Salarié inapte : est-il possible de prononcer un licenciement pour un autre motif ?
Déclaré inapte à son poste, le salarié ne doit pas reprendre le travail dans ses anciennes fonctions. Seul un poste adapté à son aptitude physique peut être envisagé. La déclaration d’inaptitude par le médecin du travail, seul habilité à le faire, ouvre un délai d’un mois au cours duquel l’employeur est tenu de rechercher activement une solution de reclassement permettant de préserver l’emploi du salarié.
S’il s’avère que le reclassement du salarié inapte est impossible, une procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement sera engagée.
Rappel : possibilité de licenciement pour inaptitude d’un salarié
- L’inaptitude du salarié est constatée conformément aux dispositions légales, c’est-à-dire par le médecin du travail à la suite d’au moins un examen médical accompagné, le cas échéant, d’examens complémentaires ;
- L’employeur a recherché toutes les possibilités de reclassement et qu’il démontre l’impossibilité de reclasser le salarié déclaré inapte, sauf lorsque le médecin du travail dispense l’employeur de rechercher un reclassement en mentionnant expressément dans son avis d’inaptitude que «tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi ». Dans ces deux hypothèses, l’employeur n’est alors pas tenu de rechercher un reclassement, et n’a pas l’obligation de consulter le comité social et économique (Cass. soc., 29 juin 2022, no 21-11.816) ;
- L’employeur doit ensuite respecter la procédure de droit commun (convocation à l’entretien préalable, entretien préalable, notification du licenciement. Lorsqu’une convention collective prévoit une procédure spécifique pour le licenciement des salariés inaptes, l’employeur doit respecter à la fois la procédure conventionnelle et la procédure légale (Cass. soc., 17 déc. 1997, no 95-44.026) ;
- Si le salarié inapte est un salarié protégé, l’employeur doit solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail avant de prononcer le licenciement ;
- La lettre de licenciement doit énoncer précisément le motif de la rupture. Elle doit donc faire mention : de l’inaptitude physique du salarié et de l’impossibilité pour l’entreprise de le reclasser.
Salarié inapte : l’avis de la Chambre de la Cour de cassation
Dans un récent arrêt en date du 8 février 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a précisé que dès lors qu’un salarié se voit déclaré inapte, son employeur ne peut prononcer un licenciement pour un autre motif que l’inaptitude, peu important que l’employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.
À défaut, le licenciement sera considéré comme sans cause réelle et sérieuse. Tel est l’apport de cet arrêt.
Dans cette affaire, un salarié, entré au service de son employeur depuis le 16 mai 1989, était placé en arrêt de travail à compter du 21 octobre 2016. Le 24 janvier 2017, le salarié était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 février 2017.
À l’issue d’une visite de reprise du 6 février 2017, le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste en un seul examen et a précisé que son reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe n’était pas envisageable.
Par lettre du 16 février 2017, la société a procédé au licenciement du salarié pour faute lourde.
Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale, en faisant valoir que « lorsqu’à la suite d’un arrêt de travail, un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à occuper tout poste dans l’entreprise au terme d’une seule visite médicale de reprise, les règles d’ordre public relatives au licenciement du salarié inapte non reclassé s’appliquent, ce qui exclut que le salarié déclaré inapte puisse faire l’objet d’un licenciement disciplinaire postérieurement à l’avis d’inaptitude. »
La Cour de cassation a suivi le raisonnement du salarié, et a fait une stricte application des dispositions légales en la matière, qui sont d’ordre public.