Les risques pour l’employeur en cas de contestation du caractère collectif de l’horaire de travail

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Contestation du caractère collectif de l’horaire de travail : quel risque pour l’employeur ?

Dans un arrêt rendu le 1er février 2023, le Conseil d’État a jugé que le principe de légalité des délits fait obstacle à ce qu’une sanction soit prononcée s’il n’apparaît pas de façon claire et prévisible qu’un comportement peut constituer un manquement. Il s’en déduit donc que l’employeur ne peut pas être sanctionné pour le non-respect d’un régime de décompte de la durée du travail qu’il n’entendait pas appliquer.

Contestation du caractère collectif de l’horaire de travail : les faits d’espèce étaient les suivants

À l’occasion d’une série de contrôles visant une grande entreprise (Société La Poste), l’inspection du travail a constaté que certains salariés (des facteurs) commencent et finissent leur journée de travail plus tôt ou plus tard que prévu par l’horaire collectif de travail en vigueur.

Estimant qu’en réalité ces salariés n’exercent pas dans le cadre de l’horaire collectif, l’administration en déduit que l’employeur aurait dû établir les documents nécessaires au décompte de la durée du travail de chacun d’eux, en application de l’article L. 3171-2 du Code du travail.

En vertu de l’article L.3171-2 du Code, « lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. »

Dit autrement, en cas d’horaire collectif de travail, l’employeur n’a pas à établir un décompte de la durée du travail de chaque salarié.

La question résidait dans le fait de savoir si, dans le présent cas, l’administration pouvait appliquer ou pas une amende administrative ?

Le montant maximal de l’amende est de 4 000 € et peut être appliqué autant de fois qu’il y a de travailleurs concernés par le manquement.

Le plafond de l’amende est porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter du jour de la notification de l’amende concernant un précédent manquement de même nature. Il est majoré de 50% en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d’un an à compter du jour de la notification d’un avertissement concernant un précédent manquement de même nature (article L.8115-3 du Code du travail).

L’autorité administrative pouvant sanctionner le manquement à l’obligation d’établir un tel décompte de la durée de travail d’une amende administrative, sous réserve de l’absence de poursuites pénales (article L. 8115-1 du Code du travail), plusieurs Direccte (devenues Dreets) sanctionnent donc la société à la suite des contrôles effectués.

L’employeur conteste ces amendes et la grande majorité des juges du fond saisis lui donne raison. Le ministre du travail se pourvoit devant le Conseil d’État.

Ce dernier n’avait encore jamais tranché cette question : l’inspection du travail peut-elle « requalifier » un horaire collectif de travail en horaires individuels et ensuite sanctionner l’employeur pour des manquements à un régime d’horaire qu’il n’avait pas entendu appliquer à l’origine ?

Contestation du caractère collectif de l’horaire de travail : selon le Conseil d’État

Selon le Conseil d’État, « le principe de légalité des délits et des peines, qui s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition, fait obstacle à ce que l’administration inflige une sanction si, à la date des faits litigieux, il n’apparaît pas de façon raisonnablement prévisible par l’intéressé que le comportement litigieux est susceptible d’être sanctionné.

Par suite, les dispositions mentionnées au point précédent ne sauraient permettre à l’administration de sanctionner un employeur à raison d’un manquement à l’obligation, attachée à des horaires non collectifs, d’établir un décompte de la durée de travail de chaque salarié selon les modalités rappelées au point 3, s’agissant de salariés dont le travail est organisé selon un horaire collectif.

Il suit de ce qui précède que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’autorité administrative ne pouvait légalement infliger à la société La Poste, s’agissant de salariés employés sur deux sites sur lesquels un même horaire collectif de travail, négocié par un accord collectif, avait été rendu opposable par voie de règlement affiché et adressé à l’inspection du travail, l’amende encourue en cas de manquement à l’obligation, mentionnée au point 3, de tenir des décomptes individuels de la durée du travail des travailleurs ne travaillant pas selon le même horaire collectif de travail. »

En d’autres termes, l’administration ne peut pas d’abord requalifier l’horaire collectif en horaires individuels puis sanctionner l’employeur pour le non-respect des obligations liées auxdits horaires individuels.

Que peut faire l’autorité administrative dans ce cas ? Elle ne peut que constater la situation objective (le non-respect de l’horaire collectif), puis éventuellement en tirer les conséquences en la sanctionnant.

Ainsi, et l’arrêt le rappelle implicitement, la sanction des écarts à l’horaire collectif de travail doit plutôt consister dans l’application de l’interdiction d’employer des salariés en dehors de cet horaire collectif, que dans la « requalification » du régime d’horaire de travail.

Conseil d’État, arrêt du 1er février 2023, n°457116

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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