Irrégularité de la procédure de licenciement

Comment est sanctionnée l’irrégularité commise dans la procédure conventionnelle de licenciement ?

Certaines conventions collectives, certains statuts, ou règlements intérieurs peuvent contenir des garanties supplémentaires en matière disciplinaire, et notamment l’intervention d’un conseil de discipline chargé de donner un avis sur la mesure envisagée.

Ces garanties doivent impérativement être respectées, sans pour autant que les dispositions légales soient ignorées.

Autrement dit, la procédure disciplinaire conventionnelle ne remplace pas la procédure légale qui est d’ordre public, mais elle s’y ajoute. Dès lors, toute méconnaissance est susceptible d’être sanctionnée en cas de contentieux.

Les différents types d’irrégularités de licenciement

L’occasion nous est donnée ici de rappeler les différents types d’illicéité du licenciement, avant d’analyser de quelle manière la violation d’une garantie conventionnelle est sanctionnée par la Cour de cassation :
  • Le licenciement nul est le licenciement non-conforme aux règles prohibant le licenciement (licenciement d’un salarié protégé prononcé sans obtention d’une autorisation préalable de l’inspecteur du travail, licenciement discriminatoire, justifié par l’état de santé ou le handicap du salarié, licenciement consécutif à un harcèlement moral…) ;
  • Le licenciement injustifié est celui qui est dénué de cause réelle et sérieuse ;
  • Le licenciement irrégulier est celui qui n’est pas conforme à des règles de forme.
Sont considérées comme des règles de forme, les dispositions conventionnelles qui n’apportent aucune garantie supplémentaire par rapport aux dispositions légales et qui ne constituent qu’une règle de forme ou de procédure, non susceptible de remettre en cause le bien-fondé du licenciement (irrégularité tenant à la convocation du salarié à un entretien préalable, tenue d’un entretien préalable…). Constitue également une simple irrégularité de procédure, le non-respect de la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ; une telle irrégularité ouvre droit pour le salarié au versement d’une indemnité d’un mois de salaire maximum conformément à l’article L.1235-2 du Code du travail).  

Les irrégularités de forme sont à distinguer des garanties de fond.

En effet, sont considérées comme garanties de fond, les dispositions conventionnelles qui améliorent, par rapport aux dispositions légales, la protection des droits de la défense du salarié. L’inobservation de telles garanties rend en principe le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans cet arrêt du 6 avril 2022, la Haute juridiction a dit que le conseil de discipline, ayant un rôle purement consultatif, ne constitue pas un tribunal au sens de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales de sorte que les dispositions de ce texte ne lui sont pas applicables.

Procédure disciplinaire : quels sont les cas de licenciements jugés sans cause réelle et sérieuse ?

Il en résulte, selon la Cour de cassation, que si l’irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d’une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse, lorsqu’elle a privé le salarié des droits de sa défense ou lorsqu’elle est susceptible d’avoir exercé une influence sur la décision finale de licenciement par l’employeur, elle n’est pas de nature à entacher le licenciement de nullité. Tel est l’apport de cet arrêt. En l’espèce, un salarié a saisi la direction éthique de la SNCF. Se fondant sur ce rapport, l’employeur a notifié au salarié une mesure de suspension et l’a convoqué devant le conseil de discipline. Pour dire le licenciement nul, la Cour d’appel retient que s’il résulte du procès-verbal du conseil de discipline que celui-ci a entendu les explications du salarié et a pris connaissance de ses pièces, il apparaît cependant que sa décision a reposé largement sur le contenu du rapport de l’éthique. Elle ajoute que ce rapport d’enquête de la direction de l’éthique qui a été un élément déterminant dans la prise de décision du conseil de discipline, s’analyse en une compilation de témoignages anonymes et que dans ces conditions, même si le salarié a eu connaissance du contenu de ce rapport, à l’évidence, il n’a pas pu apporter des explications circonstanciées sur tous les griefs qui lui étaient reprochés avant que ne soit prise la mesure de licenciement. L’employeur a formé un pourvoi en cassation en faisant valoir :
  • que le juge ne peut annuler un licenciement pour violation d’une liberté fondamentale que si le motif du licenciement porte atteinte à une telle liberté ;
  • qu’une irrégularité dans la procédure de licenciement ne peut conduire, à elle seule, à l’annulation du licenciement ;
  • qu’en relevant, pour annuler le licenciement, que la procédure disciplinaire était entachée d’une violation des droits de la défense, la cour d’appel, qui s’est fondée, non pas sur le motif du licenciement, mais sur la procédure de sanction, a violé l’article L. 1121-1 du Code du travail ;
La haute juridiction a donné raison à l’employeur, en considérant que la Cour d’appel ne pouvait fonder sa décision de manière déterminante sur des témoignages anonymes, pour justifier le licenciement, et que de la même manière le conseil de discipline ne pouvait fonder sa décision de manière déterminante sur le rapport de l’éthique principalement composé de témoignages anonymes, et en a conclu que la procédure disciplinaire mise en œuvre par la société SNCF avait violé les droits de la défense. La Cour de cassation a dit en conséquence que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse. Ainsi, il convient de retenir que toute irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur a pour conséquence de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse, lorsque cette irrégularité est assimilée à la méconnaissance d’une garantie de fond. En définitive, il convient d’être particulièrement attentif sur le type de documents remis au conseil de discipline, sur la base desquels il donnera son avis sur la sanction, et de s’assurer que le salarié soit en mesure d’apporter des explications circonstanciées sur tous les griefs qui lui sont reprochés avant que ne soit prise la mesure de licenciement. Cass. Soc, 6 avril 2022, n°19-25244
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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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