Veille Juridique Sociale : Cotisations Patronales, CPF, Discriminations, Salariés Protégés et Dernières Décisions de Justice
Cotisations patronales : quelles modifications ?
Plusieurs taux relatifs aux cotisations patronales ont été modifiés suite au décret du 4 avril 2025.
Plusieurs de ces changements seront effectifs le 1er mai 2025 :
– Réduction générale des cotisations patronales : évolution du taux de réduction au 1er mai
– Modification du taux de cotisations sociales accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP)
– Modification du taux de la contribution patronale à l’assurance chômage
– Heures supplémentaires : introduction du montant de la déduction forfaitaire des cotisations patronales
– Modification du Smic retenu pour les réductions de taux sur les cotisations maladie et allocations familiales
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CPF :
Un décret du 14 avril 2025 définit les modalités d’alimentation supplémentaire du compte personnel de formation par les financeurs tiers (employeur, Opco, etc.) et notamment la possibilité de passer par une plateforme dédiée à cet effet, gérée par la Caisse des dépôts et consignations.
SNCF/RATP : des faits commis à l’occasion de la vie privée du salarié peuvent justifier son retrait du service interne de sécurité, en application du code des transports
Selon le code des transports (art. L. 2251-2), les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens qui ont fait l’objet d’une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, ne peuvent être affectés ou maintenus dans ce service interne de sécurité. Il en va de même :
1° Si l’agent a fait l’objet d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ;
2° S’il a commis des actes, éventuellement mentionnés dans les traitements automatisés et autorisés de données personnelles gérés par les autorités de police, contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’Etat.
En l’espèce, le juge du fond a ordonné la réintégration du salarié concerné dans ses fonctions d’agent du service interne de sécurité de la SNCF. Il énonce que cette dernière indique avoir été informée que deux anciennes compagnes du salarié avaient déposé trois plaintes contre lui, pour des faits de vols, dégradation ou agression puis relève que, parmi ces faits, seuls ceux de vol et dégradation, ont fait l’objet d’un rappel à la loi, selon une décision du procureur de la République. Pour le juge du fond le caractère personnel des faits, touchant à la vie privée du salarié, ne justifie pas l’application du code des transports.
A tort selon la Cour de cassation : les dispositions du code des transports visées ci-dessus (art. L. 2251-2) doivent recevoir application même lorsque les actes, contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’Etat ont été commis par le salarié à l’occasion de sa vie privée.
Cass. soc., 9 avril 2025, n°23-15.129
Justifier la différence de traitement en matière de rémunération entre 2 salariées par la qualité d’épouse de l’une est une discrimination
En application du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de sa situation de famille.
Le défaut d’appartenance du salarié à la famille de son employeur, en ce qu’il constitue le motif d’un traitement moins favorable, relève du champ d’application de ce texte.
Cette solution s’inscrit dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de discrimination qui décide que le principe de l’égalité de traitement consacré par les directives dans ce domaine s’applique non pas à une catégorie de personnes déterminée, mais en fonction des motifs prohibés visés aux dispositions des directives en matière de discrimination (s’agissant de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail : CJUE, 17 juillet 2008, Coleman, C-303/06, § 38 ; s’agissant de la directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique : CJUE, 16 juillet 2015, Nikolova, C-83/14, § 56).
C’est dès lors à bon droit, que la cour d’appel a retenu que le motif de discrimination prohibé tenant à la situation de famille était applicable en l’espèce, dès lors que l’employeur entendait justifier la différence de traitement en matière de rémunération entre la salariée et la salariée de comparaison par la qualité d’épouse de cette dernière.
Cass. soc., 9 avril 2025, n°n° 23-14.016
Représentant de proximité : calcul de l’indemnité pour violation du statut protecteur en cas de prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement nul
Selon le code du travail, les représentants de proximité, que peut mettre en place l’accord d’entreprise défini à l’article L. 2313-2 du code du travail, sont membres du CSE ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité.
Les représentants de proximité bénéficient du statut protecteur.
Il en résulte que le représentant de proximité, dont la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul, a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours, dans la limite de 30 mois.
En l’espèce, le mandat de la salariée, désignée représentante de proximité à partir du 1er janvier 2020, étant toujours en cours au jour de son départ à la retraite, le 30 avril 2021, requalifié en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul, il en résultait que la salariée avait droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’elle aurait perçue depuis le 30 avril 2021 jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours dans la limite de 30 mois.
Cass. soc., 9 avril 2025, n°23-12.990
L’acceptation par un salarié protégé de la modification de son contrat résultant de l’application d’un APC n’exonère pas l’employeur de son obligation de sécurité, notamment de prendre en compte l’avis et les indications émis par le médecin du travail
L’acceptation par un salarié protégé de la modification de son contrat de travail résultant de l’application d’un accord de performance collective, dont les stipulations se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles de ce contrat, n’a pas pour effet d’exonérer l’employeur de son obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ce salarié et, à cet égard, notamment, de prendre en considération l’avis et les indications ou les propositions le cas échéant émis par le médecin du travail relativement à ce salarié.
Si, en cas de refus par un salarié protégé de la modification de son contrat de travail résultant de l’application d’un accord de performance collective, son employeur peut, pour ce seul motif, engager une procédure de licenciement, ainsi que le prévoit l’article L. 2254-2 du code du travail, et, à ce titre, s’agissant d’un salarié protégé, demander à l’inspecteur du travail l’autorisation de procéder à un tel licenciement, ce dernier ne peut légalement faire droit à une telle demande si à la date à laquelle il se prononce, le salarié a fait l’objet d’un avis d’inaptitude émis par le médecin du travail, son licenciement, en un tel cas, ne pouvant en principe avoir d’autre fondement que l’inaptitude et étant, par suite, régi par les dispositions des articles L. 1226-10 du code du travail et suivants.
En l’espèce, le Conseil d’Etat approuve la Cour administrative d’appel d’avoir jugé que le refus par l’intéressé de la modification de son contrat de travail résultant de l’accord de performance collective constituait, à lui seul, une cause réelle et sérieuse de licenciement. La circonstance alléguée par l’intéressé – qui n’avait pas fait l’objet d’un avis d’inaptitude du médecin du travail -, relativement à son état de santé, ne faisait pas obstacle à ce qu’il accepte la modification de son contrat de travail, dès lors qu’une telle acceptation ne délivrait pas son employeur de l’obligation légale d’assurer sa sécurité et de protéger sa santé, le cas échéant en prenant en considération les avis ou propositions émis par le médecin du travail.
CE, 4 avril 2025, n°471490
La mesure provisoire de mise en disponibilité prise par un employeur à l’encontre d’un salarié protégé en attendant une procédure disciplinaire n’est pas une mise à pied conservatoire
Aux termes du code du travail, applicable au conseiller prud’homme : » La demande d’autorisation de licenciement d’un délégué syndical, d’un salarié mandaté ou d’un conseiller du salarié ou d’un membre de la délégation du personnel au comité social et économique interentreprises est adressée à l’inspecteur du travail. / En cas de faute grave, l’employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l’intéressé dans l’attente de la décision définitive (…) ».
» En cas de faute grave, l’employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l’intéressé jusqu’à la décision de l’inspecteur du travail. (…) La demande d’autorisation de licenciement est présentée (…) dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied (…) « .
Les délais, fixés par ces dispositions, dans lesquels la demande d’autorisation de licenciement d’un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l’employeur est tenu de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter. Par suite, il appartient à l’administration, saisie par l’employeur d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé auquel s’appliquent ces dispositions, de s’assurer que ce délai a été aussi court que possible pour ne pas entacher d’irrégularité la procédure antérieure à sa saisine.
L’employeur peut prendre, dans l’attente d’une éventuelle procédure disciplinaire, des mesures provisoires adaptées destinées à garantir les intérêts de l’entreprise, des autres salariés et des usagers, telles que la mise en disponibilité provisoire du salarié concerné, pourvu qu’il n’en résulte pas, sans l’accord du salarié, une modification durable de son contrat de travail.
En l’espèce, il est jugé que la mise en disponibilité de Mme A… décidée par … le 22 février 2018, qui n’avait pas privé l’intéressée de revenus, était intervenue avant l’engagement d’une procédure disciplinaire, avait été suivie peu de temps après d’une mise à pied conservatoire, et avait pour seul objet de permettre le bon déroulement de l’enquête interne diligentée pour rechercher si les faits de harcèlement moral allégués à son encontre et portés à la connaissance de l’employeur étaient susceptible de constituer une faute de nature à justifier le déclenchement d’une procédure disciplinaire, ne pouvait être regardée comme une mise à pied conservatoire au sens des dispositions citées ci-dessus.
Par ailleurs, le délai imparti à l’employeur pour demander l’autorisation de licenciement commence à courir à compter de la date de mise à pied du salarié protégé, qui s’entend de la date à laquelle prend effet cette mise à pied, c’est-à-dire la date de sa notification à l’intéressé. Par suite, le délai prescrit à … pour solliciter de l’inspecteur du travail l’autorisation de licencier Mme A… n’avait commencé à courir qu’à compter du 8 mars 2018, date à laquelle lui a été notifié le courrier du 5 mars 2018 lui signifiant sa mise à pied conservatoire, et non dès le 5 mars.
Enfin, pour juger que le délai séparant la date de mise à pied de la salariée et la saisine de l’inspecteur du travail avait été en l’espèce aussi court que possible et qu’il ne résultait pas d’un manque de diligence de l’employeur, la cour administrative d’appel a relevé que … avait dû mener des investigations complémentaires sur certains agissements commis le 7 mars 2018 par Mme A…, susceptibles de fonder également la demande d’autorisation de licenciement, et que l’association avait dû attendre les éclaircissements sur ce point de la CPAM, qui ne lui sont parvenus que le 20 mars 2018. En jugeant que le dépassement, dans ces conditions, de 6 jours du délai prescrit par le code du travail n’était pas excessif et n’entachait pas d’irrégularité la procédure et en déduisant qu’il ne faisait pas obstacle à ce que l’autorité administrative autorise le licenciement de Mme A…, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine des faits sans erreur de droit.
CE, 4 avril 2025, n°489866