Focus RH et obligations légales
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Licenciement d’un salarié protégé, lanceur d’alerte : que dit la loi ?
Le Conseil d’Etat a précisé le régime de la preuve dans un arrêt du 27 avril 2022.
Quelle est la procédure de licenciement d’un salarié protégé ?
Lorsque le licenciement d’un salarié protégé est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives exercées, ni en lien avec son appartenance syndicale éventuelle.
Bénéficiant d’une protection exceptionnelle, la validité du licenciement du salarié protégé est subordonnée à l’application d’une procédure spéciale consistant à obtenir l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail, par application des articles L.2421-3 et suivants du Code du travail.
Lorsque la mesure de licenciement repose sur les agissements fautifs du salarié, alors l’appréciation des faits reprochés et leur caractère suffisamment grave incombe à l’inspecteur du travail. Il lui appartient d’effectuer toutes les recherches nécessaires afin de s’assurer que les faits invoqués contre le salarié sont constitués, sérieux et d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement projeté.
Un salarié peut-il être licencié pour avoir relaté des faits répréhensibles ?
Rappelons également que conformément à l’article L.1132-3-3 du Code du travail dans sa version applicable au litige :
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage (…) licencié (…), pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. »
En cas de litige relatif à au précédent alinéa, « dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».
Dans un arrêt du 27 avril 2022, le Conseil d’Etat a indiqué qu’il résulte des dispositions précitées que, dans le cas où l’autorité administrative est saisie d’une demande d’autorisation de licenciement pour faute du salarié protégé auquel il est reproché d’avoir signalé des faits répréhensibles, alors il lui appartient de rechercher :
- Si les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit.
- Si le salarié en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
- Et s’il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi.
Lorsque les trois conditions précitées sont remplies, l’autorité administrative doit refuser d’autoriser le licenciement.
En outre, si les dispositions de l’article L. 1132-3-3 du Code du travail prévoient un aménagement des règles de dévolution de la preuve lorsqu’un salarié conteste des mesures défavorables prises à son encontre en faisant valoir qu’elles sont, en réalité, motivées par une déclaration ou un témoignage, ces dispositions sont sans application lorsque la mesure contestée par le salarié est expressément fondée sur un signalement.
Le Conseil d’Etat ajoute que dans le cas où il est saisi de la légalité d’une décision prise par l’autorité administrative sur une demande d’autorisation d’un licenciement expressément motivé par un tel signalement, il appartient au juge de l’excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier par les parties, le cas échéant après avoir mis en œuvre ses pouvoirs généraux d’instruction des requêtes.
Tel est l’apport de cet arrêt.
Il s’agit d’une indication pratique précieuse sur le contrôle opéré par l’inspecteur du travail lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé ayant signalé des faits répréhensibles.
CE, 27 avril 2022, n°437735