Réforme des retraites 2023 : décryptage du texte définitif

La Première ministre, Elisabeth Borne, a recouru finalement, jeudi 16 mars, à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, engageant devant l’Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur le vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative (PLFSS-R) pour 2023.

Le 20 mars 2023, le projet de réforme des retraites avait été définitivement adopté par l’Assemblée nationale, suite au rejet des deux motions de censure déposées le 17 mars, après le recours à l’article 49.3 de la Constitution par la Première ministre le 16 mars pour faire adopter le texte

Le 21 mars 2023, le Conseil constitutionnel a été saisi du projet de loi de réforme des retraites par la Première ministre et par plus de soixante députés du Rassemblement national.

Quelles sont les principales mesures du texte définitif de la réforme des retraites dont l’entrée en vigueur est envisagée au 1er septembre 2023 ?

Mesures destinées à prolonger la durée de vie au travail

Recul de l’âge d’accès à la retraite

L’objectif de la réforme est de reculer progressivement de deux ans l’âge minimum à partir duquel l’accès à la retraite est autorisée. À partir du 1er septembre 2023, l’âge légal de la retraite est progressivement relevé, à raison de trois mois par génération et ce, à compter des assurés nés le 1er septembre 1961.

L’âge d’ouverture à la retraite est ainsi porté à :

  • 62 ans et 3 mois au 1er septembre 2023 pour la génération née à partir du 1er septembre 1961 ;
  • 62 ans et 6 mois en 2024 pour la génération de 1962 ;
  • 62 ans et 9 mois en 2025 pour la génération de 1963 ;
  • 63 ans en 2026 pour la génération de 1964 ;
  • 63 ans et 3 mois en 2027 pour la génération de 1965 ;
  • 63 et 6 mois en 2028 pour la génération de 1966 ;
  • 63 ans et 9 mois en 2029 pour la génération de 1967 ;
  • 64 ans en 2030 pour les générations de 1968 et après.

Alors qu’une partie des sénateurs entendaient accélérer la disparition de cinq régimes spéciaux (RAPT, industries électriques et gazières–IEG, Cese, Banque de France et clercs de notaire), la version du gouvernement a finalement prévalu. Ainsi, les salariés actuellement embauchés au statut prévu par ces régimes en conserveront le bénéfice alors que les nouveaux embauchés, à compter du 1er septembre 2023, devraient relever de l’assurance vieillesse du régime général.

Le dispositif en faveur des carrières longues est élargi

Afin d’atténuer les effets du relèvement de l’âge légal de la retraite, le dispositif qui préexistait en faveur des titulaires d’une carrière longue se trouve renforcé puisqu’il est dorénavant ouvert aux assurés ayant commencé à travailler avant 21 ans.

L’âge de départ à la retraite pour longue carrière a été fixé au bénéfice de tous ceux qui justifient d’une carrière longue et d’une durée d’assurance minimale requise (172 trimestres à terme) selon les 4 bornes d’âge spécifiques suivantes :

  • 58 ans pour ceux ayant cotisé 4 ou 5 trimestres avant 16 ans ;
  • 60 ans pour ceux ayant cotisé 4 ou 5 trimestres avant 18 ans ;
  • 62 ans pour ceux ayant cotisé 4 ou 5 trimestres avant 20 ans ;
  • 63 ans pour ceux ayant cotisé 4 ou 5 trimestres avant 21 ans.

Par ailleurs, il est notable qu’un plancher de 43 annuités de cotisations a été introduit par amendement. Néanmoins, au regard des critères cumulatifs à remplir, il n’est pas totalement exclu que certaines carrières longues doivent cotiser plus de 43 ans. Des décrets doivent intervenir.

Pour le surplus, sont maintenus les textes dérogatoires permettant aux salariés de bénéficier d’un âge de départ anticipé de deux ans par rapport à l’âge légal de la retraite.

Ainsi, les travailleurs titulaires d’une carrière longue, les retraités en situation de handicap ou d’incapacité liée à la pénibilité, les retraités affectés par plusieurs risques professionnels et les titulaires d’une allocation amiante continuent à pouvoir partir plus tôt, sans cependant que l’âge de départ ne puisse être inférieur à 62 ans, sauf pour les victimes d’un risque professionnel qui pourront partir à 60 ans et les travailleurs handicapés à partir de 55 ans.

 

Autres mesures de la réforme des retraites 2023

Accélération du calendrier d’allongement du nombre de trimestres requis pour accéder au taux plein

La durée de cotisation requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera portée à 43 ans (soit 172 trimestres) en 2027 au lieu de 2035 et ce, dès la génération née en 1965 (a lieu de la génération de 1973).

Ainsi, plus nombreux seront ceux qui devront aller au-delà de l’âge légal de 64 ans car il leur sera exigé davantage de trimestres de cotisations pour bénéficier de la retraite à taux plein (sans décote).

Assouplissement en matière d’acquisition ou de rachat de trimestres

Sur avis favorable du Gouvernement, les sénateurs ont également souhaité assouplir l’accès au tarif préférentiel de rachats de trimestres de stage en permettant le rachat jusqu’à un âge qui sera défini par décret, sans pouvoir être inférieur à 25 ans.

Révision des modalités relatives aux majorations pour enfant :

Si la majoration de durée d’assurance de 4 trimestres pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les 4 années suivant sa naissance ou son adoption (CSS, art. L. 351-4, II) et la majoration de durée d’assurance de 4 trimestres attribuée pour chaque enfant adopté durant sa minorité (CSS, art. L 351-4, III) sont actuellement attribuées, au choix du couple, soit au père soit à la mère ou être répartie entre eux, les sénateurs ont souhaité restreindre ce droit à répartition en prévoyant qu’en cas de partage de ces majorations, au moins 2 trimestres devaient impérativement bénéficier à la mère.

De même qu’en cas de désaccord entre les parents concernant l’attribution des majorations pour enfant, la nouvelle version du texte prévoit qu’elles ne seraient plus partagées entre les deux parents mais bénéficieraient exclusivement à la mère.

Enfin, les sénateurs ont souhaité que seuls les pères salariés conjoints, concubins ou partenaires liés à la mère par un Pacs ayant fait valoir la totalité de leurs droits au congé de paternité ou au congé d’accueil de l’enfant seraient désormais susceptibles de bénéficier de la majoration de durée d’assurance pour enfant.

Mesures d’ajustement en faveur des seniors

Création d’un « index seniors » dans les entreprises d’au moins 300 salariés

Ces entreprises devront publier tous les ans des indicateurs genrés sur l’emploi des salariés âgés et sur les actions mises en œuvre pour favoriser leur emploi. À défaut, elles s’exposeront à une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% de leur masse salariale. Cette obligation s’appliquera au 1er novembre 2023 pour les entreprises de plus de 1 000 salariés et au 1er juillet 2024 pour les autres. Un décret est prévu.

Une autre forme de « sanction » s’adresse aux entreprises qui, « pour le troisième exercice consécutif de publication des indicateurs, constatent la détérioration de (leurs) indicateurs ». Dans un délai de six mois, l’employeur doit, dans ce cas, engager des négociations portant sur les mesures d’amélioration de l’emploi des seniors ou, à défaut d’accord, établir un plan d’action en ce sens (C. trav., art. L. 5121 8).

Expérimentation d’un CDI senior pour les chômeurs de longue durée de plus de 60 ans

Une négociation entre partenaires sociaux doit être engagée au niveau national sur l’emploi de ces seniors.

Jusqu’au 31 août 2023, le texte de loi laisse les organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel engager une négociation en vue de définir des mesures visant à favoriser l’emploi des seniors demandeurs d’emploi de longue durée

Mais, à défaut d’accord, les sénateurs ont introduit à compter du 1er septembre 2023 et jusqu’au 1er septembre 2026 un nouveau type de CDI expérimental réservé aux salariés âgés d’au moins 60 ans, dès lors qu’ils sont inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de Pôle emploi et tenus d’accomplir à ce titre des actes positifs et répétés de recherche d’emploi (PLRFSS, art. 3, II).

Mesures en faveur de la transition emploi-retraite

Mutualisation inter-entreprises des coûts liée aux MP

Le premier alinéa de l’article L. 242 5 du Code de la sécurité sociale est complété afin qu’un « prévoit que les modalités de calcul du taux de cotisation permettent la mutualisation entre les entreprises des coûts liés aux maladies professionnelles dont l’effet est différé dans le temps, dans l’objectif de favoriser l’emploi des salariés âgés » (PLRFSS, art. 5).

Il convient d’attendre de connaître les modalités techniques d’un tel dispositif afin d’en mesurer l’impact réel sur la « tarification AT-MP » des employeurs (Idem pour le secteur rural).

Renforcement au soutien de la pénibilité

Association des CARSAT aux activités du Fonds de prévention de l’usure professionnelle

Désormais, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) seront associées au Fonds de prévention de l’usure professionnelle afin d’identifier les entreprises auxquelles pourraient être allouées les ressources du Fonds. Ce dernier pourra néanmoins financer des actions de formation et de prévention auprès d’autres entreprises (CSS, art. L. 221 1 5 nouveau).

Confirmation des départs anticipés en cas d’inaptitude ou d’invalidité

Si la possibilité de départs anticipés au titre du compte professionnel de prévention (C2P) est confirmée, ceux-ci ne peuvent intervenir plus de deux ans avant l’âge de droit commun, donc pas avant 62 ans. L’invalidité et l’inaptitude ouvrent droit à un départ anticipé à un âge fixé par décret, en sus du bénéfice d’une retraite au taux plein à cet âge, maintenu à 62 ans par décret.

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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