Focus : accidents du travail & maladies pro, les dernières décisions analysées

Cette semaine, décryptage de trois décisions rendues par la Cour de cassation sur la thématique accident du travail / maladie professionnelle.

1/ AT mortel : le rapport d’autopsie est un élément couvert par le secret médical, qui n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la CPAM (revirement)

La deuxième chambre civile est saisie d’un pourvoi posant la question de la conciliation entre le droit de la victime au respect du secret de ses données médicales et la mise en œuvre, au bénéfice de l’employeur, du principe du contradictoire au cours de la procédure d’instruction au terme de laquelle la CPAM se prononce sur le caractère professionnel d’un accident mortel.

La Cour de cassation a jugé dans une décision du 3 avril 2025 (pourvoi n°22-22634) qu’il résultait de l’article R. 441-11, alinéa 1er, du CSS, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, alors applicable, que la CPAM, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie, devait informer l’employeur de la fin de la procédure d’instruction, des éléments recueillis qui lui sont défavorables et de la possibilité de consulter le dossier avant la date prévue pour sa décision, et que, par l’effet de ces dispositions valant autorisation au sens de l’article 226-14 du code pénal, la caisse était tenue, à peine d’inopposabilité de la décision de prise en charge, de communiquer à l’employeur, sur sa demande, l’entier rapport d’autopsie prévu par l’article L. 442-4 du CSS (2e Civ., 22 février 2005, pourvoi n° 03-30.308, publié).

Cependant, la Cour de cassation vient de juger qu’il résulte de la combinaison des articles L. 1110-4 du code de la santé publique, L. 315-1, V, et L. 461-1 du CSS, R. 441-13 du CSS, dans sa rédaction issue du décret n° 016-756 du 7 juin 2016, R. 441-14 du CSS, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, et du tableau n° 42 des maladies professionnelles, que l’audiogramme mentionné à ce tableau constitue un élément du diagnostic couvert par le secret médical, de sorte qu’il n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du CSS (2e Civ., 13 juin 2024, pourvois n° 22-15.721, publié, n° 22-16.265, 22-19.381, 22-22.786, publié).

Il convient, en conséquence, de reconsidérer la jurisprudence de 2005 rappelée ci-dessus.

Notamment, l’équilibre entre le droit de la victime au respect du secret médical et le droit de l’employeur à une procédure contradictoire dès le stade de l’instruction de la déclaration de la maladie professionnelle par la CPAM est préservé par la possibilité pour l’employeur contestant le caractère professionnel de l’accident de solliciter du juge la désignation d’un expert à qui seront remises les pièces composant le dossier médical de la victime (CEDH, décision du 27 mars 2012, Eternit c. France, n° 20041/10).

A cette même fin de conciliation de ces droits, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 a organisé, dès le stade de la saisine de la commission médicale de recours amiable, compétente pour connaître des contestations de nature médicale postérieures au 1er janvier 2019, les modalités de transmission par le praticien-conseil du service du contrôle médical de l’intégralité du rapport médical reprenant les constats du rapport d’autopsie éventuellement réalisée, ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision, sans que puisse être opposé l’article 226-13 du code pénal.

L’ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger désormais que le rapport d’autopsie constitue un élément couvert par le secret médical, qui n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale.

2/ AT : jusqu’au 1er juillet 2012, le salarié devait bénéficier d’une visite de reprise après une absence d’au moins 8 jours

Dans une décision du 26 mars 2025 (pourvoi n°23-12790), la Cour de cassation rappelle que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Un salarié est débouté de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes subséquentes par le juge du fond. Celui-ci, après avoir relevé que le salarié versait aux débats un arrêt de travail consécutif à un AT pour la période du 4 au 15 janvier 2012, retient qu’aux termes du code du travail (art. R. 4624-22, 3e, dans sa version applicable au litige), le salarié bénéficie d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail après une absence d’au moins 30 jours pour cause d’AT et que le salarié ne démontre donc pas l’existence d’une obligation de visite de reprise.
A tort pour la Cour de cassation : selon le code du travail (art. R. 4624-21, 3e), dans sa version issue du décret n° 2008-244 du 7 mars 2008, en vigueur jusqu’au 1er juillet 2012, applicable au litige, le salarié bénéficie d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail après une absence d’au moins 8 jours pour cause d’AT.

3/ Inscription au compte spécial : les sociétés doivent avoir été les employeurs de la victime

Aux termes du CSS, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles sont à la charge exclusive des employeurs.

Le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement.

L’ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, sans préjudice de l’application des décisions de justice ultérieures. Seules sont prises en compte dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents ou aux maladies dont le caractère professionnel a été reconnu.

Les dépenses engagées par les caisses d’assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque mais sont inscrites à un compte spécial.

Selon l’article 2, 4°, de l’arrêté interministériel du 16 octobre 1995, modifié, pris pour l’application de l’article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, il appartient à l’employeur qui sollicite l’inscription au compte spécial de rapporter la preuve que l’affection déclarée par la victime est imputable aux conditions de travail au sein des établissements des entreprises différentes qui l’ont employée, sans qu’il soit possible de déterminer celle dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie.

Doit être cassé l’arrêt qui retient que l’article 2, 4°, subordonne l’inscription au compte spécial à l’exposition au risque de la victime dans des établissements d’entreprises différentes et non à l’emploi chez des employeurs différents, et ajoute que l’exposition au risque de la victime au sein des trois sociétés clientes n’est pas contestée et qu’il n’est pas possible d’imputer la maladie à l’un plutôt qu’à l’autre des établissements exposants.

En effet, ces sociétés n’étaient pas, ni n’avaient été, les employeurs de la victime, ce dont il résulte que les conditions de l’article 2, 4°, de l’arrêté du 16 octobre 1995 n’étaient pas réunies.

Tel est l’apport de la décision du 27 mars 2025 (pourvoi n° 24-17.710), de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

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Article rédigé par La Team Capstan avocats

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