Santé et sécurité : les dernières décisions de la Cour de cassation

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Santé et Sécurité : analyse des dernières décisions rendues par la Cour de cassation

Droit de retrait abusif, désignation d’un médecin dans le cadre de la contestation de l’avis du médecin du travail devant le CPH, et obligations particulières en matière de sécurité édictées par le Code du travail… décryptage des trois décisions rendues par la Cour de cassation le 22 mai 2024.

Droit de retrait considéré comme abusif

La Chambre sociale de la Cour de cassation a retenu dans une décision du 22 mai 2024 que, par exception, que l’employeur peut opérer une retenue sur salaire sans recourir au juge s’il estime son exercice abusif.

Aux termes du Code du travail, le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation.
L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.

Aux termes du même code, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d’eux.

Il résulte de ces dispositions que lorsque les conditions de l’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire, sans que l’employeur soit tenu de saisir préalablement le juge du bien-fondé de l’exercice de ce droit par le salarié.

Cass. soc., 22 mai 2024, n°22-19.849

Lors de la contestation de l’avis du médecin du travail devant le CPH, celui-ci peut désigner un autre médecin s’il constate qu’aucun médecin-inspecteur du travail n’est disponible pour réaliser la mesure d’instruction qu’il a ordonné

Le Code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019, dispose que le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale et que le conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence.

Selon le même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019, en cas d’indisponibilité du médecin-inspecteur du travail ou en cas de récusation de celui-ci, le conseil de prud’hommes statuant selon la procédure accélérée au fond peut désigner un autre médecin inspecteur du travail que celui qui est territorialement compétent.

La Cour européenne des droits de l’homme juge que la durée raisonnable d’une procédure doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause et à l’aide des critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (CEDH, 27 juin 2020, affaire Frydenler c. France, n° 30979/96). Lorsque la collaboration d’un expert s’avère nécessaire au cours de la procédure, il incombe au juge d’assurer la mise en état et la conduite rapide du procès (CEDH, 8 juin 2006, affaire Sürmeli c. Allemagne, n° 75529/01).

Il en résulte qu’à l’occasion d’une mesure d’instruction ordonnée sur le fondement du code du travail (art. L. 4624-7), le juge qui constate qu’aucun médecin inspecteur du travail n’est disponible pour réaliser la mesure d’instruction peut désigner un autre médecin pour permettre son exécution.

Cass. soc., 22 mai 2024, n°22-22.321

Accessoires de levage : le Code du travail édicte des obligations particulières de sécurité, objectives, immédiatement perceptibles et clairement applicables, sans faculté d’appréciation personnelle par l’employeur

La Chambre criminelle de la Cour de cassation a, pour déclarer M. [C] coupable du chef de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, rappelé qu’il résulte du code du travail (art. R. 4323-34 et R. 4323-47) que les accessoires de levage doivent être choisis et utilisés en fonction des charges à manutentionner, des points de préhension, du dispositif d’accrochage et des conditions atmosphériques et compte tenu du mode et de la configuration d’élingage.

Le contrôleur du travail a conclu que les élingues utilisées n’étaient pas adaptées aux travaux effectués et que le fait d’avoir choisi un tel matériel ne permettant pas d’empêcher une chute de la charge constituait une infraction aux textes précités.

Ils constatent que M. [C] a reconnu avoir su que les élingues dont la rupture a causé l’accident étaient à usage unique et les avoir réutilisées pour gagner du temps, mais conteste néanmoins toute faute.
Ils ajoutent qu’il résulte des déclarations du prévenu à l’audience que les élingues en cause, consistant en des sangles souples en tissu, étaient restées trois semaines en extérieur, soumises aux intempéries, et qu’il les a utilisées sans vérifier préalablement leur état.

Les juges soulignent que [O] [F] a déclaré avoir averti le prévenu du mauvais état des élingues et du danger qu’elles pouvaient représenter si elles étaient utilisées pour soulever la charge prévue.
Les juges retiennent que si le prévenu conteste ces déclarations, il a lui-même admis que les élingues n’étaient pas adaptées, alors qu’il lui appartenait de choisir un accessoire approprié, vérification qu’il n’a pas effectuée en l’espèce.

En l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision.

En effet, en premier lieu, les articles R. 4323-34 et R. 4323-47 du code du travail édictent, à la charge de l’employeur, des obligations particulières de sécurité, objectives, immédiatement perceptibles et clairement applicables, sans faculté d’appréciation personnelle de celui-ci.
En second lieu, les juges ont, établi le caractère délibéré du recours, par le prévenu, à des accessoires de levage dont il ne s’est pas préalablement assuré de l’adaptation à l’usage prévu.

Cass. crim. 22 mai 2024, n°23-82.621

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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