La preuve dans les contentieux du travail : PV de police issu d’une procédure pénale à laquelle l’employeur était tiers : preuve illicite

La preuve, en matière prud’homale, est libre. La loyauté de la preuve est devenue une exigence incontournable du droit de la preuve. Elle compte désormais parmi « les grands principes qui gouvernent le droit de la preuve ». L’articulation entre le droit pénal et le droit disciplinaire se pose lorsqu’une faute, susceptible de recouvrir une qualification pénale, est commise par un salarié.

La preuve d’une faute grave administrée par l’employeur au moyen d’un procès-verbal issu d’une procédure pénale à laquelle il était tiers est-elle licite ?

La Chambre sociale a tranché cette question dans un arrêt récent du 8 mars 2023

Dans cette affaire, le salarié avait été engagé, le 4 janvier 1999, par la société Compagnie des transports strasbourgeois en qualité de conducteur.

À la suite d’une plainte déposée par le salarié, qui avait constaté la disparition d’un bloc de tickets dans un des bus qu’il conduisait, l’employeur a remis aux services de police les bandes du système de vidéoprotection équipant les véhicules.

Le 19 septembre 2016, les services de police ont remis à l’employeur un procès-verbal, établi en exploitant ces enregistrements, établissant que le salarié avait téléphoné au volant et fumé dans le bus.

Le même jour, à la suite de cette révélation, l’employeur a notifié au salarié une mise à pied conservatoire, l’a convoqué à un entretien préalable et l’a invité à se présenter devant le conseil de discipline en vue d’un éventuel licenciement. Le salarié a été licencié pour faute grave le 4 octobre 2016.

Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.

Preuve illicite dans les contentieux du travail : la Cour de cassation a donné raison au salarié

En considérant que :

  • La preuve de la faute grave énoncée dans la lettre de licenciement n’était administrée par l’employeur qu’au moyen d’un procès-verbal de police, dressé après que le salarié avait lui-même déposé plainte pour vol de tickets de bus, et que les enquêteurs, en visionnant les enregistrements vidéo du bus conduit par celui-ci, avaient relevé des infractions au code de la route contre ce dernier.
  • Par ailleurs, la communication du procès-verbal était intervenue dans le cadre informel des relations qu’il entretenait pour les besoins de son activité avec les autorités de police, en sorte que cette délivrance de pièce issue d’une procédure pénale à laquelle l’employeur était tiers, intervenue sans justification d’une autorisation du procureur de la République, était illicite.
  • Enfin, l’employeur, de manière déloyale et en méconnaissance de ses propres engagements résultant de la charte de la vidéo protection en vigueur dans l’entreprise, d’une part, avait accepté de remettre l’enregistrement du système de vidéoprotection équipant les véhicules à la police au mépris de l’article 4 de cette même charte, alors qu’aucune infraction ou perturbation afférente à la sécurité des personnes n’était en cause s’agissant de l’allégation d’un vol de titres de transport sans violences et, d’autre part, avait utilisé les constats tirés par la police de cet enregistrement contenus dans le procès-verbal dont il avait en outre irrégulièrement été destinataire, pour prouver la faute du salarié et procéder à son licenciement, en violation de l’article 3-3 de la charte, aux termes duquel il s’était engagé à ne pas recourir au système de vidéoprotection pour apporter la preuve d’une faute du salarié lors d’affaires disciplinaires internes.

Il s’en déduit que le procès-verbal litigieux avait été obtenu de manière illicite et était dès lors irrecevable.

Cass. Soc, 8 mars 2023, n° 20-21.848

 

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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