Webinaire: conformité RH : éviter la sanction

Dans ce webinaire Géraldine Rathery, Directrice marketing de la société QuickMS est accompagnée de Fabrice Carava, avocat associé au sein du cabinet Capstan. Fabrice Carava nous parle de la loi qui régit les entretiens professionnels et les entretiens d’évaluation dans les entreprises.

Replay du webinaire sur la conformité RH

Retranscription du webinaire du 8 juin 2023

Géraldine

Bonjour à tous. J’espère que vous allez bien. Merci d’être présent aujourd’hui pour ce webinaire sur le sujet passionnant de la conformité légale RH et de la manière dont on peut éviter les sanctions aujourd’hui. Nous sommes accompagnés par Fabrice Carava qui a l’habitude de nous accompagner sur l’actualité sociale. Fabrice, je te laisse te présenter.

Bonjour, je suis Fabrice Carava et suis avocat associé du cabinet Capstan qui est un cabinet d’avocats d’envergure nationale et j’ai l’habitude d’animer les webinaires que nous faisons chaque mois sur l’actualité sociale.

Fabrice

Géraldine

Merci beaucoup pour cette petite introduction. Nous nous sommes un éditeur de logiciel et notre mission est d’être le meilleur assistant RH que les dirigeants, les experts comptables et les RH n’ont jamais connu. Donc on a deux logiciels : un outil nommé GraphiQ qui fait du reporting RH et qui notamment automatise la BDESE, et un autre logiciel qui s’appelle Qrew et qui automatise les campagnes d’entretien et digitalise tous les entretiens des collaborateurs.

Je vais laisser la parole à Fabrice qui est notre expert.

C’est parti, parfait. Donc, aujourd’hui le sujet dont on parle est essentiellement celui des entretiens en droit du travail, de manière, je dirais, large. C’est-à-dire qu’on a décidé de vous proposer d’aborder autant les entretiens professionnels qui est donc un entretien réglementé par le Code du travail, mais aussi on y reviendra dans un deuxième temps l’entretien d’évaluation, ce que j’appelle moi souvent les entretiens RH plus généralement. C’est-à-dire tous les entretiens qui existent dans la pratique des ressources humaines dans les entreprises, mais qui ne sont pas pour autant réglementés. Ils ne sont pas réglementés, mais ils sont néanmoins appréhendés par le droit et appréhendés par la jurisprudence. Donc, il est quand même important dans la pratique RH de savoir ce qu’il en ressort de cette appréhension par la jurisprudence, en particulier de ces autres entretiens, même s’ils ne sont pas codifiés dans le code du travail. Voilà, c’était cette introduction. Alors, quelle est la différence entre les deux ? Eh bien, tout simplement c’est que ça n’est pas la même chose. C’est-à-dire, comme je viens de le dire, l’entretien professionnel est encadré par l’article, en particulier L6315 du code du travail. Les autres entretiens n’existent pas en termes d’obligation, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune obligation de faire des entretiens, par exemple d’évaluation. Ça n’est qu’un droit pour l’employeur, la jurisprudences est d’ailleurs positionné sur cela. Mais il ne faut pas confondre les deux, et ça sera la fin de mon premier propos introductif, c’est-à-dire que très souvent dans les entreprises, on voit des comptes-rendus d’entretien qui vont mélanger finalement les entretiens professionnels et les entretiens d’évaluation.

Or, le code du travail est relativement clair, l’entretien professionnel n’est pas un entretien d’évaluation. Il ne doit pas être un entretien d’évaluation. C’est un entretien qui a un autre objectif. Donc, ça, c’est un premier aspect auquel il faut faire attention en termes de conformité parce que lorsqu’on se retrouve dans un contentieux autour de ces questions, on est souvent très mal à l’aise d’avoir des comptes rendus qui mélangent les genres, et très souvent, on se rend compte qu’en réalité, on n’a pas de compte-rendu d’entretien professionnel, c’est-à-dire qu’on a des comptes rendus d’évaluation qui sont produits, qui nous sont produits en tant qu’avocat par les entreprises, qui ne sont pas des entretiens professionnels et qui ne sont pas des comptes-rendus d’un professionnel. Et donc, ça signifie que l’entreprise n’a pas rempli ses obligations en matière d’entretien professionnel. Donc, il y a bien une distinction à faire, c’est une première idée à retenir : ce sont des entretiens différents.

Je commence à rentrer dans le sujet de l’entretien professionnel à proprement parler. Donc, je l’évoquais tout à l’heure, l’entretien professionnel, c’est l’article L6315 du Code du travail. Je vais faire un petit peu de lecture mais tout le raisonnement par-delà. Donc, on nous indique qu’à l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans de l’entretien professionnel avec son employeur consacré, et ça rejoint ce que je vous disais à l’instant : il y a un objectif légal à l’entretien professionnel, et il ne doit, au contraire, être consacré qu’à ça, consacré qu’à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualification et d’emploi.

Le texte du Code du travail nous dit très clairement que cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’on est susceptible de financer, et au conseil en évolution professionnelle. Le texte poursuit en nous disant que l’entretien professionnel doit donner lieu à la rédaction d’un document écrit, donc une copie est remise aux salariés. Le texte prévoit le rythme de ces entretiens, ils sont tous les deux ans à partir de l’embauche et il y a un bilan qui intervient tous les six ans. Ce bilan doit donner lieu aussi à un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié et à la rédaction d’un document. Lors de ce bilan, on doit faire un point du suivi des actions de formation, de l’acquis des éléments de certification par la formation, par une validation des acquis de l’expérience, et ce qui concerne le bénéfice de la progression salariale ou professionnelle. Alors, quant au rythme, c’est tous les deux ans avec un bilan tous les six ans.

 

 Je viens de faire lecture de ce que doit être un entretien professionnel. C’est véritablement le point important. Le texte que j’ai lu vous donne en fait les rubriques qui doivent figurer dans un compte-rendu d’entretien professionnel et surtout de la forme qui doit être abordée pendant un entretien professionnel. Vous observerez qu’il y a finalement deux aspects : il y a un aspect d’échange avec le salarié puisque l’entretien doit porter sur les perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualification et d’emploi et puis il y a une partie d’information c’est une partie qui est totalement oubliée. C’est-à-dire que dans le cadre de l’entretien professionnel, et c’est une modification qui est intervenue depuis le 1er janvier 2019, l’employeur doit fournir des informations, je le lisais tout à l’heure, sur le compte personnel de formation notamment, et sur la validation des acquis de l’expérience, par exemple. Donc ça, j’insiste, parce que très souvent que les entreprises omettent de formaliser cette information. Il est important de le faire, d’une part, et d’autre part, que le compte-rendu d’entretien professionnel le formalise, pour que l’employeur ai la preuve de l’information donnée aux salariés sur ces sujets-là.

Je vous parlais tout à l’heure de rythmique, tous les deux ans, et un bilan tous les 6 ans. Et très souvent aussi c’est le fait que l’entretien professionnel doit être réalisé au moment du retour du salarié de certains congés. Le code du travail le prévoit à l’issue du congé de maternité, du congé parental d’éducation, d’un congé de proche aidant, d’un congé d’adoption, d’un congé de sympathique et d’une période de mobilité volontaire sécurisée, d’une période d’activité à temps partiel ou d’un arrêt longue maladie. Donc, il y a une série de situations d’absence prolongée qui est prévue par le Code. À l’issue de ces absences le texte dit « proposer systématiquement ». Donc il ne va pas forcément se tenir, on doit proposer aux salariés ce type d’entretien. C’est un point de vigilance aussi que je voulais souligner, parce que c’est très régulièrement oublié, ce qui peut donner lieu là aussi, lorsque les choses dérapent avec un salarié, à des contestations. Les salariés venant indiquer que cette obligation n’a pas été respectée et venant soit solliciter des dommages intérêts soit se saisissent de cette situation pour indiquer qu’ils ont subi une discrimination à leur égard et donc l’argumentaire va encore plus loin, par exemple, du fait de leur congé maternité ou de leur longue maladie, discrimination qui aurait impacté leur perspective d’évolution professionnelle dans l’entreprise, puisque c’est l’objet de l’entretien professionnel. Donc, attention de ne pas omettre, dans le cas des obligations légales autour de l’entretien professionnel, cette nécessité de traiter ces situations de retour de certains congés.

Autre point que je voulais évoquer, c’est la notion des représentants du personnel, c’est également un point qui est souvent omis. L’article 2141-5 du Code du travail prévoit que lorsque l’entretien professionnel est réalisé au terme d’un mandat de représentants du personnel titulaire ou demandé par un syndicat, celui-ci permet de procéder au recensement des compétences acquises au cours du mandat et de préciser les modalités de valorisation de l’expérience acquise. On nous précise que pour les entreprises de moins de 2000 salariés, ce recensement est réservé aux titulaires de mandats disposant d’heures de délégation, représentant au moins 30% de la durée de travail fixée dans leur contrat de travail, ou à défaut, de la durée applicable dans l’établissement.

Donc, pour résumer, dans le cadre du dispositif de l’entretien professionnel qui se déroule tous les deux ans et au retour de certains congés, le bilan des six ans est souvent omis, bien qu’il soit très important en pratique. Comme je l’ai évoqué, des actions liées à la discrimination peuvent être engagées, par exemple en cas de non-organisation ou de non-proposition d’entretien professionnel au retour d’un congé maternité, se basant sur le non-respect de cette disposition légale que je viens de lire.

En fait, il en ressort que, dans le cadre d’un entretien professionnel pour un salarié titulaire d’un mandat de représentant du personnel ou d’un mandat syndical arrivant à son terme au moment où l’entretien professionnel se réalise (comme pour n’importe quel salarié) il doit y avoir une rubrique supplémentaire dans le contenu de l’entretien professionnel et dans le compte-rendu écrit pour pouvoir justifier du traitement de cette obligation. Cette rubrique concerne le recensement des compétences acquises et les modalités de valorisation de l’expérience acquise.

 

Concrètement, cela signifie que la loi impose, dans le cadre de l’entretien professionnel, aux salariés protégés titulaires du CSE ou d’un mandat syndical de faire un point sur les compétences acquises grâce à leur mandat de représentant du personnel et d’examiner comment cette expérience peut être valorisée dans l’entreprise. Par exemple, on peut voir des délégués syndicaux ou d’anciens délégués syndicaux indiquer qu’ils ont acquis des compétences en droit du travail et exprimer leur souhait de travailler au service des ressources humaines. Je caricature un peu, mais c’est l’idée.

Il est important de noter que cette obligation, pour les entreprises de moins de 2000 salariés, ne concerne que les salariés ayant bénéficié d’heures de délégation équivalentes à au moins 30% de la durée de travail. Cela exclut donc cette obligation pour de nombreuses personnes, mais il ne faut pas l’oublier pour autant car elle demeure obligatoire pour un certain nombre, et ce nombre-là peut donc l’utiliser pour évoluer dans l’entreprise et potentiellement revendiquer une discrimination à leur égard si cette obligation n’est pas respectée. Donc, attention, quand on parle des entretiens professionnels il ne faut pas oublier de respecter l’ensemble du dispositif.

 

Géraldine, peut-être pouvons-nous faire un point s’il y a des questions sur ces sujets avant que je passe aux autres entretiens RH ?

Fabrice

Géraldine

Il y avait une personne qui s’inquiétait de savoir cela : si les entretiens professionnels n’ont pas été réalisés, est-ce qu’on repart de zéro après la date butoir du 31/12/2020 ?

Eh bien, ça dépend où on se situe. Si on est toujours à temps de régulariser, il est bon de les mettre en œuvre. En revanche, si on n’a pas suivi le rythme, on peut être redevable d’une sanction qui est différente selon que l’entreprise a au moins 50 salariés ou pas. Pour les entreprises d’au moins 50 salariés, un abondement au CPF est prévu, d’un montant de 3000 euros. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, la sanction peut être un minimum de dommages-intérêts à l’égard du salarié. Donc, si vous êtes en retard, vous pouvez toujours régulariser et je vous conseille de régulariser au plus vite, mais si vous avez loupé les dates, notamment le rythme des deux ans, par exemple, vous risquez ce type de sanction selon la taille de votre entreprise.

Fabrice

Géraldine

Ok, merci beaucoup. Je pense qu’on peut passer au sujet suivant du coup.

Très bien, « L’encadrement juridique » alors. C’est un sujet qui n’est pas souvent abordé dans les services de ressources humaines, alors que cela donne lieu à de nombreux contentieux. Ainsi je pense qu’il est important d’avoir à l’esprit que, comme je le disais en introduction, il y a certes des entretiens professionnels qui sont codifiés, c’est-à-dire qu’il y a des règles légales à respecter, mais tous les autres entretiens sont aussi appréhendés par le droit.

 

Alors, pour essayer de synthétiser, parce qu’il y a pléthore de jurisprudence en la matière, et notamment je vais m’en expliquer autour de notions liées au risque psychosociaux, il faut quand même partir de la base, c’est-à-dire que la plupart de la jurisprudence s’est développée autour d’un article du Code du travail, qui est l’article L122-3 du Code du travail. C’est-à-dire que le Code du travail prévoit que le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’évaluation professionnelle mises en œuvre à son égard. De cet article-là, il ressort des formalités que l’employeur doit respecter avant de mettre en place des entretiens d’évaluation. Donc, avant de vous parler de la manière dont la jurisprudence appréhende ces entretiens, il y a déjà cet aspect formel qu’il ne faut pas omettre. L’employeur, en sa qualité d’employeur, a le droit d’évaluer les salariés, donc il a le droit de mettre en place des entretiens dans ce sens-là, qui sont donc totalement distincts de l’entretien professionnel. Il y a d’ailleurs des arrêts de la Cour de cassation, de la jurisprudence, qui viennent nous expliquer que les salariés doivent se soumettre à cette volonté de l’employeur d’organiser des entretiens d’évaluation. Cependant, il ressort de l’article du code du travail que je viens de lire que la jurisprudence assimile ces entretiens d’évaluation à des techniques d’évaluation et donc au respect de cette partie du travail.

 

Concrètement, ça signifie qu’avant la mise en œuvre de tout entretien d’évaluation, qui n’est donc pas l’entretien professionnel, la formalisation émane d’une technique de contrôle et d’évaluation des salariés. Il doit y avoir une information en premier lieu du comité social et économique et même une consultation puisque c’est une consultation qui doit intervenir avant la mise en œuvre de tout moyen de contrôle des salariés. Donc, ça, c’est un élément qui est très souvent omis. Le CSE, au titre de ses prérogatives générales en matière de santé et de sécurité, doit être consulté préalablement à la mise en œuvre de techniques d’évaluation et donc d’entretien d’évaluation. C’est parfois une consultation qui donne lieu, dans les entreprises, à de lourds débats notamment, je vais l’évoquer après, en fonction des techniques d’évaluation qui sont utilisées.

 

Deuxième élément, c’est l’information des salariés. Donc, de la loi et de la jurisprudence il ressort que toute technique d’évaluation de contrôle doit donner lieu à une information préalable des salariés. Il faut donc une information non seulement du CSE mais aussi une information des salariés. Concrètement, il faut donc formaliser cette information qui va ensuite donner lieu à certaines rubriques d’informations qui vont notamment indiquer aux salariés la méthode de comment on évalue, comment on conserve ces données …

C’est un troisième point de formalisation que j’évoquerai, lié au RGPD. Depuis le RGPD, il s’avère que toute méthode de conservation de données personnelles qui peut intervenir dans des entretiens d’évaluation doit être inscrite au registre des activités de traitement des données personnelles. C’est une partie qu’il ne faut pas omettre non plus.

 

Ainsi, il y a cette formalisation avec essentiellement la consultation du CSE et l’information des salariés qu’il ne faut pas omettre avant toute mise en œuvre des entretiens d’évaluation qui sont l’émanation de l’application, dans l’entreprise, de techniques d’évaluation.

 

Alors, c’est un deuxième point que j’aborderai pour attirer votre attention sur le fait que malgré l’absence de codification de règles sur les entretiens RH, il y a une appréhension par le droit. Retenez qu’il y a une multitude de jurisprudence concernant les méthodes d’évaluation et donc l’entretien d’évaluation. La Cour de cassation a eu de nombreuses fois à se positionner sur la licéité de certaines méthodes ou sur les conséquences de certaines méthodes. Il y a des contentieux où certains salariés vont indiquer qu’il ressort de la révélation un véritable harcèlement moral organisé. C’est-à-dire qu’il y a harcèlement lié aux méthodes managériales. Cette critique peut être fondée sur les comptes rendus d’entretien qui ont été faits à l’issue d’entretien d’évaluation ou d’entretien RH, donc il faut faire être précautionneux quant au contenu de ces entretiens, parce que le contenu de ces entretiens peut être exploité, notamment en matière de harcèlement moral. Plus généralement, le salarié peut y trouver des éléments exploitables. Cela peut être d’ailleurs pour venir contester un licenciement. Si vous avez effectivement un entretien d’évaluation qui démontre que le salarié fait extrêmement bien son travail, et qu’un mois après il est licencié pour insuffisance professionnelle, vous allez avoir un problème pour soutenir votre licenciement à la barre du conseil de prud’hommes. Donc, il y a une appréhension par le droit sous différents aspects de ces entretiens d’évaluation.

 

Je parlais tout à l’heure des méthodes d’évaluation. Sachez que la Cour de cassation s’est déjà positionnée sur des méthodes d’évaluation. Sachez, par exemple, qu’il y a un arrêt, notamment du 27 mars 2013, sur la méthode que l’on appelle du ranking par quota et qui a été considérée comme illicite. Donc, si vous avez des entretiens d’évaluation qui traduisent l’application de cette méthode d’évaluation, vous êtes dans une entreprise qui peut avoir un problème. Cette méthode, pour être un peu plus précise, consiste en un mode d’évaluation qui aboutit à un classement des salariés en catégories, mais en fonction de quotas impératifs. C’est-à-dire que tous les salariés vont être classés et certains employeurs ont utilisé ce quota pour classer les salariés et aboutir même à des décisions managériales à leur égard, parfois de mutation, voire de licenciement économique ou pour faute ou pour insuffisance professionnelle. La contestation a considéré que ce type d’utilisation de méthode des quotas avec des quotas impératifs n’était pas licite. Donc ça traduit une appréhension de ces entretiens d’évaluation. Ça veut dire qu’il faut en avoir conscience et que dans la manière de mener ces entretiens, comme dans les rubriques que l’on va mentionner dans les comptes-rendus de ces entretiens, comme dans la mention dans ces rubriques il faut être précautionneux. Il faut avoir conscience de cette appréciation par la jurisprudence, parce qu’il peut y avoir des impacts préjudiciables pour l’entreprise. Et pire, l’entreprise peut traduire ainsi des méthodes de management qui peuvent être critiquées, voire considérées comme illicites. Donc, c’est un élément important à retenir : l’absence de codification ne veut pas dire l’absence d’appréhension par le droit de ces entretiens d’évaluation.

 

Est-ce qu’il y a des questions sur ces sujets-là avant qu’on passe au dernier sujet ?

Fabrice

Géraldine

Il n’y a pas de question sur celui-là. En revanche, il y en avait une sur le sujet d’avant sur les entretiens professionnels. À savoir, comment ça se passe lorsque l’entreprise passe de moins de 50 collaborateurs à plus de 50 collaborateurs ? Est-ce qu’il y a des règles ?

Le seuil de 50 que j’ai évoqué ne concerne que la sanction. C’est-à-dire que, effectivement, le code du travail prévoit l’abondement des comptes personnels de formation en cas d’irrespect par l’entreprise de ses obligations en matière d’entretien professionnel seulement pour les entreprises de moins de 50, ça ne veut pas dire que les entreprises de moins de 50 sont exemptes de toute responsabilité. Ça veut dire qu’il n’est pas prévu pour elles d’abondement. Et comme je le disais tout à l’heure, le salarié peut soulever des manquements pour demander des dommages-intérêts. Cependant, l’obligation des entretiens professionnels n’est pas soumise à un seuil. Elle s’applique à tous les salariés, dans toutes les entreprises.

Fabrice

Géraldine

On peut donc passer au dernier sujet sur les objectifs.

Très bien. Alors, en lien avec les entretiens, pas spécifiquement avec l’entretien professionnel, parce que comme je le disais tout à l’heure, il a un objet légal auquel il faut rester attaché, mais il peut ressortir des autres entretiens et, plus généralement, de la gestion RH avec un salarié, la volonté de fixer des objectifs. On a souhaité vous présenter aujourd’hui quelques réflexions juridiques sur l’appréhension par le droit de la fixation des objectifs au salarié.

 

Donc, je m’attacherai en fait à deux points, parce que l’expérience me démontre que ce sont les deux points qui posent souvent question. Le premier point, c’est le mode de fixation, c’est-à-dire qu’il faut retenir que la fixation des objectifs à un salarié ne ressort pas nécessairement du contrat de travail. Je parle des objectifs individuels et non des objectifs qu’on peut se fixer au travers, par exemple, d’un accord d’intéressement Pour verser une prime d’intéressement, ça, c’est du collectif. Je ne parle pas de ça mais vraiment d’objectifs individuels. Ça ne relèvera pas forcément du contrat de travail. Dans certaines situations, ce sera de manière pertinente le contrat de travail. Par exemple, dans la situation où il n’y a qu’un seul salarié concerné par l’objectif que l’on veut fixer, parce que c’est le seul directeur, par exemple, de la communication de l’entreprise, et on veut lui donner des objectifs personnels, ça va passer par le contrat de travail. En revanche, si on veut fixer des objectifs à une catégorie de salariés, on peut imaginer le faire hors contrat de travail. Retenez alors que c’est tout à fait faisable. On peut le faire par ce qu’on appelle une décision unilatérale de l’employeur, qui va être vraiment créatrice de droit. C’est une source de droit, donc ça va engager juridiquement l’employeur, mais autrement que par le contrat de travail. L’employeur ne pourra pas s’en défaire. S’il veut supprimer cet engagement sans suivre une procédure d’information du CSE des salariés concernés il doit respecter un délai de prévenance suffisant, comme l’exige la contestation, de 2 à 3 mois. Donc, il y a une formalisation pour quand même le faire unilatéralement parce que c’est une décision unilatérale.

Si vous avez contractualisé des objectifs, et donc souvent la rémunération qui va avec l’atteinte de ces objectifs, parce que ce sont plus des clauses de rémunération qui se cachent derrière les objectifs, eh bien, vous allez être enfermé par le contrat de travail. Et il ne pourra pas être modifié sans l’accord du salarié. Dans certains cas, on va nécessairement passer par le contrat de travail pour fixer des objectifs et donc, derrière les objectifs, une rémunération variable. Mais sachez que ce n’est pas forcément le cas. La jurisprudence l’a nommé parfaitement. Par exemple, la jurisprudence portant sur les licenciements pour non-réalisation des objectifs eh bien il en ressort très clairement que peu importe que l’objectif soit fixé par le contrat de travail ou unilatéralement par l’employeur. Donc, c’est un premier élément, à retenir qu’il peut y avoir une réflexion par rapport à la pertinence du véhicule juridique à utiliser. Ça n’est pas forcément un contrat de travail qui va être le bon véhicule ou le véhicule obligatoire, et l’impact c’est qu’effectivement on ne peut pas changer les objectifs et donc les rémunérations liées à cet objectif de la même manière.

 

Le deuxième élément, c’est que l’on veut attirer votre attention sur quelques exemples de jurisprudence qui sont à retenir par rapport au traitement de ce sujet des objectifs à l’égard des salariés. Je commencerai par un arrêt relativement récent, le plus récent peut-être de la Cour de cassation, qui est un arrêt du 9 février 2022, parce qu’il apporte un élément intéressant concernant la proratisation. Se pose souvent la question de savoir comment on traite la prime liée à des objectifs qui ont été fixés à un salarié lorsque le salarié quitte l’entreprise en cours d’année. Alors évidemment, la situation peut dépendre de la rédaction de la clause contractuelle ou de la décision unilatérale de l’employeur sur ce point de la proratisation.

La question peut être plus complexe à traiter en droit lorsque la rédaction liée à cette prime dans la clause contractuelle ou dans l’engagement unilatéral pose une condition de présence pour bénéficier de la prime. C’était le débat qui se posait dans cet arrêt de 2022 où la Cour de cassation a fini par considérer que dès lors que la prime dont on parle est bien liée à l’activité du salarié est une contrepartie à laquelle a droit le salarié, c’est important parce que ça sous-entend qu’il y a un travail de sa part derrière cette prime, elle s’acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l’entreprise. Dans l’exemple, un salarié a quitté l’entreprise le 25 novembre 2016, et donc une prime annuelle sur objectif pour cette année 2016 n’était due, d’après la Cour de cassation, qu’en proportion du temps de présence du salarié dans l’entreprise pour cet exercice. Sachez que dans cet arrêt, l’employeur disait « je ne dois pas 100% de la prime ». La Cour de cassation lui a donné raison. Donc cette notion de proratisation est une idée à retenir dans l’application des rémunérations variables liées aux objectifs qu’on a fixés. Retenez donc qu’il y a de la jurisprudence en la matière et que la Cour de cassation tend vers la proratisation de ces primes, en tout cas, je parle bien des primes qui sont liées à un travail direct du salarié.

 

J’attirerais également votre attention sur un deuxième sujet qui donne lieu à pas mal de discussions devant le juge. C’est le sujet de la fixation du montant de la prime. En fait, la situation est celle dans laquelle, à terme du contrat de travail, par exemple, lorsque l’objectif et la rémunération liée à l’objectif ont été fixés par le contrat de travail sont trop imprécis. C’est un écueil que l’on voit souvent, c’est-à-dire que malheureusement, souvent, la rédaction n’est pas suffisamment fine et ne fixe pas exactement la définition des termes qui permettent de calculer la prime. Et c’est un écueil qu’on voit souvent, c’est un défaut de finesse dans la rédaction.

Ça pose un problème lorsqu’il y a un conflit, notamment lorsque le dispositif qui a été prévu permettait à l’employeur de fixer les objectifs, c’est-à-dire, on fixe une prime dans le contrat, le contrat prévoit qu’il y aura une prime, mais laisse à l’employeur le soin de fixer les objectifs. Ce n’est pas forcément une méthode que je préconise, c’est même une méthode que je déconseille parce qu’on risque de tomber dans ce que je suis en train de vous exposer, c’est-à-dire, qu’est-ce qui se passe si l’employeur ne fixe pas ses objectifs alors qu’il y a quand même une clause ? Eh bien, la Cour de cassation va considérer que, dans ce type de situation, c’est le juge qui va procéder lui-même au calcul de la rémunération. Très souvent, il va s’appuyer sur la pratique antérieure des parties, les années où les objectifs ont été fixés ou les années où l’accord des parties avait été fait par un avenant pour l’année donnée. Donc, le juge va aller voir ce qui a été fait, et c’est lui qui va fixer.

C’est un deuxième point de vigilance, deuxième sujet sur la fixation des objectifs sur lesquels je vais venir. C’est que, quand vous le faites par contrat de travail ou par décision unilatérale, la rédaction doit être particulièrement soignée, particulièrement réfléchie. Vous devez préciser tous les détails, notamment les notions des bases de calcul de la prime, les périodicités de paiement, les modalités de paiement. Tout doit être expressément prévu, quitte à ce que la clause soit un peu lourde et un peu importante, mais c’est totalement préférable, parce que sinon vous risquez de vous retrouver dans une situation où c’est le juge qui finalement viendra fixer le calcul de la prime, et il ne sera pas forcément celui que vous auriez imaginé en faisant le contrat ou en faisant la décision unilatérale. Cette rédaction-là, cette finesse de rédaction est fondamentale. La jurisprudence sur laquelle je voulais attirer votre attention nous le démontre. Donc, il faut être particulièrement précis dans cette rédaction.

 

Voilà, c’étaient les deux points de jurisprudence sur lesquels je voulais attirer votre attention, parce que ce sont ceux qui, en pratique, posent des difficultés. Est-ce qu’il y a des questions sur ces aspects-là ? J’en aurai, pour ma part, fini de la présentation que je voulais faire.

Fabrice

Géraldine

Ok, parfait. Merci beaucoup pour ces explications. Il n’y a pas de question donc je pense que tu as été très clair.

Merci,  je vais me permettre de vous laisser. Au revoir.

Fabrice

Géraldine

Ça marche, merci beaucoup. Au revoir.

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