FOCUS : CSE
Cette semaine, trois principales décisions rendues en la matière par la Cour de cassation sont décryptées.
1 / Le CSE peut accomplir sa mission à l’égard des salariés mis à disposition d’une entreprise tierce dès lors qu’il peut prendre contact avec eux via leur messagerie professionnelle
L’existence d’un trouble manifestement illicite résultant de l’impossibilité pour les membres élus du CSE de prendre tout contact nécessaire à l’accomplissement de leur mission auprès des salariés à leur poste de travail dans une entreprise tierce n’est pas caractérisé, dès lors que les membres du comité disposaient de la liste des sites d’intervention des salariés rattachés au périmètre du comité ainsi que du nombre des salariés présents sur ces sites et pouvaient prendre contact avec les salariés par leur messagerie professionnelle.
La Cour de cassation, dans une décision du 27 novembre 2024 (pourvoi n°22-22.145) casse l’arrêt qui ordonnait à l’employeur de transmettre chaque mois, au comité, la liste nominative, dans le périmètre du comité, des salariés par « site client » et les lieux de leur intervention, au motif que la possibilité qu’ont ses membres élus de prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, notamment auprès d’un salarié à son poste de travail, suppose une individualisation du contact qui doit pouvoir se faire sur site, entre un salarié déterminé et les élus, qui impose dès lors à l’employeur de faire connaître régulièrement à ces derniers la position de chaque salarié, sur chacun des sites, un échange de courriels ne pouvant suppléer la spontanéité d’un contact sur place.
2/ Quelles sont les mesures appropriées que le juge peut décider pour faire cesser le trouble manifestement illicite né de l’absence de consultation du CSE ?
La Cour de cassation apporte les éléments de réponse dans un arrêt du 27 novembre 2024 également, pourvoi n°23-13.806.
Selon le CPC, le Président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’absence de consultation du CSE, lorsqu’elle est légalement obligatoire, est constitutive d’un trouble manifestement illicite.
Il résulte du code du travail, interprété à la lumière de l’article 4 de la directive n° 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que, lorsqu’après avoir retenu qu’un CSE aurait dû être consulté sur une mesure de l’employeur en application de l’article L. 2312-8 du code du travail, le juge des référés ordonne à l’employeur de procéder à la consultation omise, de convoquer le CSE dans un certain délai sous astreinte en lui communiquant les informations requises et, le cas échéant, ordonne la suspension de la mesure en cause ou lui fait interdiction de la mettre en œuvre tant que le CSE n’aura pas été consulté, la remise en état ainsi décidée par le juge pour faire cesser le trouble manifestement illicite constitue une mesure appropriée au sens de l’article 8, § 1, de ladite directive.
2/ Réorganisation des locaux, changement de logiciel, modifications des fiches de postes : la consultation du CSE n’est pas forcément requise
Selon le code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, le CSE a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions. Il est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ainsi que l’introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
En l’espèce le juge du fond a constaté, quant à la réorganisation des locaux, que le comité a été consulté lors d’une réunion sur le transfert de 5 salariés de l’AM dans les locaux de l’AS et les conséquences. Par ailleurs, les attestations de 17 salariés établissent qu’il n’y a pas eu de modifications de leurs conditions de travail par la réorganisation des locaux.
Il a retenu, quant au changement de logiciel, que l’attestation du responsable informatique au sein du groupe pour le support du système d’information de l’AM, corroborée par les plaquettes de documentation des logiciels utilisés respectivement par le personnel administratif de l’AS et dans le reste de l’UES ainsi que les attestations de 17 salariés établissent que les deux logiciels ont les mêmes fonctions, faisant ainsi ressortir l’absence d’impact sur les conditions de travail des salariés.
Il a constaté, quant aux modifications des fiches de postes, au processus de recrutement et à l’organisation des astreintes, qu’il n’y a eu aucune modification des astreintes. Les nouvelles fiches de postes n’ont pas entraîné un changement important dans l’organisation du travail.
N’étaient donc en cause que des mesures ponctuelles ou individuelles sans incidence sur l’organisation, la gestion et marche générale de l’entreprise ni de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs au niveau de l’entreprise, par conséquent, la consultation du CSE n’étant pas requise, aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé.
Tel est l’apport de cette troisième décision rendue par la Cour de cassation le 27 novembre 2024, pourvoi n°23-13.806.