Focus RH et obligations légales
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Suppléant du CSE
Entreprise de moins de 50 salariés : est-il possible de désigner un membre suppléant du CSE en tant que délégué syndical ?
Ce que dit la loi ?
La loi permet aux organisations syndicales de désigner en tant que délégué syndical un membre élu du comité social et économique, dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
Cette possibilité est en effet consacrée à l’article L.2143-6 du Code du travail :
« Dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l’établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical.
Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n’ouvre pas droit à un crédit d’heures. Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l’exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l’exercice de ses fonctions de délégué syndical. »
En principe, la Cour de cassation selon une jurisprudence constante rendu sous l’égide de la disposition similaire antérieure de l’article L.412-11 du Code du travail avait déduit que, un membre de la délégation du personnel au CSE ainsi mandaté ne peut être qu’un membre titulaire, qui est seul à disposer d’un crédit d’heures à ce titre, contrairement au suppléant, puisque le Code du travail prévoit explicitement que le membre de la délégation du personnel doit utiliser son crédit d’heures pour les deux mandats (Cass. Soc, 30 octobre 2001, n°00-60313 ; Cass. Soc, 2 juillet 2014, n°13-25493).
Toutefois, la Haute juridiction avait retenu dans une décision du 20 juin 2012 que, un délégué du personnel suppléant assurant momentanément le remplacement du délégué du personnel titulaire pouvait être désigné délégué syndical dès lors qu’il pouvait à ce titre bénéficier d’heures de délégation (Cass. Soc, 20 juin 2012, n°11-61176).
Les conditions pour qu’un suppléant du CSE soit désigné délégué syndical (- 50 salariés)
Dans les deux présentes affaires, la Chambre sociale de la Cour de cassation a retenu que seul un membre suppléant du CSE, disposant d’un crédit d’heures de délégation en application,
- soit du Code du travail,
- soit des clauses du protocole préélectoral,
- soit du fait qu’il remplace momentanément un membre titulaire,
- soit enfin en application d’un accord collectif dérogatoire,
peut être désigné en qualité de délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
En l’espèce, et selon les jugements attaqués (Tribunal judiciaire d’Auxerre et d’Evreux) un salarié a été désigné délégué syndical du syndicat (CFDT dans l’un, CFE CGC dans l’autre).
L’employeur peut-il annuler la désignation du suppléant du CSE ?
L’employeur introduisait une action en justice pour solliciter l’annulation de cette désignation, le Tribunal judiciaire lui ayant donné raison.
Salariés et syndicats ont formé un pourvoi en cassation en faisant valoir que :
- Le texte légal n’interdit pas la désignation comme délégué syndical un membre suppléant du CSE, sauf à ce dernier à ne pas bénéficier d’un crédit d’heures ; qu’en annulant la désignation du salarié en qualité de délégué syndical au motif que celle-ci, en tant que membre suppléante du CSE ne disposait pas d’un crédit d’heures de délégation mensuel personnel et permanent, le Tribunal judiciaire a violé l’article L.2143-6 du Code du travail ;
- Le membre titulaire de la délégation du personnel du CSE peut, chaque mois, répartir entre lui et le membre suppléant le crédit d’heures de délégation dont il dispose ; que rien n’interdit à un membre titulaire de répartir ses heures de délégation avec un membre suppléant, de façon permanente et irrévocable ; qu’en affirmant pourtant que le législateur n’a pas prévu la possibilité pour un membre titulaire du CSE de renoncer par avance pour toute la durée de son mandat et de manière irrévocable à ses heures de délégation au profit d’un membre suppléant, le Tribunal a violé l’article L.2315-9 du Code du travail ;
- En relevant que l’accord de partage des heures de délégation entre les membres titulaire et suppléant ne respectait pas le formalisme en ce qu’il ne comportait aucune indication sur le nombre d’heures réparties chaque mois jusqu’à la fin du mandat, alors qu’aucun formalisme n’impose cette modalité particulière de répartition des heures de délégation, le Tribunal a violé l’article L.2315-9 du Code du travail, lequel prévoit que le membre titulaire du CSE peut chaque mois répartir entre lui et le membre suppléant le crédit d’heures de délégation dont il dispose.
La Cour de cassation a considéré que c’est à bon droit que les Tribunaux judiciaires ont statué comme ils l’ont fait puisqu’en l’espèce l’accord de partage des heures de délégation entre les membres titulaire et suppléant ne comportait aucune indication sur le nombre d’heures de délégation réparties mensuellement et était établi pour toute la durée du mandat en contrariété avec les dispositions de l’article L.2315-9 du Code du travail.
Il convient donc de retenir que les élus suppléants n’ont pas de crédit d’heures qui leur soit propre. Ils utilisent donc celui du titulaire qu’ils remplacent, ou celui qui leur est attribué si le titulaire a partagé une part de ses heures.
Dès lors, l’employeur a tout intérêt, lorsqu’une telle désignation survient, d’examiner si elle répond à l’une des hypothèses prévues, à savoir que l’élu suppléant dispose d’un crédit d’heure en application soit des dispositions issues de l’article L.2315-9 du Code, soit des clauses du protocole préélectoral, soit du fait qu’il remplace momentanément un membre titulaire, soit enfin en application d’un accord collectif dérogatoire, pour être, si tel n’est pas le cas, en capacité d’agir efficacement et rapidement, dans un délai de 15 jours suivant la désignation, pour solliciter son annulation.
Cass. Soc, 23 mars 2022, n°20-16333
Cass. Soc, 23 mars 2022, n°20-21269