Licenciement salarié protégé : responsabilité de l’État et procédure

Cette semaine, décryptage de deux décisions rendues par le Conseil d’Etat sur la thématique du licenciement d’un salarié protégé.

1/ Refus illégal d’autorisation de licenciement : l’État tenu d’indemniser l’employeur pour les salaires versés sans travail effectif

Dans une première décision du 07 novembre 2025 (n°489310) le Conseil d’Etat a précisé qu’en cas de refus illégal de l’autorité administrative de faire droit à une demande d’autorisation de licenciement fondée sur le comportement fautif du salarié protégé, le versement des salaires et charges sociales afférents à ce salarié supporté par l’employeur, dès lors qu’il n’est pas la contrepartie d’un travail effectif, ouvre droit à indemnisation, sous réserve que le préjudice invoqué à ce titre soit en lien direct et certain avec la faute tenant à l’illégalité du refus opposé et en tenant compte, le cas échéant, pour déterminer l’étendue de la responsabilité de l’Etat à l’égard de l’employeur, d’une éventuelle faute commise par ce dernier.

En l’espèce, après avoir relevé que le salarié dont la ministre avait refusé d’autoriser le licenciement avait continué à percevoir son salaire sans travailler, la cour administrative d’appel de Paris a jugé que l’indemnisation de la société qui l’employait devait couvrir les salaires et charges sociales afférents au salarié jusqu’au 15 mars 2017, date de son départ effectif de l’entreprise. Ni la perte par le salarié, qui aurait cessé d’exercer des fonctions représentatives du personnel depuis janvier 2015, de sa protection à compter du 20 janvier 2016, ni la décision de son employeur de décider de recourir à une procédure de départ négocié pour s’en séparer ne sont de nature, par elles-mêmes, à faire obstacle à l’existence d’un lien de causalité entre l’illégalité fautive du refus d’autoriser son licenciement et le préjudice résultant du versement de salaires et charges sociales jusqu’à son départ. Par suite, en retenant, en dépit de ces circonstances, l’existence d’un tel lien pour fixer, comme terme de la période au titre de laquelle une indemnisation était due à la société, la date du départ effectif du salarié et en ne procédant pas à un partage de responsabilité, la cour, qui a porté une appréciation souveraine exempte de dénaturation sur les faits qui lui étaient soumis, notamment sur les conditions dans lesquelles l’intéressé a quitté l’entreprise, n’a, contrairement à ce que soutient le ministre, pas commis d’erreur de droit. En outre, en estimant que le versement des salaires et charges sociales était établi par la production par la société Securispace France SIS des fiches de paye du salarié et par celle du tableau récapitulatif des taxes et charges afférentes à son emploi, éléments non sérieusement contestés par le ministre, elle a porté une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

2/ Licenciement d’un salarié protégé : l’irrégularité de la procédure disciplinaire conventionnelle ne peut être écartée sans examen de son incidence sur la consultation du conseil de discipline

Dans une seconde décision du 07 novembre 2025 (n°491700), le Conseil d’Etat a rappelé qu’en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des représentants du personnel, qui bénéficient dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent d’une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travail. A ce titre, lorsque le licenciement d’un de ces salariés est envisagé, l’autorité administrative doit, notamment, s’assurer du respect des règles de procédure d’origine conventionnelle ou statutaire préalables à sa saisine.

En vertu du statut national du personnel des industries électriques et gazières annexé au décret du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières, les sanctions autres que l’avertissement et le blâme sont proposées, pour les agents des échelles 1 à 15 (ouvriers, employés, agents de maîtrise) par la commission secondaire du personnel au directeur de l’exploitation ou du service. Selon l’article 2312 de la circulaire  » PERS n° 846  » du 16 juillet 1985 d’Electricité de France et de Gaz de France relative aux mesures disciplinaires, le courrier informant l’agent qu’il est traduit devant cette commission siégeant en conseil de discipline doit notamment contenir la date, l’heure et le lieu prévus de la séance, ces éléments étant ensuite confirmés dans le courrier de notification à l’agent de sa comparution devant la commission, ainsi que le nom du rapporteur et les conditions dans lesquelles ce dernier peut le recevoir.

Il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour écarter le moyen soulevé par le salarié protégé et tiré de ce que la procédure de licenciement suivie par la société EDF était irrégulière, au motif que le courrier l’informant qu’il était traduit devant le conseil de discipline ne comportait pas les indications requises mentionnées au point précédent, les juges d’appel se sont fondés sur ce que cette circonstance n’avait, dans les circonstances de l’espèce, privé l’intéressé… d’aucune garantie ni exercé d’influence sur le sens de la décision prise.

Toutefois, dès lors qu’un tel moyen met en cause la légalité interne de la décision attaquée, la cour ne pouvait l’écarter pour ce motif mais devait rechercher si, malgré cette irrégularité, le conseil de discipline avait été mis à même d’émettre son avis en tout connaissance de cause dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d’avoir faussé sa consultation.

A cet égard, sont sans incidence les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, aux termes desquelles  » Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient (…) sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire « , lesquelles ne portent pas sur les demandes d’autorisation de licenciement des salariés protégés.

Ainsi, en statuant comme elle l’a fait, la cour a commis une erreur de droit.

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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