Focus RH et obligations légales
Chaque semaine, retrouvez un article de notre partenaire, le Cabinet Capstan Avocats, dédié aux obligations et réglementations en entreprise.
Licenciement pour insuffisance professionnelle
Qu’est-ce que l’insuffisance professionnelle ?
Il est admis de manière notoire et stable que l’insuffisance professionnelle, s’apparentant à une mauvaise exécution des tâches confiées, peut constituer à elle seule une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Pour rappel, l’insuffisance professionnelle résulte d’un comportement involontaire du salarié. C’est la raison pour laquelle elle ne peut faire l’objet d’un licenciement disciplinaire.
Dans quels cas le licenciement pour insuffisance professionnelle peut-il être réfuté ?
L’insuffisance professionnelle peut justifier un licenciement dès lors que l’employeur s’appuie sur des faits précis que le juge peut contrôler (Cass. Soc, 1.7.1981, pourvoi n°79-42423).
Toutefois attention, si l’employeur est responsable de l’insuffisance ou l’incompétence qu’il invoque, le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse.
Quelles sont obligations de l’employeur pour palier une insuffisance professionnelle de l’un de ses salariés ?
En pratique, c’est la jurisprudence qui a posé le principe selon lequel l’employeur a l’obligation d’adapter ses salariés aux évolutions de leur emploi, c’est-à-dire, concrètement, de prévoir des formations si cela s’avère nécessaire (Cass. Soc, 25.2.1992, n°89-41634).
Depuis plusieurs dispositions légales ont repris cette obligation dans le Code du travail.
De façon générale, l’employeur a la double obligation légale d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur employabilité (L.6321-1 du Code du travail).
En dehors de cette double obligation générale, l’employeur peut proposer des actions de formation liées au développement des compétences du salariés.
Si l’employeur ne respecte pas son obligation d’adaptation et de formation, alors il ne peut reprocher par la suite au salarié une insuffisance professionnelle.
Insuffisance professionnelle : l’arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2022
Sur ce point, un arrêt récent du 18 mai 2022 a été l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler que le licenciement pour insuffisance professionnelle du salarié était infondé, alors qu’il lui était reproché de ne pas avoir procédé à des contrôles mis à sa charge, car l’employeur ne justifiait pas avoir mis à la disposition du salarié les moyens nécessaires pour l’accomplissement de l’ensemble de ses fonctions.
La Haute juridiction a motivé sa décision dans les termes suivants :
« La cour d’appel a d’abord constaté, sans modifier les termes du litige, que la matérialité des manquements n’était pas établie pour les uns, qu’ils n’étaient pas imputables à la salariée pour les autres, l’employeur n’ayant pas mis à sa disposition les moyens lui permettant d’accomplir ses fonctions, ce dont elle a déduit que l’insuffisance professionnelle reprochée à l’intéressée n’était pas avérée. »
Cet arrêt donne des indications pratiques intéressantes en cas de contentieux, notamment concernant la charge de la preuve de l’insuffisance professionnelle qui repose sur l’employeur.
Ce dernier devra non seulement démontrer l’insuffisance de compétence ou de résultats du salarié, mais également prouver qu’il a accompli tous les efforts préalables pour que le salarié puisse remédier à son insuffisance.
À défaut de preuve suffisante, le licenciement sera requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Quelles sont les sanctions pour l’employeur lors d’un licenciement pour insuffisance professionnelle dépourvue de cause réelle et sérieuse ?
S’agissant des conséquences financières découlant d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à :
- une indemnité de licenciement,
- une indemnité compensatrice de préavis,
- une indemnité compensatrice de congés payés,
- ainsi qu’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mais attention, le manquement de l’employeur à son obligation de formation, d’adaptation et de maintien de l’employabilité des salariés peut être également sanctionné par le versement au salarié victime d’une indemnisation distincte de celle perçue en raison de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, laquelle résulte ici du manquement de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail.
A plus forte raison donc, l’employeur devra en pratique, et préalablement à toute procédure de licenciement, attiré l’attention du salarié sur ses insuffisances et prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires à son adaptation à son poste de travail.
Cass. Soc, 18 mai 2022, pourvoi n°20-19524