Forfait annuel en jours : suivi de la charge de travail et entretien annuel
Introduction au forfait annuel en jours post-réforme 2016
Depuis la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l’accord collectif instaurant le forfait jours doit notamment comporter des modalités assurant l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ainsi que des échanges périodiques entre l’employeur et le salarié sur la charge de travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération ainsi que l’organisation du travail (C. trav., art. L. 3121-64).
Clés de compréhension de l’accord de forfait en jours
Plus précisément, l’accord instaurant le forfait en jours doit déterminer :
- les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ;
- la période de référence du forfait (année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs) ;
- le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de 218 jours ;
- les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période
- les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait.
Suivi de la charge de travail et communication
- les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
- les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;
- les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.
Continuité et adaptation des conventions de forfait
Toutefois, l’article 12 de la loi précitée indique que :
« L’exécution d’une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d’une convention ou d’un accord de branche ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n’est pas conforme aux 1° à 3° du II de l’article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l’employeur respecte l’article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l’accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait ».
Jurisprudence et Application Pratique de la Loi
Principes de suivi de la charge de travail et de l’entretien annuel
S’agissant de l’évaluation et du suivi régulier de la charge de travail, l’article L. 3121-65 du Code du travail prévoit :- « L’employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l’employeur, ce document peut être renseigné par le salarié »,
- « L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires »
Contrôle du temps de travail : le défaut chez Heineken
La jurisprudence analyse au cas par cas le respect de ces prescriptions légales, et opère un contrôle très strict du suivi régulier de la charge de travail ainsi que de la tenue de l’entretien annuel. Lorsque ces conditions ne sont pas respectées, la convention individuelle de forfait en jours est privée d’effet, ce qui conduit à appliquer la durée légale du travail.
A titre d’exemples :
La Cour d’appel de Versailles a retenu que la société Heineken n’avait pas contrôlé le temps de travail effectif d’un salarié, ni mis en place d’entretien annuel spécifique, en application de l’article L. 3121-65 du code du travail.
Au cas d’espèce, les entretiens annuels d’évaluation versés aux débats (année 2012-2013-2014) étant exclusivement consacrés à la description des objectifs et de leur réalisation, sans aucune discussion ciblée sur la charge de travail, et l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.
Il s’en déduit que la convention forfait jours doit être déclarée privée d’effet, ce qui conduit à appliquer la durée légale du travail, de 35 heures hebdomadaires.
Cour d’appel, Versailles, 15e chambre, 14 avril 2021 – n° 18/02799
Manquement aux entretiens annuels : répercussions légales
Dans une autre affaire, la Cour d’appel de Versailles avait relevé que la société employeur n’avait pas contrôlé le temps de travail effectif du salarié, ni mis en place d’entretien annuel spécifique, en application de l’article L. 3121-65 du code du travail.
Les entretiens annuels d’évaluation versés aux débats sont exclusivement consacrés à la description des objectifs et de leur réalisation, sans aucune discussion ciblée sur la charge de travail, et l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.
Il s’en déduit que la convention forfait jours n’est pas nulle mais privée d’effet. Les dispositions de droit commun sur la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires, sont donc applicables.
Cour d’appel, Versailles, 15e chambre, 7 avril 2021 – n° 18/04439
Nullité de la convention de forfait jours chez EUREXO
Enfin, la Cour d’appel d’Amiens avait constaté, à l’examen des pièces produites (entretiens annuels d’évaluation du 1er avril 2016 et du 28 avril 2017) que le salarié était bien fondé dans sa demande de nullité de la convention de forfait jours passée avec la société EUREXO PARIS ILE DE FRANCE au motif qu’en 2016 et en 2017, l’obligation légale (article L. 3121-65 du code du travail) et conventionnelle (article 33.4) de procéder à un entretien sur sa charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise ainsi que sur l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale n’a pas été respectée ; en effet la cour retient que les entretiens annuels d’évaluation du 1er avril 2016 et du 28 avril 2017 ne comportent pas de mention démontrant l’existence d’un échange sur la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise ainsi que sur l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.
Cour d’appel, Amiens, 5e chambre prud’homale, 2 février 2021 – n° 19/06691