Veille Juridique Sociale du 23 Mai : Licenciement Injustifié, Clause de Non-Concurrence et Préjudice d’Anxiété
Montant minimal de l’indemnité de licenciement sans CRS : à partir de la 11e année d’ancienneté, l’effectif de l’entreprise importe peu
Aux termes de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.
En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, les montants minimaux sont fixés jusqu’à 10 ans d’ancienneté.
Il en résulte qu’à partir de la onzième année complète d’ancienneté du salarié, le montant minimal de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est celui qui est fixé au tableau annexé à l’alinéa 2 de ce texte, en fonction de la durée de l’ancienneté, quel que soit l’effectif de l’entreprise
Cass. soc., 29 avril 2025, n°23-23.494
Préjudice d’anxiété : quelle responsabilité des employeurs successifs en cas de transfert de contrat de travail ?
Il se déduit du code du travail que, sauf collusion frauduleuse entre les employeurs successifs, seul le nouvel employeur est tenu envers le salarié aux obligations et au paiement des créances résultant de la poursuite du contrat de travail après le transfert.
Le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, pour manquement de ce dernier à cette obligation.
Le préjudice d’anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l’amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance de ce risque par les salariés. Il naît, pour le salarié qui ne bénéficie pas de l’allocation de cessation anticipée d’activité, à la date à laquelle celui-ci a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l’amiante.
En l’espèce, pour rejeter la demande de la société Fives tendant à sa mise hors de cause et dire qu’elle devra garantir la société Fonderie et aciérie de [Localité 15] des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 90 %, les juges du fond ont retenu que l’article L. 1224-2, anciennement L. 122-12-1, du code du travail n’emporte pas substitution mais adjonction de débiteurs en vue d’offrir une garantie supplémentaire aux salariés transférés et qu’il en résulte que, pour les dettes antérieures au transfert, le salarié peut agir indifféremment contre le nouvel employeur ou contre l’ancien, les deux employeurs étant tenus in solidum des conséquences des manquements du cédant aux obligations résultant du contrat de travail. Ils ont ajouté que le salarié peut ne mettre en cause que le nouvel employeur, même si la créance invoquée est la conséquence d’un manquement du cédant aux obligations résultant du contrat de travail, mais que le nouvel employeur peut se faire rembourser par ce dernier la fraction des sommes correspondant à la période antérieure au transfert représentant le temps pendant lequel le salarié était au service de l’ancien employeur. Ils on t décidé que la part de responsabilité de la société Fonderie et aciérie de [Localité 15] doit être limitée à 10 % au vu de la durée d’utilisation de l’amiante dans l’usine de [Localité 15] à laquelle le salarié était affecté, le surplus étant mis à la charge de la société Fives.
A tort selon la Cour de cassation : jusqu’au 1er septembre 1988, les salariés n’étaient pas en mesure d’être suffisamment informés sur les risques auxquels ils avaient été exposés dans leur vie professionnelle pour en avoir une conscience libre et éclairée, or les contrats de travail avaient été transférés à la société Fonderie et aciérie de [Localité 15] à cette date, de sorte que le préjudice d’anxiété des salariés était né après ce transfert.
Le dommage subi par les salariés étant né après le transfert des contrats de travail, il y a lieu de rejeter la demande d’appel en garantie formée par la société Fonderie et aciérie de [Localité 15] à l’encontre de la société Fives.
Cass. soc., 29 avril 2025, n° 23-20.501
Renonciation à l’exécution de la clause de non-concurrence : en cas de licenciement pour inaptitude, elle doit intervenir au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise
En cas de rupture du contrat de travail avec dispense ou impossibilité d’exécution d’un préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise.
Selon le code du travail, en cas de licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel, le préavis n’est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement.
Il en résulte qu’en cas de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires, dès lors que le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler.
En l’espèce, la lettre de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement informant le salarié qu’il n’effectuerait pas de préavis ne comportait pas de mention relative à la levée de la clause de non-concurrence, celle-ci n’étant intervenue que 10 jours plus tard lors de la délivrance du certificat de travail. La renonciation par l’employeur au bénéfice de la clause de non-concurrence était donc tardive, en sorte qu’il en devait la contrepartie financière au salarié.
Cass. soc., 29 avril 2025, n°23-22.191