Focus RH et obligations légales
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Illicéité d’une convention de forfait en heures
Quelles sont les sanctions encourues par l’employeur ?
Quel est le fonctionnement de la convention de forfait en heures ?
Si les entreprises sont enclines à recourir aux forfaits en temps de travail, notamment pour disposer d’un outil permettant d’optimiser l’organisation du temps de travail et d’aboutir à une solution concertée avec les salariés, en se mettant d’accord avec eux pour fixer librement le volume du forfait hebdomadaire ou mensuel, sous réserves bien sûr des dispositions conventionnelles, ce nouvel arrêt du 2 mars 2022 est l’occasion de rappeler les règles à respecter en la matière et les sanctions encourues lorsqu’une convention de forfait en heures est déclarée inopposable.
Telle était la question juridique posée à la Haute juridiction, à savoir : quelles sont les sanctions encourues par l’employeur en cas de non-respect des conditions de mise en place des forfaits en heures ?
Exemple d’application de la convention de forfait en heures
En l’espèce, un salarié engagé en qualité d’ingénieur consultant, statut Cadre, avait contesté en 2016 la validité de sa convention individuelle de forfait hebdomadaire en heures et sollicité un rappel de salaire correspondant au paiement des heures de travail effectuées dans la limite de la durée légale de travail.
La relation de travail était régie par les dispositions de la Convention collective des bureaux techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 (dite SYNTEC).
Le salarié invoquait les dispositions de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, lequel instaure une convention de forfait en heures sur la base hebdomadaire pour les salariés relevant des modalités 2 réalisations de missions, lesdites modalités peuvent s’appliquer aux salariés ingénieurs et cadres, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale, et faisait valoir qu’à défaut de respecter ces dispositions, la convention de forfait est inopposable, et en conséquence la rémunération perçue est réputée correspondre à la durée légale du travail.
L’inopposabilité de la convention de forfait en heures : que dit la loi ?
Quelles sont les obligations ?
Ainsi, la réponse de la Cour est très claire :
« Lorsqu’une convention de forfait en heures est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s’effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de 35 heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente. »
Ajoutant que :
« Après avoir retenu l’inopposabilité de la convention de forfait en heures, la cour d’appel, recherchant la commune intention des parties, a décidé que celle-ci étaient convenues d’une rémunération contractuelle fixée pour une durée hebdomadaire de 38 heures 30 et constaté que cette rémunération de base avait été payée par l’employeur. Elle en a déduit à bon droit que les salariés ne pouvaient prétendre qu’au paiement des majorations applicables aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail. »
La position de la Chambre sociale nous semble ici cohérente.
Il est à noter en effet que la Cour de cassation, par cet arrêt, confirme sa position constante en la matière, pour avoir retenue une solution identique s’agissant d’un collaborateur qui ne percevait pas le niveau de rémunération auquel un accord collectif subordonnait l’application du forfait (Cass. Soc, 4.11.2015, pourvoi n°14-25745).
Par ailleurs, la Chambre sociale s’inscrit, par cet arrêt, dans la continuité d’une décision en date du 3 mars 2009, dans laquelle elle avait jugé que lorsque la convention de forfait contenue dans le contrat de travail ne remplit pas les conditions de validité, elle est illicite et le salarié peut demander un rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées (Cass. Soc, 03.03.2009, pourvoi n°07-43240).
Il appartient au juge de contrôler la rémunération des heures effectuées dans le cadre de la convention du forfait en heures.
En outre et toujours sur cette thématique, il convient de souligner également que la Cour de cassation considère, qu’à la suite de la décision d’inopposabilité du forfait en heures, le Juge doit contrôler « si la rémunération contractuelle versée par l’employeur en exécution du forfait irrégulier n’avait pas eu pour effet d’opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la trente-cinquième heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail » (Cass. Soc, 16.06 .2021, pourvoi n°20-13037).
Ainsi, il appartient au Juge, qui est tenu d’opérer un véritable contrôle sur la rémunération des heures de travail effectuées, de s’assurer que le salarié n’a pas déjà été rémunéré pour les heures supplémentaires accomplies dans le cadre de sa rémunération forfaitaire contractuelle versée.
Enfin, et de façon plus large, il convient de rappeler que :
Le forfait hebdomadaire ou mensuel en heures doit être impérativement formalisé par écrit (article L.3121-55 du Code du travail),
La convention individuelle de forfait n’est pas subordonnée à l’existence de dispositions conventionnelles l’autorisant, toutefois, si un accord collectif subordonne l’application du forfait à des conditions spécifiques, celles-ci doivent être respectées. Il n’est pas possible d’y déroger même avec l’accord du salarié,
Un accord d’entreprise relatif à la forfaitisation de la durée du travail prime sur les dispositions conventionnelles fixées par la branche (article L.2253-3 du Code du travail).
Dès lors, la régularité des conventions individuelles de forfait est subordonnée aux conditions imposées par accord collectif, non seulement à la date à laquelle la convention individuelle est conclue, mais également tout au long de son exécution.
Cass. Soc, 2 mars 2022, pourvoi n°20-19832