FOCUS : Etat de santé du salarié – Synthèse des dernières décisions rendues par la Cour de cassation

Cette semaine, trois principales décisions rendues en la matière par la Chambre sociale de la Cour de cassation sont décryptées.

1. Licenciement pour inaptitude 

La demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité tend aux mêmes fins que celle pour manquement à l’obligation de reclassement

Selon les arrêts attaqués (Douai, 29 janvier 2021 et 24 septembre 2021), une salariée engagée le 7 mars 2013 en qualité d’aide-soignante par l’Association soins et aide à domicile a été déclarée inapte les 7 et 26 avril 2016, et licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 24 mai 2016.
La salariée fait grief à l’arrêt du 24 septembre 2021 de déclarer irrecevable la demande présentée pour la première fois en cause d’appel au titre du manquement par l’employeur à son obligation de sécurité, de dire que l’employeur a satisfait à son obligation de reclassement, de déclarer fondé son licenciement et de la débouter de ses demandes au titre de la rupture injustifiée de son contrat de travail, alors « que les prétentions soumises à la cour d’appel ne sont pas nouvelles lorsqu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement est différent».

Qu’en l’espèce, pour déclarer irrecevable la demande de la salariée tendant à ce qu’il soit jugé que l’employeur n’a pas rempli son obligation de sécurité à son égard et qu’elle a commis des fautes, la cour d’appel a retenu qu’il s’agissait d’une demande nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile, qui n’entrait pas dans les champs des exceptions énoncées à l’article 565 du même code.
Qu’en statuant ainsi quand la salariée demandait à la cour d’appel de constater que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité uniquement pour en déduire que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, prétention qu’elle avait déjà formée en première instance, de sorte qu’il s’agissait d’une demande qui tendait aux mêmes fins que celle soumise au conseil de prud’hommes, la cour d’appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile.
Réponse de la Cour de cassation :
Aux termes du Code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
La demande de dommages-intérêts formée pour la première fois en cause d’appel par la salariée aux fins d’indemnisation des conséquences de son licenciement en raison d’une inaptitude pour manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur tendait aux mêmes fins que celle, soumise aux premiers juges, qui visait à obtenir l’indemnisation de la rupture du contrat de travail par l’employeur pour manquement à l’obligation de reclassement, de sorte que la demande n’était pas nouvelle, et était recevable.
Cass. soc., 18 septembre 2024, n°22-17.737

2. Détermination de l’origine professionnelle de l’inaptitude

Le juge doit vérifier si l’inaptitude a pour origine un AT/MP, même si l’accident a déjà été qualifié d’AT

Selon l’arrêt attaqué (Fort-de-France,16 décembre 2022), une salariée a été engagée le 16 septembre 1991, en qualité de secrétaire au sein d’une étude d’huissier de justice.
Victime d’un accident de trajet le 1er décembre 1999, la salariée a été placée en arrêt de travail.
Le 9 février 2011, le médecin du travail l’a déclarée inapte au poste mais apte à un poste avec aménagement.
En l’absence de reclassement et de versement de salaire depuis mars 2011, la salariée a saisi la juridiction prud’homale.
En l’espèce, pour dire que la salariée pouvait prétendre à l’application de la législation professionnelle, la cour d’appel s’est bornée à affirmer que l’accident subi par la salariée a été qualifié d’accident du travail en visant l’expertise médicale du 19 avril 2011 et un courrier de la CGSSM ; qu’en statuant ainsi sans vérifier par elle-même si l’inaptitude de la salariée, constatée en 2011 prononcée après des arrêts de travail délivrés pendant deux ans pour maladie simple avait, au moins partiellement, pour origine un accident du travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail.
Selon la Cour de cassation : les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
En l’espèce, pour dire que la salarié pouvait prétendre à l’application de la législation professionnelle, le juge du fond retient qu’il est constant que l’accident subi par la salariée a été qualifié d’accident du travail.
A tort : il ne pouvait se déterminer ainsi, sans vérifier, ainsi qu’il le lui était demandé, si l’inaptitude du salarié avait, au moins partiellement, pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Cass. soc., 18 septembre 2024, n°22-24.703

3. La décision de reconnaissance d’un AT/MP par la CPAM s’impose au juge prud’homal

Il résulte des textes du code du travail que les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle a été reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie par une décision non remise en cause, cette décision s’impose au juge prud’homal auquel il revient alors de se prononcer sur le lien de causalité entre cet accident ou cette maladie et l’inaptitude et sur la connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie.
Par conséquent, le juge du fond ne peut pas débouter un salarié de ses demandes au titre de l’indemnité spéciale de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis en estimant qu’un doute existe sur la réalité de l’accident du travail alors que la CPAM en a reconnu l’existence.
Cass. soc., 18 septembre 2024, n°22-22.782

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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