Actualité sociale du 31 janvier 2025
La chambre criminelle de la Cour de cassation reconnaßt le « harcÚlement moral institutionnel »
La question posée à la Cour de cassation :
Les dirigeants dâune sociĂ©tĂ© peuvent-ils ĂȘtre condamnĂ©s sur le fondement de la loi rĂ©primant le « harcĂšlement moral au travail » pour avoir, en connaissance de cause, dĂ©fini et mis en Ćuvre une politique gĂ©nĂ©rale dâentreprise de nature Ă entrainer une dĂ©gradation des conditions de travail des salariĂ©s ?
La décision de la Cour de cassation :
Le « harcÚlement moral institutionnel » entre bien dans le champ du « harcÚlement moral au travail » tel que le conçoit le code pénal.
En effet, le législateur a souhaité donner au harcÚlement moral au travail la portée la plus large possible.
La loi :
âą nâimpose pas que les agissements rĂ©pĂ©tĂ©s sâexercent Ă lâĂ©gard dâune victime dĂ©terminĂ©e ;
âą nâimpose pas que les agissements rĂ©pĂ©tĂ©s sâexercent dans une relation interpersonnelle entre lâauteur et la victime > le fait quâauteur et victime appartiennent Ă la mĂȘme communautĂ© de travail est suffisant.
La loi permet de rĂ©primer les agissements rĂ©pĂ©tĂ©s qui sâinscrivent dans une « politique dâentreprise », câest-Ă -dire lâensemble des dĂ©cisions prises par les dirigeants ou les organes dirigeants dâune sociĂ©tĂ© visant Ă Ă©tablir ses modes de gouvernance et dâaction.
Cette interprĂ©tation du texte nâĂ©tait pas imprĂ©visible, dâautant plus pour des professionnels qui avaient la possibilitĂ© de sâentourer des conseils Ă©clairĂ©s de juristes.
La cour dâappel a Ă©tabli par des motifs suffisants lâexistence dâagissements de la part des prĂ©venus caractĂ©risant le dĂ©lit de « harcĂšlement moral institutionnel » ou la complicitĂ© de ce dĂ©lit.
Les pourvois des dirigeants sont donc rejetés : les condamnations sont définitives.
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Entreprises adaptées :
Un arrĂȘtĂ© du 16 janvier 2025 fixe les montants des aides financiĂšres susceptibles dâĂȘtre attribuĂ©es aux entreprises adaptĂ©es et aux entreprises adaptĂ©es de travail temporaire.
Titres restaurant :
La loi n° 2025-56 du 21 janvier 2025 prolonge la dĂ©rogation dâusage des titres restaurant pour tout produit alimentaire jusquâen 2026.
Travail dissimulĂ© : que peut intĂ©grer lâURSSAF dans lâĂ©valuation du prĂ©judice quâelle a subi ?
En application de lâarticle 1240 du code civil, le prĂ©judice rĂ©sultant dâune infraction doit ĂȘtre rĂ©parĂ© dans son intĂ©gralitĂ©, sans perte ni profit pour aucune des parties. En application des articles 2 et 3 du code de procĂ©dure pĂ©nale, le droit Ă rĂ©paration appartient Ă tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matĂ©riel ou moral, dĂ©coulant des faits, objet de la poursuite.
MĂ©connaĂźt ces textes et ces principes, lâarrĂȘt qui indemnise lâURSSAF Ă hauteur des sommes quâelle a dĂ©taillĂ©es dans ses conclusions alors que la partie civile a intĂ©grĂ© dans le calcul de son prĂ©judice les majorations du montant du redressement des cotisations et contributions sociales en cas de constat de lâinfraction de travail dissimulĂ© prĂ©vues Ă lâarticle L. 243-7-7 du code de la sĂ©curitĂ© sociale et les annulations dâexonĂ©rations de charges rĂ©gies par lâarticle L. 133-4-2 dudit code qui revĂȘtent le caractĂšre dâune punition et ne peuvent dĂšs lors, Ă ce titre, Ă la diffĂ©rence des intĂ©rĂȘts de retard et de la majoration principale de 5 % prĂ©vue par lâarticle R. 243-16, I, du mĂȘme code, entrer dans lâĂ©valuation du dommage quâelle a subi.
Cass. crim., 21 janvier 2025, n°23-85.053
QPC relative au régime des congés payés issu de la loi DDADUE : non-lieu à renvoi
Question :
« Les dispositions des I et II de lâarticle 37 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 ainsi que celles des articles L. 3141-3 et L. 3141-5 du code du travail, telles quâinterprĂ©tĂ©es de façon constante par la Cour de cassation, sont-elles conformes aux droits et libertĂ©s garantis par la Constitution, notamment au principe de la libertĂ© dâentreprendre, Ă la garantie des droits et au principe de souverainetĂ© nationale ? »
RĂ©ponse de la Cour de cassation :
La question posĂ©e ne prĂ©sente pas un caractĂšre sĂ©rieux, dĂšs lors que lâarticle 37 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, portant diverses dispositions dâadaptation au droit de lâUnion europĂ©enne en matiĂšre dâĂ©conomie, de finances, de transition Ă©cologique, de droit pĂ©nal, de droit social et en matiĂšre agricole, se borne Ă tirer les consĂ©quences nĂ©cessaires de dispositions inconditionnelles et prĂ©cises de lâarticle 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de lâamĂ©nagement du temps de travail et de lâarticle 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux et ne met en cause aucune rĂšgle ni aucun principe inhĂ©rent Ă lâidentitĂ© constitutionnelle de la France.
Cass. soc., QPC, 22 janvier 2025, n°24-40.030
Discrimination syndicale : comment dĂ©terminer lâĂ©volution de la rĂ©munĂ©ration dâun salariĂ© en lâabsence dâautre salariĂ© relevant de la mĂȘme catĂ©gorie professionnelle ?
Les salariĂ©s relevant de la mĂȘme catĂ©gorie professionnelle et dont lâanciennetĂ© est comparable, au sens de ce texte, sont ceux qui relĂšvent du mĂȘme coefficient dans la classification applicable Ă lâentreprise pour le mĂȘme type dâemploi, engagĂ©s Ă une date voisine ou dans la mĂȘme pĂ©riode (Soc., 20 dĂ©cembre 2023, pourvoi n° 22-11.676, publiĂ©).
En lâabsence de tout salariĂ© relevant de la mĂȘme catĂ©gorie professionnelle au sens du code du travail (art. L. 2141-5-1), lâĂ©volution de la rĂ©munĂ©ration du salariĂ© doit ĂȘtre dĂ©terminĂ©e par rĂ©fĂ©rence aux augmentations gĂ©nĂ©rales et Ă la moyenne des augmentations individuelles perçues dans lâentreprise, y compris lorsque certaines augmentations individuelles rĂ©sultent dâune promotion entraĂźnant un changement de catĂ©gorie professionnelle.
Une cour dâappel, ayant constatĂ© que le nombre dâheures de dĂ©lĂ©gation dont un salariĂ© disposait entre 2017 et 2020 Ă©tait supĂ©rieur Ă 30 % de la durĂ©e de travail prĂ©vue au contrat de travail et quâil Ă©tait le seul dans lâentreprise Ă ĂȘtre classĂ© dans un coefficient de la position de son type dâemploi, en a exactement dĂ©duit que lâĂ©volution de la rĂ©munĂ©ration du salariĂ© devait ĂȘtre dĂ©terminĂ©e par rĂ©fĂ©rence aux augmentations gĂ©nĂ©rales et Ă la moyenne des augmentations individuelles perçues dans lâentreprise, y compris lorsque certaines augmentations individuelles rĂ©sultaient dâune promotion entraĂźnant un changement de catĂ©gorie professionnelle.
Cass. soc., 22 janvier 2025, n°23-20.466
Les faits commis au cours dâun voyage organisĂ© par lâemployeur Ă titre de rĂ©compense relĂšvent de la vie personnelle du salariĂ©
Dâabord, un motif tirĂ© de la vie personnelle du salariĂ© ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf sâil constitue un manquement de lâintĂ©ressĂ© Ă une obligation dĂ©coulant de son contrat de travail. Ensuite, un trouble objectif dans le fonctionnement de lâentreprise rĂ©sultant dâun fait tirĂ© de la vie personnelle dâun salariĂ© ne permet pas en lui-mĂȘme de prononcer une sanction disciplinaire Ă lâencontre de celui par lequel il est survenu.
Doit dĂšs lors ĂȘtre approuvĂ© lâarrĂȘt qui, aprĂšs avoir constatĂ© que le licenciement avait Ă©tĂ© prononcĂ© pour faute, pour des faits qui, bien que commis au cours dâun voyage organisĂ© par lâemployeur Ă titre de rĂ©compense, sâĂ©taient dĂ©roulĂ©s hors du temps et du lieu de travail, ce dont il ressortait quâils relevaient de la vie personnelle du salariĂ© et ne pouvaient constituer un manquement aux obligations dĂ©coulant de son contrat de travail, en dĂ©duit que ce licenciement disciplinaire est dĂ©nuĂ© de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse, sans quâil y ait lieu de rechercher si le comportement de lâintĂ©ressĂ© avait crĂ©Ă© un trouble caractĂ©risĂ© au sein de lâentreprise.
Cass. soc., 22 janvier 2025, n°23-10.888
Rupture rĂ©sultant du refus du salariĂ© dâune modification de son contrat pour un motif non inhĂ©rent Ă sa personne : licenciement Ă©conomique dont la CRS repose sur le motif de la modification
Il rĂ©sulte du code civil (art. 1134) et du code du travail ( art. L. 1233-3 dans sa rĂ©daction antĂ©rieure Ă la loi n° 2016-1088 du 8 aoĂ»t 2016, et L. 1233-16), dâune part, que le seul refus par un salariĂ© dâune modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause rĂ©elle et sĂ©rieuse de licenciement et, dâautre part, que la rupture rĂ©sultant du refus par le salariĂ© dâune modification de son contrat de travail, proposĂ©e par lâemployeur pour un motif non inhĂ©rent Ă sa personne, constitue un licenciement pour motif Ă©conomique.
Doit dĂšs lors ĂȘtre cassĂ© lâarrĂȘt qui retient que le licenciement repose sur une cause rĂ©elle et sĂ©rieuse, alors quâil rĂ©sultait de ses constatations que le motif de la modification du contrat de travail refusĂ©e par le salariĂ© rĂ©sidait dans la volontĂ© de lâemployeur dâexternaliser ses activitĂ©s commerciales et quâil nâĂ©tait allĂ©guĂ©, ni dans la lettre de licenciement, ni dans les conclusions de lâemployeur qui se bornait Ă soutenir que le refus par le salariĂ© des postes qui lui avaient Ă©tĂ© proposĂ©s caractĂ©risait une situation intolĂ©rable et inacceptable, que cette rĂ©organisation rĂ©sultait de difficultĂ©s Ă©conomiques ou de mutations technologiques ou quâelle Ă©tait indispensable Ă la sauvegarde de la compĂ©titivitĂ© de lâentreprise, en sorte que le licenciement Ă©tait sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse.
Cass. soc., 22 janvier 2025, n°22-23.468