Webinar : les pièges à éviter lors de la rupture de contrat d’un de vos collaborateurs

Dans ce webinar Christophe Aubry Le Comte, cofondateur et CEO de QuickMS, est accompagné de Fabrice Carava, avocat associé au sein du cabinet Capstant spécialisé dans le droit du travail, qui vous explique les pièges à éviter lors de la rupture de contrat de travail d’un de vos collaborateurs.

Replay du webinar

Retranscription du webinar sur les pièges à éviter lors de la rupture du contrat de travail d’un de vos collaborateurs

Christophe

Bonjour à tous, je suis Christophe Aubry Le Comte, cofondateur et dirigeant de la société QuickMS, et je suis ravi d’accueillir Fabrice. Fabrice, je te laisse te présenter.

Bonjour Fabrice Carava, avocat associé du cabinet Capstan, qui est un cabinet d’avocats spécialiste en droit du travail. Nous sommes répartis sur l’ensemble du territoire national et moi je suis avocat associé du bureau de Marseille pour vous conseiller dans tous les aspects du droit du travail.

Fabrice

Christophe

Merci Fabrice. Le sujet du webinar d’aujourd’hui c’est les pièges de la rupture de contrat. Fabrice avait envie de vous faire part de ces quelques astuces et de points de vigilance lorsque vous vous lancez dans le sujet d’une rupture de contrat de travail de vos collaborateurs.

Avant de commencer je vais vous faire une petite présentation de QuickMS qui est un éditeur de logiciel RH. On a deux outils, un outil qui s’appelle GrafiQ qui est un outil de reporting RH, et qui permet de suivre notamment vos ruptures de contrat, le coût des analyses de licenciement, votre taux de turnover, etc. Et un deuxième outil qui s’appelle Qrew, qui est un outil on gère les entretiens, évaluation des compétences, la performance de vos équipes etc. On va commencer, Fabrice je te laisse la parole.

Donc, effectivement, l’idée aujourd’hui c’est de vous faire un petit point de réflexion sur les pièges à éviter lors de la rupture d’un contrat de travail d’un de vos collaborateurs pour attirer votre attention sur certaines pratiques. On abordera quelques thèmes qui sont d’abord la démission et la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et puis on parlera de la présomption de démission, des questions sur le licenciement disciplinaire et enfin la rupture conventionnelle.

J’attaque avec la démission et prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Donc de quoi on parle lorsqu’on parle de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ? On parle d’une démission, les points de vigilance sur lesquels je veux attirer votre attention partent de là. La démission c’est un acte par lequel le salarié va exprimer sa volonté de rompre un contrat de travail. Si on regarde la jurisprudence de la Cour de cassation, on nous dit qu’une démission doit être claire et sans équivoque. Parallèlement à ça, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail c’est une lettre que l’on reçoit du salarié, voire de son avocat par laquelle le salarié va vous indiquer qu’il estime que l’entreprise est fautive à son égard et que donc il estime que ça entraîne la rupture du contrat de travail. Dans le cadre d’une prise d’acte, on se retrouve ensuite, en général, devant le conseil de prud’hommes, puisqu’il appartiendra au juge de déterminer quelles sont les effets de cette prise d’acte.

Alors ça, c’est un peu la définition pour en arriver à la problématique de la requalification de prise d’acte qui se trouve à la frontière entre ces deux possibilités de rupture du contrat de travail, que sont la démission et la prise d’acte. Parfois, on a des dossiers où on arrive parfois après coup et où il aurait fallu réagir un petit peu plus vite, notamment parce que la rupture du contrat de travail est intervenue, d’après l’entreprise, sur la base d’une démission. Et en réalité, quand on prend le dossier, on se rend compte que cette démission était tout sauf claire et sans équivoque. C’est effectivement un premier piège qui est à éviter. Car effectivement, il peut y avoir des cas où le salarié écrit une lettre de démission, il va peut-être même la présenter comme tel, en disant « je suis amené à démissionner parce que », et tout le problème est de réagir lorsque vous avez des « parce que » ou lorsque vous avez des griefs qui sont évoqués dans cette lettre de démission. Parce qu’il ressort de la jurisprudence qu’une démission exprimée de cette manière-là doit être en réalité requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Ce n’est donc pas une démission. Si ça n’est pas une démission vous pouvez vous retrouver devant le juge avec l’application du régime de la prise d’acte. C’est-à-dire que le juge va devoir se poser la question si effectivement ça a les effets d’une démission ou ça les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Donc c’est un premier piège dans lequel on peut tomber, qui est de ne pas faire attention, d’aller trop vite à la lecture des lettres de démission. Et pour synthétiser on peut dire que ce n’est pas parce que dans l’objet de la lettre il y a marqué démission que ça en est vraiment une. Encore faut-il aller voir si les termes de cette démission peuvent permettre de dire qu’elle est claire et sans équivoque. Le petit conseil pratique, c’est donc de réagir face à ce type de situation, lorsque le salarié vous écrit en disant « je prends acte de la rupture du contrat de travail ». Il faut réagir, il faut rétablir la vérité et se préparer à un contentieux qui arrive.

Je voulais donc attirer votre attention sur une situation plus subtile où on reçoit une démission, mais qui en fait est susceptible d’être requalifiée en prise d’acte. Comme je vous le disais, le régime de la prise d’acte, dans lequel après on tombe lorsque le juge va devoir requalifier la prétendue démission en prise d’acte à la demande du salarié. Evidemment ça crée une incertitude. Puisqu’effectivement, si le juge considère que les griefs évoqués par le salarié justifient cette prise d’acte, cela aura les effets indemnitaires d’un licenciement sans cause. Donc, c’est une espèce d’autolicenciement que le salarié aura fait. Notez que le juge n’est pas tenu par les manquements que le salarié invoque dans sa lettre. C’est un point important en termes de pratique, puisque quand on parle de licenciement, à l’inverse, on a une jurisprudence ancienne et constante, qui nous dit que la lettre de licenciement fixe les limites du litige. Autrement dit, l’employeur ne peut pas évoquer devant le juge, pour défendre son licenciement, autre chose que ce qu’il a écrit dans la lettre. Ce n’est pas du tout la même logique côté salarié et côté prise d’acte de la rupture du contrat de travail. La jurisprudence, au contraire, permet au juge d’examiner plus largement tous les griefs, même ceux qui n’ont pas été expressément évoqués dans la lettre que le salarié est susceptible d’évoquer face à son employeur. Ça aussi, c’est une forme de piège.

Dernier point, je rappelle que pour qu’une prise d’acte ait les effets de licenciement sans cause et que le juge aille dans ce sens-là, il doit rechercher si les faits évoqués par le salarié sont suffisamment « graves ». Cette gravité, je vous passe les détails de la jurisprudence, est un élément important. Parce que même s’il y a des fautes de l’employeur, toutes les fautes, si elles ne sont pas considérées comme suffisamment graves, ne peuvent pas aboutir nécessairement à une prise d’acte. À noter que lorsque l’employeur gagne, c’est-à-dire, s’il fait reconnaître que la prise d’acte ne peut pas voir les effets d’une démission, il peut faire une demande indemnitaire en demandant le préavis que le salarié n’a pas réparé dans sa prise d’acte. C’est la raison pour laquelle de plus en plus de salariés, lorsqu’ils font des prises d’acte, respectent quand même un préavis. Mais sachez que si vous faites admettre par le juge que la prise d’acte doit avoir les effets de démission, il ressort de la jurisprudence que vous êtes en droit de revendiquer le paiement, côté entreprise, d’une indemnité compensatrice du préavis qui n’aurait pas été respecté par le salarié, au titre de la prise d’acte.

 

Voilà, je m’arrête pour cette notion de démission et de prise d’acte, avec un premier point de vigilance. Attention au texte d’une démission.

Fabrice

Christophe

J’ai une question avant de poursuivre. Quand on a une prise d’acte qu’est-ce qu’on fait ? Parce qu’il faut bien, à un moment donné, sortir le salarié, le mettre en préavis.

Alors on revient un peu en arrière sur le régime de la prise d’acte. La prise d’acte constitue une rupture du contrat de travail, c’est-à-dire que l’employeur n’a pas la possibilité de dire : ‘Je suis pas d’accord, votre contrat n’est pas rompu’. La prise d’acte fait qu’il y a rupture du contrat. Dès lors, c’est très clair en jurisprudence, l’employeur doit émettre les documents de rupture en mentionnant, comme motif de rupture, ‘prise d’acte’, ni démission, ni licenciement. Et après, c’est le juge qui tranchera, quand il sera saisi. Donc il faut préparer le solde de tout compte avec le motif ‘prise d’acte’. Et après, ça relève de la stratégie d’examiner le dossier et de se dire : « Est-ce que je réponds à cette lettre de prise d’acte ? Comment je réponds ? Qu’est-ce que je dis ? » Parce que là, on est finalement déjà dans la préparation de ce qui va venir après, c’est-à-dire le contentieux.

Fabrice

Christophe

Ok, c’est clair. On a une question de Barbara : « Est-ce que le montant de l’indemnité compensatrice de préavis peut être directement prélevé lors du solde de tout compte, ou est-ce que cela doit résulter d’une décision judiciaire ? »

Ah non, c’est le juge puisque on ne peut pas se faire justice, parce que le fait de pouvoir être indemnisé, côté employeur, d’une indemnité de préavis, ça sous-entend que le juge a considéré que la prise d’acte était mal fondée. Il y avait les effets d’une démission, donc il faut une décision de justice définitive, exécutoire. Deuxième point, il y a une jurisprudence qui nous dit très clairement que l’employeur peut demander cette condamnation pour l’obtenir lorsque le salarié n’a pas respecté de préavis. Mais déjà, il peut y avoir des cas où le salarié va respecter ce préavis donc là, il n’y aura pas lieu à indemnité. Donc oui, il faut une décision de justice, parce qu’il faut que le juge ait tranché si la prise d’acte est fondée ou pas. Et puisque j’étais en train de dire, c’est que malgré cette jurisprudence, certains conseils prud’homaux, peuvent être réticents à prononcer cette condamnation malgré la jurisprudence qui est bien établie. Donc oui, il faut attendre une décision de justice pour faire payer les salariés.

Fabrice

Christophe

On passe sur la présomption de démission ? En plus, ça a un peu changé récemment je crois.

Alors, ce n’est pas tant que ça a changé, mais l’actualité évolue, je dirais. Le premier piège sur lequel je veux attirer votre attention. Parce que je vois dans les dossiers, et j’ai des appels d’entreprises ou de responsables RH qui me disent : « je voudrais utiliser ce dispositif, qu’est-ce que vous en pensez ? » Et je leur dis d’attendre parce que ce n’est pas encore applicable. Donc c’est un premier point de vigilance. Attention, la loi, elle est dans le code du travail, elle est en vigueur, mais juridiquement, le dispositif n’est pas applicable encore. Puisque, il y a eu le dispositif qui est fait de telle sorte qu’il renvoie à un décret en Conseil d’État pour déterminer certaines modalités, et en particulier le délai qui est en question dans ce dispositif puisque je rappelle que la présomption de démission est susceptible d’intervenir en cas d’absence d’un salarié, dès lors que l’employeur l’a mis en demeure de justifier de son absence et de reprendre son poste. Mais ce délai aujourd’hui n’est pas fixé, et on vient d’avoir des informations qui nous amènent à penser que ce décret qui ne devrait pas être publié avant trois ou quatre mois. Donc, en attendant, le dispositif est dans la loi, mais il n’est pas pour autant opérationnel. Donc, c’est un premier point de vigilance.

Deuxième point de vigilance, c’est sur le dispositif lui-même. Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’une présomption de démission. Donc, tout ce que je vous dis là sera à prendre en considération dans le futur, lorsque le dispositif sera effectivement opérationnel. On nous dit que l’employeur doit mettre en demeure le salarié de justifier de son absence et de reprendre son poste. J’insiste sur le ‘et’. Il ne suffit pas de créer en disant : « Vous êtes absent, je vous mets en demeure de justifier de votre absence. » Il faut aussi mettre en demeure de reprendre son poste. Premier point. Autre point, surtout, c’est le début du texte qui dit que le salarié qui a abandonné volontairement son poste est présumé démissionnaire. Ce caractère volontaire peut tomber, notamment pour des raisons médicales, l’exercice du droit de grève, l’exercice du droit de retrait, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à la réglementation, ou encore son refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail. Alors, je vais essayer de prendre quelques exemples. Demain, dans trois, quatre mois, nous avons le décret. Vous voulez utiliser le dispositif, vous l’utilisez. Quelle sera la prestation du juge, si après coup, et pourtant vous aurez mis le salarié en demeure, si le salarié vient vous justifier qu’il a eu un accident de la circulation et qu’il est resté hospitalisé dans l’incapacité de vous répondre. Est-ce qu’il sera vraiment présumé démissionnaire. Est-ce que la présomption ne tomberait pas si un salarié vous attaque devant le conseil des prud’hommes pour obtenir la requalification en licenciement de cette présomption de démission que vous aurez constaté ?

Enfin, retenez que ce dispositif peut être piégeur un peu comme la rupture conventionnelle, il peut avoir l’apparence de la simplicité et aboutir à des difficultés. Voilà donc, c’est un point à retenir sur cette présomption de démission, en tout cas lorsqu’elle sera en vigueur.

 

Est-ce qu’il y a des questions sur ce sujet ?

Fabrice

Christophe

Oui, une question de Catherine : L’employeur aura le choix entre une procédure de licenciement pour abandon de poste et une présomption de démission ?

Oui. Alors, on verra ce qu’en pense la Cour de cassation, mais a priori oui, rien dans le texte ne vient nous dire que nous n’avons pas le choix, c’est-à-dire que dans ces types de situations, il faudrait appliquer la présomption. Attention, ne partez pas en automatique sur ce dispositif lorsqu’il sera en vigueur. Posez-vous des questions sur la pertinence de son utilisation par rapport à d’autres dispositifs, et notamment le licenciement.

Fabrice

Christophe

On continue, parle nous du licenciement disciplinaire.

Alors, je voulais attirer votre attention, là aussi, sur des choses qui sont très connues et je vois pourtant des erreurs assez flagrantes quand on reçoit des dossiers. Trop souvent, on voit ce type d’erreur qui me paraissent totalement flagrantes quand on manie le droit du travail et qu’on fait des ressources humaines.

En matière de licenciement disciplinaire, je souhaite vous rappeler qu’il y a deux points auxquels il faut faire attention : la prescription et l’interdiction de la double sanction.

Je vais commencer par la prescription. Je rappelle qu’il existe une prescription de droit du travail de deux mois. On ne peut pas sanctionner et donc encore moins licencier, puisque le licenciement est une sanction disciplinaire, plus de deux mois après la connaissance des faits par l’employeur. D’ailleurs, on ne peut pas débuter la procédure par la convocation à l’entretien préalable plus de deux mois après la connaissance des faits. Premier écueil : je vois parfois arriver des dossiers en contentieux et c’est problématique, parce qu’on est obligé d’expliquer à l’entreprise que les faits sont peut-être graves, mais ils sont prescrits. Donc votre licenciement est en cause réelle et sérieuse, là où l’employeur était très confiant, pensant avoir un dossier très gros en termes de preuve, sauf que tout est prescrit. La prescription court à compter de la connaissance des faits pour l’employeur, c’est un point important à retenir, puisque ça permet très souvent d’avoir un axe de défense. Ce n’est pas l’existence des faits, mais leur connaissance par l’employeur qui importe. Donc il faut vous poser la question, lorsque vous réfléchissez à orienter vers une sanction, et donc un licenciement disciplinaire, d’un salarié si ce délai de deux mois n’est pas dépassé. D’un dossier à un autre, ça n’est pas si évident que ça. Il y a d’ailleurs très souvent des débats devant le juge, parce que les avocats des salariés évoquent souvent cette problématique, notamment lorsque la constatation de la faute n’est pas évidente, qu’elle est, par exemple, technique ou comptable. Souvent l’employeur a une connaissance des faits à la suite d’un rapport ou d’une étude. C’est un point à côté duquel il ne faut pas passer, parfois lorsque les dossiers sont un peu complexes techniquement, lorsque les fautes ne sont pas évidentes à comprendre, même sur un plan technique. Il faut qu’il y ait un rapport d’expert démontrant et caractérisant une faute. Alors, qu’est-ce qu’il en est de la prescription alors que l’employeur savait qu’il y avait un problème depuis longtemps ? Ce n’est pas évident. Il y a souvent des débats judiciaires sur le point de départ de la prescription, la Cour de cassation tend à dire qu’il y a une connaissance pleine et entière de l’employeur après un rapport d’expertise ou d’audit. C’est vrai, c’est souvent comme ça qu’on s’en sort, c’est comme ça qu’on plaide le côté employeur. Mais donc retenez qu’il peut y avoir une difficulté là-dessus, il ne faut pas passer à côté, parce que c’est fondamental. La conséquence directe, c’est que si la prescription est reconnue, le juge ne va même pas plus loin, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Très souvent c’est plus simple que l’existence d’un rapport d’audit. J’ai vu des dossiers où les deux mois sont passés parce que le chef de service est parti en congés et quand il est revenu on a mis trois semaines à parler. Et la Cour de cassation vient considérer que vous avez informé l’employeur de telle sorte que juridiquement, même si le chef d’entreprise ne sait les choses que depuis peu de temps, les deux mois sont passés. Donc, il faut se poser toutes ces questions-là sur le point de départ de la prescription. Toutes les personnes qui gèrent les RH doivent le savoir mais je vois beaucoup d’erreurs sur le sujet.

Deuxième point sur lequel je voulais attirer votre attention c’est la double sanction. Là aussi c’est la même logique. En général, on le sait quand on gère les RH, et en même temps, il y a des situations où ça n’est pas si évident que ça. La règle c’est qu’on ne peut pas sanctionner deux fois les mêmes faits. C’est une règle qu’on retrouve communément en droit pénal et qu’on retrouve donc en droit du travail. Généralement les entreprises font deux écueils. Le premier écueil, j’ignore pourquoi, mais il y a une idée reçue qui circule dans les entreprises et dans certains cabinets d’expertise comptable. J’ai constaté très souvent qu’il y a une idée de dire que dès lors que j’ai averti sur un fait deux ou trois fois je peux licencier. Et je vois des dossiers où on licencie sur exactement les faits pour lesquels on a fait le dernier avertissement. Mais ça ne fonctionne pas, puisque si je licencie pour un fait du 10 janvier 2023, je ne dois pas avoir fait un avertissement sur ces mêmes faits du 10 janvier 2023, sinon il y a violation de la règle de la double sanction. Deuxième écueil, plus subtil, mais pour autant que l’on rencontre souvent : la problématique de la mise à pied conservatoire. Alors, en pratique, ce n’est pas toujours évident. On a beaucoup d’arguments judiciaires tendant à dire que la mise à pied conservatoire, c’est souvent dans un licenciement pour faute grave, doit s’analyser comme une mise à pied disciplinaire de telle sorte que c’est une sanction, et que la lettre de licenciement est une seconde sanction pour les mêmes faits. Donc, le licenciement est sans cause. Ça arrive dans les hypothèses où il y a une déconnexion dans le temps entre la convocation à l’entretien préalable et la signification d’une mise à pied conservatoire. Je le vois dans certains dossiers. Ce sont typiquement les dossiers où l’argument développé par le salarié est de dire : « vous m’avez convoqué à un entretien, mais vous m’avez sanctionné ensuite par une mise à pied disciplinaire pour les mêmes faits. » Ce n’est pas une mise à pied conservatoire, c’est une mise à pied disciplinaire, donc c’est une sanction. Donc, le licenciement derrière est sans cause. Donc, attention à la mise à pied conservatoire, notamment si vous vous retrouvez dans une situation où vous n’avez pas été dans la capacité de l’indiquer dans la convocation à l’entretien préalable, comme c’est la bonne pratique, et surtout de bien dire qu’elle est conservatoire, c’est aussi une idée qu’on trouve dans la jurisprudence. La meilleure manière de prouver qu’une mise à pied est conservatoire, c’est d’indiquer qu’elle l’est dans la lettre où on la signifie. Si elle ne l’est pas, le juge pourrait avoir une tendance à la considérer comme disciplinaire, donc déjà comme une sanction. Cette règle de la double sanction peut paraître évidente mais en pratique on voit des erreurs dans la manière de gérer les procédures de licenciement qui aboutissent sur cette règle de sanction à des licenciements sans cause réelle et sérieuse.

Fabrice

Christophe

Alors peut-être que les erreurs viennent aussi de la méconnaissance des managers et des dirigeants qui ont peut-être un peu moins l’habitude. J’ai failli me faire avoir il n’y a pas longtemps sur le sujet.

Pour finir je vais vous parler du dernier sujet qui est la rupture conventionnelle. La rupture conventionnelle je l’ai mise en dernier parce qu’il y a des pièges un peu plus centrés dans les mœurs, dans les pratiques. Ceci étant dit, je vois encore beaucoup d’erreurs. La rupture conventionnelle est un très bon outil relativement simple si elle est bien appliquée. Alors la loi nous pose simplement qu’il faut un entretien minimum. On a énormément de dossiers là encore, quand on ne les traite pas en contentieux ou il n’y a même pas eu d’entretien, et où le salarié démontre que tout s’est fait sans entretien. Moins flagrant, on a des dossiers où dans la procédure, il n’y a aucune trace du fait qu’on a informé le salarié, qu’il pouvait se faire assister et aller s’informer sur ses droits lors des entretiens de discussion. C’est aussi de nature à remettre en cause la rupture conventionnelle. Il y a des arrêts où le fait de ne pas avoir informé le salarié de son droit a pu aboutir. Je vais y venir après en parlant du consentement. Et donc le juge a considéré que finalement, il n’a pas été bien éclairé et que donc la validité de la rupture conventionnelle est remise en cause.

Étant précisé que les conséquences des requalifications deviennent un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La bonne pratique veut qu’on fasse des actes qui sont des vraies conventions de rupture en plus du CERFA. Ces conventions permettent, par leur rédaction, de rappeler que le salarié a été invité à se renseigner. Et donc permet de prouver qu’il a pu être garanti en termes de procédure. Tout cela est très important et trop souvent, on voit des dossiers où il n’y a finalement que le CERFA, où il y a un entretien et aucune preuve de convocation d’un salarié.

Alors, quand le salarié ne conteste pas tout va bien, la rupture conventionnelle est homologuée, tout passe comme une lettre à la poste. Mais si le salarié conteste, c’est de nature à remettre en cause de la même manière que certaines pratiques que j’ai pu voir dans certains contentieux. Je me souviens d’un contentieux particulier où le salarié a démontré qu’il n’était tout simplement, pas présent dans l’entreprise le jour où les entretiens étaient censés être déroulés. Donc ça, c’est de nature à remettre en cause la rupture conventionnelle. Il faut faire attention avec cette rupture conventionnelle parce qu’elle est simple en elle-même mais il faut vraiment tenir les entretiens et il faut formaliser cette information des salariés.

Tout cela est lié au deuxième point : le consentement. Comme je vous disais tout à l’heure pour la présomption de démission, il faut se poser la question : est-ce que c’est l’outil adapté à ma situation ? Et ne pas y aller tête baissée. Je pense que c’est la même chose pour la rupture conventionnelle. C’est un très bon outil s’il est adapté à la situation, en revanche, si vous êtes par exemple dans un dossier où le salarié vous a fait 10 courriers sur le fait qu’il a plein de griefs à vous reprocher et qu’il s’estime harcelé, on peut se poser la question de la pertinence d’une rupture conventionnelle pour le contrat. Je ne dis pas qu’on ne peut pas, je dis qu’il faut se poser la question, parce qu’effectivement, on a des exemples en jurisprudence où les juges, par rapport au fait propre du dossier, ont pu considérer qu’il ressortait de la globalité du dossier qu’en réalité le consentement du salarié avait été vicié, parce qu’il est un contexte notamment de harcèlement moral qui faisait qu’il avait été poussé à l’acceptation de la rupture conventionnelle. Donc, là aussi, ce sont des questions à se poser quand on va utiliser ce type de méthode. Elle n’est pas mauvaise en soi, mais il faut qu’elle soit adaptée à la situation et qu’il y ai cette analyse-là. Le piège à éviter pour avoir une rupture conventionnelle c’est finalement le même que pour les autres outils se poser la question s’il est adapté à ma situation.

Fabrice

Christophe

Je te propose de prendre la dernière question qui est de Adeline. Est-ce qu’un courrier de demande de rupture conventionnelle venant du salarié peut remettre en cause la rupture ?

Je ne comprends pas bien le sens de la question, mais je pense que ça doit vouloir dire plutôt est-ce qu’au contraire, ça vient la garantir ? Alors, juridiquement parlant, ce n’est pas une obligation qu’un salarié demande la rupture conventionnelle. Maintenant, c’est vrai que lorsque le salarié est en demande et écrit un courrier en disant qu’il souhaite une rupture conventionnelle, c’est évidemment un élément complémentaire qui va vous permettre de dire que sa volonté n’est pas viciée parce qu’il l’a demandé. Mais ce n’est pas suffisant, c’est un élément de garantie supplémentaire oui, mais ça ne suffit pas si derrière vous n’avez pas respecté la procédure, vous n’avez pas fait au moins 1 entretien, vous ne l’avez pas informé de ses droits. Donc oui, c’est un élément de garantie complémentaire et, on aime bien avoir ça dans les dossiers pour cette raison, mais ce n’est pas suffisant car ce n’est pas la garantie absolue.

Fabrice

Christophe

C’est la fin de ce webinar sur les pièges à éviter lors des ruptures de contrats de travail. Merci à Fabrice et je vous dis à bientôt.

Merci beaucoup, au plaisir, au revoir.

Fabrice

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