part, son importance.

En conséquence, il est à noter que la Cour de cassation, gardienne des droits fondamentaux des salariés, rappelle avec force aux employeurs que la subordination inhérente au contrat de travail n’a pas pour effet de priver le salarié des droits fondamentaux attachés à la personne, et notamment du droit à l’image.

Que doit contenir l’autorisation de droit à l’image ?

Dans ces conditions, et compte tenu du risque de condamnation auquel l’atteinte à l’image du salarié expose les employeurs, il ne fait aucun doute qu’il sera préférable de formaliser un accord avec le salarié en établissant un écrit, afin de fixer les conditions d’utilisation de l’image du salarié et en particulier :

  • La durée de l’utilisation des films / photographies (durant l’exécution du contrat de travail / après la rupture du contrat) ;
  • Les supports sur lesquels les fichiers seront exploités (internet, document publicitaire…) ;
  • L’usage qui en sera fait (usage promotionnel) ;
  • Eventuellement la contrepartie financière.

En pratique, les montants mis à la charge des employeurs par le Tribunaux varient en fonction des circonstances de l’utilisation de l’image (pendant-après la rupture du contrat de travail), et de l’étendue de cette exploitation (géographique et temporelle).

Dès lors il apparaît essentiel d’anticiper la difficulté en obtenant l’accord par écrit des salariés pour exploiter plus sereinement leur image.

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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