Réforme de l’APLD, suivi médical, discriminations : panorama des actualités sociales au 2 mai 2025
APLD Rebond : le ministère du Travail publie un « questions-réponses »
L’article 193 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 institue un dispositif dénommé « activité partielle de longue durée Rebond » (APLD-R) destiné à assurer le maintien dans l’emploi des salariés dans les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité.
Après la publication d’un décret d’application en date du 14 avril 2025, le ministère du Travail a publié sur son site internet un « questions-réponses » détaillant les principales caractéristiques de l’APLD-R, structuré autour des axes suivants :
– la durée du dispositif ;
– les liens avec les autres formes d’activité partielle ;
– les conditions de mise en place et de mise en œuvre de l’APLD-R ;
– les engagements en matière de maintien dans l’emploi et de formation professionnelle ;
– la réduction maximale de l’horaire de travail ;
– les modalités d’indemnisation dans le cadre de ce dispositif.
Pour plus d’informations, rendez-vous sur Capstan news.
Suivi individuel renforcé :
Un décret du 18 avril 2025 décret vise à optimiser les ressources médicales et à les redéployer sur le suivi des salariés affectés à des postes présentant un risque particulier ainsi que sur les actions de prévention primaire vers lesquelles les missions des services de prévention et de santé au travail ont été orientées par la réforme de ces services introduite par la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.
Il écarte de la liste des salariés bénéficiant d’un droit à un suivi individuel renforcé les travailleurs qui peuvent être affectés à un poste pouvant nécessiter une autorisation de conduite ou une habilitation électrique en application des articles R. 4323-56 et R. 4544-10 du code du travail. En place du suivi individuel renforcé, il subordonne l’autorisation de conduite de certains équipements et l’habilitation à la réalisation de travaux sous tension ou d’opérations au voisinage de pièces nues sous tension à la délivrance d’une attestation d’une durée de validité de cinq ans justifiant l’absence de contre-indications médicales.
Le règlement intérieur ne peut imposer à l’employeur des obligations extra légales
Selon l’article L. 2315-24 du code du travail, le comité social et économique détermine, dans un règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et celles de ses rapports avec les salariés de l’entreprise, pour l’exercice des missions que le code du confie.
Sauf accord de l’employeur, un règlement intérieur ne peut comporter des clauses lui imposant des obligations ne résultant pas de dispositions légales.
Cass. soc., 26 mars 2025, n°23-16.219
Contentieux harcèlement : attention à la modification de l’objet du litige par le juge
Selon l’article 4 du CPC, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
En l’espèce, une salariée est déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral. L’arrêt relève que les éléments qu’elle invoque au titre des éléments laissant supposer l’existence d’un harcèlement, ne sont pas suffisamment précis pour établir matériellement des faits qui pris dans leur ensemble laisseraient supposer des agissements répétés de harcèlement moral.
A tort pour la Cour de cassation : dès lors que dans ses conclusions la société ne contestait pas la matérialité de certains faits, mais faisait valoir qu’ils étaient objectivement justifiés par des raisons étrangères à l’existence d’un harcèlement moral, le juge du fond a modifié l’objet du litige.
Cass. soc., 9 avril 2025, n°n° 23-17.857
Contentieux discrimination : demande de communication forcée de pièces au juge de la mise en état
1. L’appel à l’encontre d’une décision statuant sur une demande de communication forcée de pièces contenant des données à caractère personnel de tiers entrant dans le champ du RGPD, est immédiatement recevable
2. Définition des contrôles devant être effectués par le juge saisi d’une demande de communication de pièces sur le fondement de l’article 789, 5°, du CPC
1. L’atteinte éventuelle aux droits des tiers, concernés par une mesure de communication de leurs données personnelles à des parties à un litige, fondée sur les dispositions de l’article 789, 5°, du code de procédure civile, doit nécessairement faire l’objet d’un examen par le juge avant l’exécution de la mesure au regard des droits reconnus par le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD), une telle atteinte ne pouvant plus, une fois les pièces communiquées, être utilement réparée par un contrôle postérieur.
Par conséquent, afin de garantir l’effectivité de l’application du droit de l’Union européenne et, plus précisément, du règlement précité, il convient de déclarer le pourvoi immédiatement recevable à l’encontre d’une décision, statuant sur une demande de communication forcée de pièces contenant des données à caractère personnel de tiers entrant dans le champ d’application matériel du RGPD, sans limiter l’ouverture du pourvoi à un excès de pouvoir consacré ou commis par le juge.
2. Les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d’appel ou de pourvoi en cassation qu’avec le jugement sur le fond. Il a été jugé que l’irrecevabilité d’un appel immédiat s’applique à l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance accordant ou refusant une injonction de communication de pièces (2e Civ., 7 octobre 1992, pourvoi n° 91-11.120, Bull. 1992, II, n° 227). Il n’est dérogé à cette règle qu’en cas d’excès de pouvoir (Soc., 27 janvier 1999, pourvoi n° 96-44.460 ; 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 19-16.216).
Toutefois, il découle des principes rappelés au 1. ci-dessus que l’atteinte éventuelle aux droits des tiers, concernés par une mesure de communication de leurs données personnelles à des parties à un litige, fondée sur les dispositions de l’article 789, 5°, du CPC, doit nécessairement faire l’objet d’un examen par le juge avant l’exécution de la mesure au regard des droits reconnus par le RGPD, une telle atteinte ne pouvant plus, une fois les pièces communiquées, être utilement réparée par un contrôle postérieur.
Par conséquent, afin de garantir l’effectivité de l’application du droit de l’Union européenne et, plus précisément, du règlement précité, il convient de juger désormais que l’appel à l’encontre d’une décision, statuant sur une demande de communication forcée de pièces contenant des données à caractère personnel de tiers entrant dans le champ d’application matériel du RGPD, est immédiatement recevable.
Ensuite, la Cour de justice a dit pour droit que ces articles doivent être interprétés en ce sens que, lors de l’appréciation du point de savoir si la production d’un document contenant des données à caractère personnel doit être ordonnée, la juridiction nationale est tenue de prendre en compte les intérêts des personnes concernées et de les pondérer en fonction des circonstances de chaque espèce, du type de procédure en cause et en tenant dûment compte des exigences résultant du principe de proportionnalité ainsi que, en particulier, de celles résultant du principe de la minimisation des données visé à l’article 5, paragraphe 1, sous c), de ce règlement.
Il appartient dès lors au juge saisi d’une demande de communication de pièces sur le fondement de l’article 789, 5°, du CPC, d’abord, de rechercher si cette communication n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi et s’il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant d’office le périmètre de la production de pièces sollicitées au regard notamment des faits invoqués au soutien de la demande en cause et de la nature des pièces sollicitées.
Il lui appartient également, eu égard aux articles 5 et 6 du RGPD, de veiller au principe de minimisation des données à caractère personnel, en ordonnant, au besoin d’office, l’occultation, sur les documents à communiquer par l’employeur au salarié demandeur, de toutes les données à caractère personnel des salariés de comparaison non indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi. Pour ce faire, il lui incombe de s’assurer que les mentions, qu’il spécifiera comme devant être laissées apparentes, sont adéquates, pertinentes et strictement limitées à ce qui est indispensable à la comparaison entre salariés en tenant compte du ou des motifs allégués de discrimination.
Il lui appartient enfin de faire injonction aux parties de n’utiliser les données personnelles des salariés de comparaison, contenues dans les documents dont la communication est ordonnée, qu’aux seules fins de l’action en discrimination.
En l’espèce, l’appel de la société contre l’ordonnance du juge de la mise en état lui enjoignant de communiquer les historiques de carrière et les bulletins de salaire de salariés a été déclaré irrecevable, le juge du fond ayant notamment estimé que les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d’appel ou de pourvoi en cassation qu’avec le jugement statuant sur le fond et que la communication des bulletins de paie relativement à la production d’un panel relève du droit à la preuve et donc de l’examen par le juge du fond.
L’arrêt de la Cour d’appel est cassé par la Cour de cassation : la CA devait déclarer l’appel immédiatement recevable à l’encontre de la décision ayant ordonné la communication de pièces contenant des données à caractère personnel de tiers et il lui appartenait de procéder au contrôle énoncés ci-dessus, en particulier en veillant au principe de minimisation des données à caractère personnel et en faisant injonction aux parties de n’utiliser ces données, contenues dans les documents dont la communication est ordonnée, qu’aux seules fins de l’action en discrimination.
Cass. soc., 9 avril 2025, n°n° 22-23.639