Licenciement économique : synthèse des dernières décisions rendues par la Cour de cassation
Cette semaine, trois principales décisions rendues en la matière par la Chambre sociale de la Cour de cassation sont décryptées.
1. Rupture amiable en application d’un plan de sauvegarde de l’emploi : sa cause ne peut être contestée
Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 10 mars 2023), le 23 mars 2018, la société GRD a soumis à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi Provence-Alpes-Côte d’Azur (Direccte Paca) un document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif incluant un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) mixte, lequel a été homologué par décision du 11 avril 2018.
Vingt-six salariés non-cadres de la société GRD ont signé une convention de rupture amiable pour motif économique, au cours des mois d’août et septembre 2018.
Contestant notamment le motif économique de la rupture de leur contrat de travail, les salariés ont saisi la juridiction prud’homale pour obtenir l’indemnisation de divers préjudices.
L’employeur fait grief aux arrêts de déclarer les salariés recevables en leurs contestations du protocole de rupture amiable, de les déclarer recevables à contester les motifs du licenciement et de le condamner à payer à chacun des salariés des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« que lorsque la rupture d’un contrat de travail pour motif économique résulte d’un accord de rupture amiable conforme aux prévisions d’un accord collectif ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi soumis aux représentants du personnel, la cause économique de la rupture ne peut être contestée, sauf fraude ou vice du consentement ; qu’en l’espèce, pour déclarer le salarié recevable à contester les motifs du licenciement et condamner la société Galderma R&D à payer à ce dernier des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a retenu que »la convention de rupture amiable entrant dans le dispositif applicable aux licenciements pour motif économique, l’employeur doit établir l’existence d’un motif économique licite », si bien que »le salarié est dès lors recevable à contester les motifs du licenciement».
Qu’en statuant ainsi quand elle avait constaté que la rupture d’un commun accord du contrat de travail était intervenue dans le cadre de la procédure de licenciement économique collectif, suivant les modalités prévues au plan de sauvegarde de l’emploi soumis aux représentants du personnel et homologué par la Direccte, ce dont il résultait que le motif économique de la rupture amiable ne pouvait pas être contesté par le salarié.
Réponse de la Cour de cassation :
Il résulte du Code Civil et du Code du Travail que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de la conclusion d’un accord amiable intervenu dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi assorti d’un plan de départs volontaires, soumis aux représentants du personnel, la cause de la rupture ne peut être contestée, sauf fraude ou vice du consentement.
2. Rupture amiable en application d’un PDV autorisée par décision administrative
Le juge judiciaire ne peut apprécier le caractère réel et sérieux du motif au regard de la cause économique ou le respect de l’obligation de reclassement
Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une décision administrative autorisant la rupture amiable dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi assorti d’un plan de départs volontaires devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de la rupture au regard de la cause économique ou du respect par l’employeur de son obligation de reclassement.
En l’espèce, pour déclarer compétent le conseil de prud’hommes pour statuer sur les demandes, les juges du fond, après avoir relevé que les salariés ont signé une convention de rupture amiable pour motif économique les 22 août et 11 septembre 2018 et que la décision favorable d’autorisation de l’inspection du travail a été rendue les 4 et 28 septembre 2018, retiennent que les salariés critiquent le motif économique invoqué sous couvert d’une réorganisation de la société.
Ils ajoutent qu’il incombe au juge judiciaire de s’assurer que la réorganisation décidée par l’employeur est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.
A tort selon la Cour de cassation : dès lors qu’ils avaient constaté que par décisions des 4 et 28 septembre 2018, l’inspection du travail avait autorisé les ruptures amiables des contrats de travail des salariés pour motif économique, ce dont il résultait qu’elles prenaient effet après l’autorisation.
3. Secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique : la spécialisation d’une entreprise dans le groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un secteur d’activité plus étendu
Selon l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ou à la cessation d’activité de l’entreprise.
Si la réalité de la suppression ou transformation d’emploi ou de la modification du contrat de travail est examinée au niveau de l’entreprise, les difficultés économiques ou la nécessaire sauvegarde de la compétitivité doivent être appréciées au regard du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise concernée.
Aux termes de l’avant-dernier alinéa de ce texte, le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Il en résulte que la spécialisation d’une entreprise dans le groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un secteur d’activité plus étendu, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.