Heures supplémentaires des marins : enseignements et critique de l’arrêt du 8 octobre 2025

Schéma récapitulatif de la durée du travail des marins selon le Code des transports et le Code du travail.

– Principes applicables en droit du travail maritime en matière d’heures supplémentaires : rappel

Définition : Toute heure de travail accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire, donnant droit à une majoration salariale ou à un repos compensateur (C. trav., article L. 3121-28, rendu applicable par C. transp. art. L. 5544-8).

Majoration : Les taux de majoration des heures supplémentaires sont fixés par accord collectif, mais ne peuvent être inférieurs à 10 %. À défaut d’accord, les huit premières heures supplémentaires sont majorées de 25 %, les suivantes de 50 % (C. trav., art. L. 3121-33 et L. 3121-36).

Repos compensateur : Un repos compensateur peut remplacer tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, sous conditions (C. trav., art. L. 3121-37).

– Genèse du litige

Un marin-cuisinier, employé par une société française sur un navire battant pavillon britannique, a saisi la justice pour obtenir le paiement d’heures supplémentaires. Son employeur ne produisait pas le registre légal des heures de travail. Le conseil de prud’hommes avait fait droit à la demande du salarié (Le conseil de prud’hommes est ici compétent car le litige concernait l’exécution du contrat d’engagement maritime sur un navire étranger. Si le contrat s’était exécuté sur un navire français, le litige aurait été porté devant le Tribunal judiciaire).

Cependant, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 15 mars 2024 (CA Aix-en-Provence, 15 mars 2024, n° 21/15732), a débouté le marin, considérant que son décompte d’heures, bien que précis, n’était pas suffisant en l’absence d’éléments de preuve complémentaires.

Tirant les conséquences de l’inapplicabilité de l’article L. 3171-4 du Code du travail aux marins, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a adopté une interprétation stricte de l’article L. 5544-1 du Code des transports, privilégiant une approche protectrice des armateurs, dès lors qu’elle impose au salarié de rapporter la preuve d’une activité effectivement accomplie, même en présence d’un manquement commis par l’armateur dans la tenue du registre des heures, comme l’impose l’article 18 du décret n° 2005-305.

Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation, à l’occasion duquel le marin a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), faisant valoir l’inapplicabilité aux marins de l’article L. 3171-4 du Code du travail au motif qu’il porterait une atteinte excessive au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et à l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958.

La Cour de cassation a jugé que cette QPC n’était ni nouvelle (le principe d’égalité ayant été très souvent interprété par le Conseil), ni sérieuse et ne l’a donc pas transmise au Conseil constitutionnel (Cass. soc. 22 janvier 2025, n° 24-17.726). Cet arrêt confirme seulement que l’article L. 3171- 4 du code du travail n’est pas applicable au travail maritime, exclu par l’article L. 5544-1 du code des transports.

– L’apport de l’arrêt du 8 octobre 2025

Dans un arrêt du 8 octobre 2025 (n°24-17.726), la Cour de cassation censure la position de la Cour d’appel d’Aix en Provence, opérant un rappel fondamental :

« En cas de litige sur les heures de travail d’un marin, c’est à l’employeur de rapporter la preuve de la tenue du registre des heures, comme l’impose l’article 18 du décret n° 2005-305. Si l’employeur ne s’exécute pas, un décompte précis présenté par le salarié suffit à faire droit à sa demande. Le doute profite alors au salarié. »

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