Focus santé : inaptitude et aménagement du poste selon la Cour de cassation

Cette semaine, décryptage de deux principales décisions qui ont été rendues par la Cour de cassation, en matière d’état de santé des salariés.

1/ Inaptitude avec dispense de reclassement par le médecin du travail : l’employeur n’a pas à notifier au salarié les motifs s’opposant au reclassement, ni à chercher un reclassement dans les autres établissements de l’entreprise

Dans une première décision en date du 11 juin 2025 (pourvoi n°24-15.297), la Cour de cassation rappelle que selon le code du travail, lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi de reclassement conforme aux prescriptions légales, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Dès lors que l’avis d’inaptitude mentionne expressément que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à l’état de santé de la salariée, d’une part, l’employeur n’était pas tenu de notifier par écrit à la salariée, préalablement à la mise en œuvre de la procédure de licenciement, les motifs s’opposant au reclassement, d’autre part qu’il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir recherché un poste de reclassement dans les autres établissements de l’entreprise.

2/ Obligation de sécurité : l’employeur doit vérifier l’application des préconisations du médecin du travail, y compris sur les sites de ses clients

De l’application des préconisations médicales : Vers une obligation de sécurité de l’employeur étendue ?

Aux termes du code du travail, le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur.

Aux termes de ce même code, l’employeur est tenu de prendre en considération l’avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4. En cas de refus, l’employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.

La Cour de cassation retient ainsi dans une décision du 11 juin 2025 (pourvoi n°24-13.083) qu’iI résulte de la combinaison de ces textes que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité, doit en assurer l’effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur que le médecin du travail est habilité à faire en application du code du travail.

En l’espèce, le salarié était conducteur routier. Il a été victime d’un accident du travail. Par la suite, le médecin du travail l’a déclaré apte, en précisant : « sans port de charge supérieure à 10 kg, tirer ou pousser une charge pendant 5 mois, sauf à l’aide d’un chariot électrique ». Il sera licencié l’année suivante pour inaptitude.

Devant les juges du fond, il demande notamment des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et pour exécution déloyale du contrat de travail, en invoquant un manquement à l’obligation de sécurité par son employeur, qui ne justifiait pas avoir mis en œuvre les mesures prescrites par le médecin du travail. Il estime qu’il appartenait à l’employeur d’un salarié exerçant des fonctions de livreur de vérifier que les lieux qu’il prévoit pour sa « tournée » sont équipés du matériel préconisé par le médecin du travail. Or en l’espèce, il résultait des protocoles de sécurité de six des lieux de livraison attribués au salarié que ceux-ci n’étaient pas équipés d’un transpalette électrique, ce qui ne correspondait pas aux préconisations du médecin du travail.

Il est débouté par la Cour d’appel : celle-ci estime que s’agissant de sociétés tierces, clientes de l’employeur, ce dernier ne peut avoir connaissance de l’absence de transpalette électrique, si le chauffeur intervenant chez le client ne l’alerte pas sur ce point.

À tort selon la Cour de cassation : dès lors que le juge a constaté que le médecin du travail avait préconisé l’aide d’un chariot électrique et que l’employeur, informé de cette préconisation, n’avait pas vérifié que les lieux dans lesquels le salarié effectuait sa tournée étaient équipés de ce matériel, il en résultait que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité.

 

 

 

 

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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