Licenciement des salariés protégés : analyse des dernières décisions
Cette semaine, deux principales décisions rendues en la matière par le Conseil d’Etat sont décryptées.
1/ Salarié protégé inapte : l’IT doit-elle prendre en compte l’ensemble des mandats y compris ceux détenus après l’avis d’inaptitude ?
Dans un arrêt du 2 décembre 2024 (n°470513) le Conseil d’Etat précise que les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l’intérêt de l’ensemble des salariés qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l’un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale de l’intéressé.
Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l‘inaptitude du salarié, il appartient à l’administration de rechercher si cette inaptitude est telle qu’elle justifie le licenciement envisagé sans rechercher la cause de cette inaptitude. Toutefois, il appartient en toutes circonstances à l’autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale.
Par suite, même lorsque le salarié est atteint d’une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l’intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l’administration accorde l’autorisation sollicitée. Le fait que l’inaptitude du salarié résulte d’une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l’employeur à l’exercice de ses fonctions représentatives, est à cet égard au nombre des éléments de nature à révéler l’existence d’un tel rapport.
Par ailleurs, si après qu’une première demande d’autorisation de licenciement d’un salarié a été refusée par l’administration, celle-ci est à nouveau saisie par l’employeur d’une demande d’autorisation de licencier le même salarié, il lui appartient d’apprécier cette nouvelle demande compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle elle prend sa nouvelle décision.
En l’espèce, il est jugé que le licenciement envisagé n’était pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées par la salariée. A la date à laquelle la ministre du travail s’est prononcée sur la nouvelle demande d’autorisation de licenciement pour inaptitude, la salariée était titulaire d’un mandat de conseiller du salarié après avoir cessé ses fonctions de représentante syndicale. Le juge d’appel a justement retenu qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que les difficultés qu’elle aurait rencontrées dans l’exercice de ses mandats de déléguée du personnel puis de représentante d’une section syndicale du fait de l’employeur, à les supposer en lien avec la dégradation de son état de santé, auraient perduré après son arrêt maladie et jusqu’à la date à laquelle la ministre du travail s’est prononcée sur cette demande d’autorisation de licenciement.
En se prononçant ainsi au regard de l’ensemble des mandats détenus par la salariée, y compris ceux détenus après l’avis d’inaptitude, et des obstacles qui auraient pu être mis par l’employeur à leur exercice et non au regard des seules difficultés rencontrées dans l’exercice des mandats dont elle était titulaire à la date de cet avis, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.
2/ Licenciement pour insuffisance professionnelle : l’IT doit vérifier le respect par l’employeur de son obligation d’assurer l’adaptation du salarié protégé
Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l’insuffisance professionnelle, il appartient à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher si cette insuffisance est telle qu’elle justifie le licenciement. A ce titre, il appartient à l’administration de prendre en considération, outre les exigences propres à l’exécution normale du mandat dont le salarié est investi, l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et de s’assurer que l’employeur a pris les mesures propres à satisfaire à son obligation d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail et envisagé, le cas échéant, de lui confier d’autres tâches susceptibles d’être mieux adaptées à ses capacités professionnelles.
En l’espèce, le juge d’appel a retenu qu’il était établi, à l’encontre du salarié, une insuffisance professionnelle de nature à justifier son licenciement, estimant qu’il ne pouvait utilement faire valoir que l’autorité administrative aurait dû rechercher si son employeur avait la possibilité de lui confier, au sein de l’entreprise, un poste, conforme à ses qualifications, plus adapté à ses capacités professionnelles.
A tort pour le Conseil d’état, qui indique dans une autre décision en date du 2 décembre 2024 (n°487954) que le juge d’appel aurait dû rechercher si l’employeur avait pris les mesures propres à satisfaire à son obligation d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail et envisagé, le cas échéant, de lui confier d’autres tâches susceptibles d’être mieux adaptées à ses capacités professionnelles.