Focus : Avantages en nature – frais professionnels
Cette semaine, trois principales décisions rendues en la matière par la Cour de cassation sont décryptées.
1/ Mise à disposition permanente d’un véhicule au profit des salariés l’employeur doit démontrer que celle-ci, fût-ce par l’intermédiaire d’un tiers, est exclusive de tout avantage en nature
Cette preuve ne peut résulter des seules facturations établies par le tiers qui met les véhicules à disposition
Dans un premier arrêt du 9 janvier 2025, n°21-25.916, la 2e chambre civile de la Cour de cassation énonce qu’il résulte de l’article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que les avantages en nature attribués en contrepartie ou à l’occasion du travail sont compris dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale.
En application de l’article 3 de l’arrêté du 10 décembre 2002 modifié, relatif à l’évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales, lorsque l’employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l’avantage en nature constitué par l’utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l’employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d’un forfait annuel en pourcentage du coût d’achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l’entretien et l’assurance du véhicule en location ou en location avec option d’achat, toutes taxes comprises.
Il résulte de ces textes que la mise à la disposition permanente, par l’employeur, au profit de ses salariés, d’un véhicule pouvant être utilisé pour leurs déplacements privés, permettant ainsi aux bénéficiaires de faire l’économie de frais de transport qu’ils devraient normalement assumer, constitue, en principe, un avantage en nature.
La circonstance selon laquelle le véhicule est mis à la disposition permanente de salariés par l’intermédiaire d’un tiers ne saurait faire obstacle à la constatation de l’existence d’un avantage en nature, lorsque l’attribution de cet avantage résulte de l’appartenance des salariés à l’entreprise.
L’administration de la preuve de cet avantage en nature doit être gouvernée par les règles générales applicables en cette matière.
Ainsi, s’il incombe d’abord à l’URSSAF d’établir, notamment par le procès-verbal des agents de contrôle qui fait foi jusqu’à preuve contraire, la mise à disposition permanente, par l’employeur, d’un véhicule au profit de ses salariés, il appartient ensuite à l’employeur de démontrer que cette mise à disposition, fût-ce par l’intermédiaire d’un tiers, est exclusive de tout avantage en nature.
L’employeur doit, par conséquent, rapporter la preuve qu’il prend exclusivement en charge le coût afférent aux kilomètres parcourus par ses salariés dans le cadre de leurs déplacements professionnels, sans aucune participation au coût de l’usage personnel du véhicule par ces derniers.
Si, conformément au code civil, cette preuve peut être rapportée par tout moyen, elle ne peut cependant résulter des seules facturations établies par le tiers qui met les véhicules à disposition des salariés, lesquelles doivent être corroborées par d’autres éléments de preuve.
En l’espèce, le juge du fond énonce que l’intervention d’un tiers dans la mise à disposition d’un véhicule au profit d’un salarié n’exclut pas par elle-même l’existence d’un avantage en nature.
Après avoir relevé que l’employeur contribue au financement de l’association qui met les véhicules à disposition des salariés en réglant les factures que celle-ci a établies, mentionnant l’identité du salarié, son numéro d’adhérent, la marque et le type de véhicule, le nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel, la valeur unitaire de l’indemnité kilométrique et le décompte TTC, il retient que l’employeur n’établit pas que les factures qu’il règle à l’association couvrent exclusivement des frais professionnels non soumis à cotisations pour chacun des salariés concernés.
De ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d’appréciation, le juge du fond a estimé que les éléments de preuve apportés par la société cotisante étaient insuffisants à démontrer qu’elle prenait exclusivement en charge les déplacements professionnels effectués par ses salariés, et a exactement déduit que l’URSSAF était fondée à procéder au redressement sur la base d’une évaluation forfaitaire de l’avantage procuré aux salariés, minorée du montant de la redevance réglée annuellement par ceux-ci.
Dans un autre arrêt du 9 janvier 2025 également, n°22-15.766, la 2e chambre civile indique qu’en l’espèce le juge du fond relève qu’une partie du personnel de la société cotisante bénéficie de la mise à disposition permanente d’un véhicule automobile fourni par l’association des utilisateurs de véhicules, dont les adhérents sont les cadres et les employés, techniciens et agents de maîtrise du groupe. Il constate que ceux-ci sont tenus de verser une cotisation à l’association qui perçoit de la société cotisante des indemnités kilométriques qu’elle lui facture au titre des déplacements professionnels de ses salariés. Il retient que la société cotisante, à laquelle il appartient de démontrer que les sommes qu’elle verse au titre des indemnités kilométriques sont utilisées conformément à leur objet, ne justifie pas du nombre de kilomètres parcourus par chacun des salariés à titre professionnel. Il en déduit que la prise en charge par la société cotisante, en contrepartie de la mise à disposition de ces véhicules, des sommes remboursées à l’association au titre des indemnités kilométriques fait réaliser une économie à ses salariés utilisateurs des véhicules et constitue dès lors un avantage en nature soumis à cotisations sociales.
De ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve, le juge du fond, ayant estimé que les éléments de preuve apportés par la société cotisante étaient insuffisants à démontrer qu’elle prenait exclusivement en charge les déplacements professionnels effectués par ses salariés, a exactement déduit que l’URSSAF était fondée à procéder au redressement de ce chef.
2/ Mobilité professionnelle : la prise en charge temporaire du loyer du nouveau logement est-elle un avantage en nature ?
La mobilité professionnelle implique un changement de lieu de résidence lié à un changement de poste de travail du salarié dans un autre lieu de travail et l’employeur est autorisé à déduire de l’assiette des cotisations sociales les indemnités destinées à compenser les dépenses inhérentes à l’installation dans le nouveau logement, qui sont réputées être utilisées conformément à leur objet pour un certain montant.
En l’espèce, le juge du fond retient que la prise en charge par l’employeur des premiers mois de loyer du nouveau logement définitif d’un salarié muté constitue, non une indemnité compensant des charges inhérentes à la mobilité professionnelle, mais un avantage en nature, réintégrable dans l’assiette des cotisations et contributions sociales.
A tort selon la Cour de cassation : le juge aurait dû rechercher si, comme le soutenait la société, cette prise en charge temporaire du loyer du nouveau logement ne visait pas à compenser forfaitairement les dépenses inhérentes à la nécessité, pour ces salariés, de s’installer dans ce nouveau logement en raison de leur mutation professionnelle.
Voici les références de cet arrêt : Cass. civ., 2e, 9 janvier 2025, n°21-25.916.