Focus RH et obligations légales

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L’interdiction de signes religieux, philosophiques ou spirituels n’est pas une discrimination selon la CJUE

L’avant-propos introduit par Madame Laëtitia DRIGUEZ, Maître de conférences en droit privé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, apporte un éclairage sur l’actualité du droit des discriminations à l’échelle européenne, puisqu’elle indique que :

« La lutte contre les discriminations occupe toujours une part significative de l’activité partielle de la Cour de Justice de l’Union Européenne en matière sociale.

On dénombre pour l’année passée neuf arrêts se rapportant soit à la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, soit à la Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

On retrouve les motifs discriminatoires qui nourrissent habituellement le contentieux : le sexe, à propos du bénéfice d’un congé supplémentaire post-maternité (CJUE, 18.11.2020, aff. C- 463/19 Syndicat CFTC du personnel de la CPAM de Moselle), ou bien encore en matière de rémunération (CJUE, 3.06.2021, aff. C- 624/19, Tesco Stores Ltd).

La liberté religieuse et ses expressions dans la société est une thématique devenue récurrente dans les prétoires de l’Union européenne et de nombreux Etats membres. »

 

Actualité sur la liberté religieuse au travail

Dans un arrêt du 13 octobre 2022, il est question d’une requérant de confession musulmane, reçue en entretien professionnel, et qui a été interrogée sur le fait de savoir si elle acceptait de se conformer à la règle de neutralité promue au sein de l’entreprise (ici entreprise belge).

Cette règle de neutralité inscrite dans le règlement de travail de l’entreprise prévoit que les travailleurs veillent à ne manifester en aucune manière, ni paroles, ni de manière vestimentaire, ni d’aucune autre manière, leurs convictions religieuses, philosophiques ou politiques, quelles qu’elles soient.

La requérante au principal a indiqué aux responsables de la société qu’elle refuserait d’enlever son foulard et de se conformer à ladite règle de neutralité.

 

Réponse de la CJUE sur l’interdiction des signes ostentatoires au travail

La CJUE décide que la règle interne d’une entreprise interdisant le port visible de signes religieux, philosophiques ou spirituels ne constitue pas une discrimination directe si elle est appliquée de manière générale et indifférenciée à tous les travailleurs.

La Cour observe qu’une disposition d’un règlement de travail d’une entreprise interdisant aux travailleurs de manifester en paroles, de manière vestimentaire ou de toute autre manière, leurs convictions religieuses ou philosophiques, quelles qu’elles soient, ne constitue pas, à l’égard des travailleurs qui entendent exercer leur liberté de religion et de conscience par le port visible d’un signe ou d’un vêtement à connotation religieuse, une discrimination directe « fondée sur la religion ou les convictions », au sens du droit de l’Union, dès lors que cette disposition est appliquée de manière générale et indifférenciée.

En effet, dès lors que chaque personne est susceptible d’avoir soit une religion, soit des convictions religieuses, philosophiques ou spirituelles, une telle règle, pour autant qu’elle soit appliquée de manière générale et indifférenciée, n’instaure pas une différence de traitement fondée sur un critère indissociablement lié à la religion ou à ces convictions.

Elle précise qu’une règle interne telle que celle appliquée dans l’affaire en cause est toutefois susceptible de constituer une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ou sur les convictions s’il est établi que l’obligation en apparence neutre qu’elle contient aboutit, en fait, à un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données.

La Cour ajoute qu’une différence de traitement ne serait pas constitutive d’une discrimination indirecte si elle était objectivement justifiée par un objectif légitime et si les moyens de réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, tout en rappelant que la simple volonté d’un employeur de mener une politique de neutralité, bien que constituant, en soi, un objectif légitime, ne suffit pas, comme telle, à justifier de manière objective une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ou les convictions, le caractère objectif d’une telle justification ne pouvant être identifié qu’en présence d’un besoin véritable de cet employeur, qu’il lui incombe de démontrer.

La Cour relève enfin que, lors de l’appréciation de l’existence d’une justification à une discrimination indirecte, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale accorde, dans le cadre de la mise en balance des intérêts divergents, une plus grande importance à ceux de la religion ou des convictions qu’à ceux résultant, notamment, de la liberté d’entreprendre, pour autant que cela découle de son droit interne.

CJUE, 13 octobre 2022, aff. C- 344/20, L.F contre S.C.R.L

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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