Un lanceur d’alerte est dans l’obligation d’utiliser la procédure graduée

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Le lanceur d’alerte est-il tenu de signaler l’alerte dans les conditions prévues à l’article 8 de la loi du 9 décembre 2016 organisant une procédure d’alerte graduée ?

La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 », a introduit au sein de la législation française le statut du lanceur d’alerte.

Les conditions d’alerte selon l’article 8 de la loi Sapin 2

L’article 8 fixe les conditions dans lesquelles une alerte doit être signalée, comme suit :

« I. – Le signalement d’une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci.

En l’absence de diligences de la personne destinataire de l’alerte mentionnée au premier alinéa du présent I à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels.

En dernier ressort, à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés au deuxième alinéa du présent I dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public.

II. – En cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance des organismes mentionnés au deuxième alinéa du I. Il peut être rendu public.

III. – Des procédures appropriées de recueil des signalements émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels sont établies par les personnes morales de droit public ou de droit privé d’au moins cinquante salariés, les administrations de l’Etat, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

IV. – Toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte. »

Lanceur d’alerte et procédure graduée : avis de la Cour de cassation

Dans un arrêt récent en date du 15 février 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur le caractère impératif ou non des dispositions de l’article 8 susvisé.

La question était donc de savoir si le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions est tenu de signaler l’alerte dans les conditions définies par l’article 8 de la loi, organisant une procédure d’alerte graduée ?

La Cour de cassation répond par la négative.

Point sur l’affaire dont il est question ici

Dans cette affaire, une salariée engagée en qualité de surveillante de nuit au sein d’une maison d’enfants à caractère social avait émis un signalement, suite auquel l’inspection du travail avait effectué un contrôle au sein de l’établissement.

Lors du contrôle, la salariée en question avait remis la copie d’un courriel adressé par l’équipe éducative aux responsables de l’association pour dénoncer des incidents se déroulant la nuit, notamment de possibles agressions sexuelles commises par certains enfants accueillis sur d’autres.

L’inspection du travail avait ensuite adressé un courrier à l’employeur au sujet des postes de veilleurs de nuit et avait informé le Procureur de la République de faits ne relevant pas de ses compétences mais lui paraissant mettre en danger les salariés et les enfants confiés à cette institution.

Sept mois après avoir donné l’alerte, une mesure de licenciement était prononcée contre la salariée, qui a agi en justice pour la contester, estimant que ce licenciement était en lien avec la dénonciation des manquements constatés au sein de l’établissement.

En l’espèce, la lettre de licenciement faisait grief à la salariée d’avoir interpellé l’inspectrice du travail pour faire état de conditions de travail dangereuses pour elle-même et les enfants, d’avoir effectué sans autorisation une copie du cahier de liaison et transmis une copie de mails à l’inspectrice du travail, ces déclarations et ce comportement ayant eu pour conséquence l’ouverture d’une enquête pénale et l’audition des différents éducateurs de l’unité, ainsi que des enfants.

Lanceur d’alerte et procédure graduée : licenciement considéré comme trouble illicite par la Chambre sociale

La cour d’appel avait par ailleurs relevé que, si la salariée avait dénoncé des faits d’agression sexuelle sans les avoir constatés elle-même, elle s’était appuyée pour cela sur des documents internes à l’entreprise et n’avait aucun moyen de savoir si les faits qu’elle-même et ses collègues redoutaient étaient ou non avérés alors que les services de police avaient dû procéder pour cela à une enquête approfondie, laquelle, loin de porter atteinte à la réputation de l’établissement, constituait, dans un souci de protection d’enfants déjà grandement fragilisés par les causes de leur placement et leur placement lui-même, une mesure parfaitement proportionnée aux éléments dont avait eu connaissance la salariée, dans l’exercice de ses fonctions, en sorte qu’il n’était pas démontré qu’elle savait que les faits qu’elle dénonçait étaient faux.

C’est donc à la lumière de ces circonstances que la Chambre sociale en a déduit que le licenciement constituait un trouble manifestement illicite, et a décidé que « il en résulte, d’une part, que le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions n’est pas tenu de signaler l’alerte dans les conditions prévues par l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 organisant une procédure d’alerte graduée et, d’autre part, qu’il ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. »

Tel est l’apport de cet arrêt.

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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