Reconnaissance du caractère professionnel de la maladie
Synthèse des dernières décisions rendues par la Cour de cassation
La maladie professionnelle est reconnue soit parce qu’elle correspond aux maladies identifiées comme professionnelles par les tableaux du Code de la Sécurité Sociale, soit parce qu’une expertise a établi le caractère professionnel de l’affection.
Si les conditions suivantes sont réunies, la maladie désignée est présumée d’origine professionnelle :
- la maladie doit être inscrite dans un tableau,
- la première constatation médicale de la maladie, c’est-à-dire, la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même qu’un diagnostic ne soit établi (Cass. 2e civ., 11 mai 2023, no 21-17.788), doit avoir eu lieu à l’intérieur du délai de prise en charge,
- le salarié doit avoir été occupé de façon habituelle à des travaux, ou exposé à l’action des agents, susceptibles de provoquer la maladie.
Lorsque les conditions mentionnées dans un tableau ne sont pas remplies, ou que la maladie n’est pas inscrite aux tableaux des maladies professionnelles, le salarié peut tout de même faire reconnaître le caractère professionnel de sa maladie, mais il lui appartient dans ce cas d’établir qu’elle a été directement causée par son travail habituel.
1. Le juge ne peut pas se fonder sur les seuls éléments d’une expertise judiciaire non contradictoire
Dans le cas où une expertise judiciaire est requise, la Chambre sociale de la Cour de cassation a récemment jugé dans une décision du 30 novembre 2023 que le juge ne peut pas se fonder sur les seuls éléments d’une expertise judiciaire non contradictoire.
La Cour énonce en effet que lorsqu’une partie à laquelle un rapport d’expertise est opposé n’a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d’expertise, le juge ne peut refuser d’examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve :
« Encourt dès lors la cassation la cour d’appel, qui s’est fondée sur les seuls éléments d’une expertise judiciaire non contradictoire alors que la CPAM faisait valoir, sans être contredite, qu’elle n’avait pas été régulièrement convoquée aux opérations d’expertise. »
2. Action de l’employeur aux fins d’inopposabilité de la décision de prise en charge
En l’absence de texte spécifique, l’action de l’employeur aux fins d’inopposabilité de la décision de la caisse en reconnaissance du caractère professionnel du risque professionnel est au nombre des actions qui se prescrivent par 5 ans en application de l’article 2224 du Code civil.
Sous l’empire des textes antérieurs au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, l’information donnée par la caisse à l’employeur de sa décision de prise en charge ne constitue pas une notification. Dès lors, le fait pour un employeur de solliciter l’inopposabilité de cette reconnaissance ne constitue pas une réclamation contre une décision d’un organisme ; la saisine de la commission de recours amiable (CRA) n’est donc pas obligatoire.
Dans cette deuxième décision, la Cour de cassation énonce donc que, dans l’hypothèse d’une telle saisine, le délai de prescription de l’action en inopposabilité n’est pas interrompu dans la mesure où la saisine de la CRA n’est pas regardée comme une demande en justice au sens de l’article 2241 du Code civil.
3. Demandes de l’employeur de retrait de son compte des dépenses afférentes à une MP ou d’inscription de ces dépenses au compte spécial : compétence de la juridiction du contentieux de la tarification
La Cour de cassation a récemment rappelé que le défaut d’imputabilité à l’employeur de la maladie professionnelle qui n’a pas été contractée à son service n’est pas sanctionné par l’inopposabilité de la décision de prise en charge et que, toutefois, l’employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles (Civ. 2e, 17 mars 2022, pourvoi n° 20-19.294).
Elle a, par ailleurs, reconnu à l’employeur, qui conteste l’exposition aux risques de la victime à son service, la possibilité de demander le retrait de son compte employeur des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, indépendamment du recours aux fins d’inscription au compte spécial (2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-11.252).
L’ensemble de ces considérations conduit la Cour à décider que les demandes de l’employeur de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d’inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l’assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles.